Oui ce texte existe, il se nomme généralement Meguilat Antio’hous (Antiochus) ou encore meguilat Yevanim (ou meguilat ‘hashmonaïm), composé de 74 versets, ce texte est bien plus court que la Meguilat Esther et que le Sefer Amakabim -qui n’a en effet rien à voir avec cette meguila.
Le sefer Makabim (ou ‘hasmonaïm) est un texte apocryphe en deux livres de 16 et 15 chapitres, bien plus longs que la meguilat Antio’hous.
Il existe aussi deux autres livres, Makabim III et IV mais ils ne sont pas vraiment liés aux ‘Hashmonaïm et 'hanouka.
Ils se trouvent (les 4) dans le recueil sfarim a’hitsonim de Avraham Kahana.
Mais la Meguilat Antio’hous ne fait pas partie (elle non plus) du canon Biblique –comme il ressort du Talmud Yoma (29a).
Je ne connais pas l’auteur que vous citez –« Rav Shlomo Brodowish/Brodovicz », ni ses livres, mais je suis sceptique quant à ce qu’il déclare concernant cette meguila qui ne serait pas considérée apocryphe.
Il est vrai que Rav Saadia Gaon la cite et dit qu’elle a été « écrite par les premiers ‘hashmonaïm, Yehouda, Shimon, Yo’hanan, Yonathan et Elazar les fils de Matityahou qui ont écrit ce qu’il leur est arrivé … en chaldéen ».
(cette meguila existe en version traduite en hébreu.
Pour l’original, voir Beth Amidrash -de Jellineck- VI, 4. Pour l’hébreu, voir Beth Amidrash I, 142 et ailleurs).
Cependant, cette citation n’est pas des plus convaincantes,
tout d’abord car elle est contredite par le Beag (Ala’hot Gdolot) qui était aussi un Gaon (-que l’auteur soit Rav Yehouday ou rav Shimon) et généralement les gueonim étaient en accord sur les faits historiques de par leur transmission ininterrompue et le fait qu’ils résidaient encore en Irak.
Le Beag (page 684 dans l’édition moderne courante du Ma’hon yeroushalayim) écrit que la meguilat Antio’hous a été écrite par les anciens de Beth Shamay et de Beth Hillel.
Le Miracle de ‘Hanouka a eu lieu plus ou moins en l’an -139, c-à-d plus de 200 ans avant la destruction du second Temple, or les anciens élèves de la Yeshiva de Hillel n’ont pu exister en tant que tels, uniquement dans le siècle qui a précédé la destruction du Temple.
Car le Talmud (shabbat 15a) nous dit que Hillel est devenu Nassi 100 ans avant la destruction du Temple et nous savons par le Sifrei (sur Vezot abra’ha Piska XVI)(p. 363 dans l’édition avec Emek Anetsiv) que Hillel n’a commencé à enseigner qu’à ce moment, quarante ans avant sa mort.
(Hillel serait mort vers l’an 8, 9 ou 10 selon les opinions de la date de la destruction, soixante ans avant cette dernière).
Il en résulte que selon le Beag, la Meguilat Antio’hous n’a pas été écrite par les enfants de Matityahou, mais plus d’un siècle après eux.
Voici le premier point faible dans ce texte attribué à Rav Saadia Gaon.
Ensuite, il faut savoir que Rav Saadia a écrit cela dans son Sefer Agalouy qui s’est perdu depuis des siècles.
Nous disposons de cette information car elle fait partie d’un recueil de quelques bribes de ce livre disparu –sefer agalouy- paru dans Zikaron Larishonim Velaa’haronim (par Arkavy, en 1892).
Ainsi, il est fort difficile d’obtenir une certitude sur l’authenticité de chaque mot de ce texte.
Ce qui constitue le second point faible.
Après, s’il fallait être assuré de la valeur de chaque mot de ce « reste de sefer Agalouy », je m’étonnerais de ce qu’il cite parmi les auteurs de la meguilat Antio’hous Yehouda et Elazar qui n’ont pourtant pas vécu la victoire (dont la meguila fait état), puisque Yehouda fut tué et Elazar écrasé par un éléphant avant la victoire comme explicite dans la meguilat Antio’hous (versets 56 et 62).
Auraient-ils participé à la rédaction de cette Meguila post-mortem ?
Ou faudrait-il imaginer le Rav Saadia Gaon s'étant bêtement trompé (pour le plus grand plaisir de l'éléphant)?
Voilà trois points faibles.
Aussi, la meguila cite l’allumage des bougies de ‘hanouka, ce qui ne semble pas correspondre à la génération de la victoire.
Au départ, il me semble que la fête ne comportait pas d’allumage, seulement Hallel et Odaa etc… (certains sont allés encore plus loin).
Dans le Talmud (shabbat 21b) , la Brayta citée ne parle pas des bougies, seulement de yamim tovim beallel oubeodaa (avec interdit de jeûner et de faire un hesped).
Ça fait quatre.
De plus, certains versets semblent indiquer clairement que la meguila n’a pas été écrite « sur place », juste après la victoire, mais bien après.
Déjà le verset 5 se termine par « jusqu’à nos jours ».
Cela indique que du temps s’est écoulé (voir Abrabanel dans sa préface au Sefer Yeoshoua).
Mais surtout, le verset 72 dit clairement que depuis le miracle de ‘hanouka jusqu’à la destruction du Temple se sont écoulées 206 ans… !
Quoi de plus explicite ?
Il en ressort clairement que la rédaction de ce texte date d’après la destruction du Temple, soit plus de 206 ans après l’époque du miracle de ‘Hanouka.
Imaginez Elazar écrire cette Meguila alors qu’il est écrasé par un éléphant depuis plus de deux siècles…
Et voici cinq difficultés.
Néanmoins ce verset 72 sera assez délicat pour le Beag aussi, car il parle des anciens élèves de Shamay et Hillel.
Seulement, comme chacun sait, l’on désigne par Beth Shamay et Beth Hillel les écoles de Shamay et de Hillel, même bien après leur mort.
Nous pouvons donc dire qu’il s’agît d’anciens élèves de ces écoles, mais pas nécessairement de la première génération.
Ceci reste délicat car la rédaction de la meguila étant reportée à l’après destruction, nous avons du mal à voir comment l’adjectif « anciens » se justifie.
Et s’il faut imaginer que ce verset (ou ces derniers versets) est un ajout tardif, on pourra répondre aussi pour le Sefer Agalouy.
Après avoir détaillé les raisons pour lesquelles je ne suis pas « convaincu » de cette citation du sefer agalouy, j’ajoute que même si la meguila avait été écrite par les 5 fils de Matityahou (dont deux morts), je ne vois toujours pas en quoi cela lui confèrerait le statut de kitvei akodesh pour faire partie du canon biblique.
Certains livres lui sont de toute façon antérieurs et ne comptent pas pour autant parmi les livres de notre Bible.
Il est juste de noter que cette meguila semble avoir une certaine importance, quelques communautés avaient l’habitude de la lire en public le shabbat de ‘hanouka, mais ils ne faisaient pas précéder cette lecture d’une bénédiction (comme pour meguilat Esther) car il n’y a jamais eu de mitsva instaurée par les Sages enjoignant de la lire.
Voir à ce sujet le Tosfot Rid (sur Souka 44b) qui écrit qu’il ne convient pas de dire de bra’ha sur cette lecture.
En conclusion, ce texte n’a pas la sainteté d’un livre de la Bible -ce qui ne lui retire pas sa valeur historique.
Nous ne sommes pas tenus d’en faire lecture à ‘hanouka et –si toutefois nous décidions de le lire- il ne convient pas de réciter une bra’ha sur cette lecture.
Même si Rav Saadia le tenait pour écrit par les fils de Matityahou, cela ne lui confère aucune sainteté particulière et ce livre reste selon tout le monde (sauf pour Rav Shlomo Brodovicz ?) un livre « non biblique ».