Ce post est ma réponse à
Modern Orthodox (et selon ce que je viens de lire ma réponse risque d'être longue), mais on m’a fait parvenir un élément supplémentaire par mail (un petit texte du
Rav Kook), je ne sais plus si c’est un ajout qui colle bien avec les remarques de
M.O. ou si c’est lui-même qui désire ajouter ce supplément à ses remarques, quoi qu’il en soit je publie ici cet élément ajouté avant de répondre :
וכבר כתבתי למעלת כבוד תורתם, שאני יודע ברור תכונת בני דורנו, שדוקא
ע"י מה שיראו, שכל מה שיש להתיר ע"פ עומק הדין מתירין אנחנו, ישכילו
לדעת, שמה שאין אנו מתירין הוא מפני אמתת דין תורה, וימצאו רבים הדבקים
בתורה שישמעו לקול מורים בעזרת ה', מה שאין כן כשיתגלה הדבר, שישנם
דברים כאלה, שמצד שורת ההלכה ראויים הם להיתר ורבנים לא חשו על טרחם
וצערם של ישראל, והניחו את הדברים באיסורם, יוצא מזה חס וחלילה חילול
ה' גדול מאד, עד שמתרבים המתפרצים לומר על כמה גופי תורה, שאם הרבנים
רוצים היו יכולים להתיר, וע"י זה יוצא משפט מעוקל.
שו"ת אורח משפט, קיב.
Je commence par ce petit texte du Rav Kook.
Sans avoir vérifié contre quoi il s’insurgeait (par cet écrit) (je ne possède pas ce livre), je ne doute pas une seconde qu’il s’agisse d’un sujet qu’il ne convient pas d’ignorer que des rabbins ignoraient par paresse ou par peur de dire les choses clairement.
C’est d’ailleurs explicite dans ses mots, il parle de «
choses permises que les rabbins ne se fatiguent pas à déclarer permises par mépris de la souffrance du peuple ».
Bien entendu, il convient de s’insurger contre une telle paresse.
Mais ça n’a rien à voir avec notre sujet ; il m’apparaît évident que
le Rav Kook lui aussi INTERDISAIT un tas de choses strictement permises SELON LA LETTRE DE LA ALA’HA dans la mesure où ces interdictions n’étaient pas le fruit de la paresse ou du peu de considération qu’il aurait ressenti pour le peuple.
Que pensez-vous qu’il aurait dit du fameux « minian crucifix » dont je parlais dans mon message initial ?
Je crois que vous ne m’avez pas lu attentivement, sans quoi vous auriez probablement pensé à ça tout seul.
C’est de ma faute, mon post est très long –mea culpa, mais c’était nécessaire.
L’ennui est que comme c’est long, on ne remarque plus certaines phrases qu’on lit en somnolant.
(Je crains que ce post aussi soit long, on verra.)
Alors pour choquer un peu plus je dirais :
imaginez un peu la réaction du
rav Kook si on lui avait demandé de célébrer un mariage de lesbiennes.
Connaissez-vous un texte ala’hique qui interdit de célébrer un tel mariage (–sans les bénédictions instaurées pour les mariages , comme ça on ne s’inquiète pas de bra’ha levatala) ?
Je sais bien que célébrer ce mariage ne correspond pas à faire
le bien (mais
lesbiennes) mais si l’on veut se tortiller à travers les textes et dire qu’il n’y a pas de « Issour » de dire qu’elles sont mariées (« je vous déclare femme et femme, unies par les liens sacrés du mariage »), on y arrive sans problème.
Rien dans les TEXTES fondateurs (ou non) de la ala’ha n’interdit de déclarer deux femmes mariées.
Ça n’a pas de valeur ala’hique, ni de sens.
Il n’y a aucune MITSVA à cela bien entendu, ces femmes ne seront « créditées » d’aucun mérite pour cela, personne ne leur demande ce mariage, ce mariage ne fera pas avancer positivement le développement du judaïsme, le seul « gain » est que ces femmes qui ont absolument envie d’être reconnues mariées se sentiront satisfaites.
Mais le danger spirituel entraîné par un tel « mariage » fera que tout rabbin animé d’une volonté de préserver le message de D. intact (autant que possible) refusera de célébrer une telle union –même si on pourrait contourner tout interdit « ala’hique » lié à la célébration de ce mariage.
Et je me laisse volontiers dire que le
Rav Kook serait tombé à la renverse suite à une telle demande [il est devenu rabbin de Yaffo avant la création de Tel Aviv : ) ] et ce, malgré l’absence d’interdit ala’hique répertorié dans les codes.
A présent je passe à votre message :
Citation:
Je vous félicite pour cet exposé halakhique, clair et honnête.
Merci.
Citation:
Ceci étant dit, et vous l'écrivez, vous même, la majorité des problèmes soulevés ne concernent pas la lecture en question puisqu'il s'agissait d'une lecture uniquement entre femmes et sans brachot.
Errare, je n’ai pas écrit cela et de plus, c’est faux.
Relisez moi, la lecture d’
Ancelle comportait les Bra’hot.
Il y avait plusieurs problèmes ala’hiques qui n’avaient pas été contournés.
Mais je préfère m’intéresser essentiellement au sujet général, disons que ce qui concerne spécifiquement
Ancelle n’est qu’anecdotique.
Citation:
Le seul "problème" restant est celui de Nida, or vous savez pertinemment que contre la ribambelle de poskim y voyant un problème, il en existe d’autres, pas moins nombreux, qui n’y voient aucun problème, notamment chez les séfarades (majoritaires en région parisienne) où les femmes nord-africaines ont toujours touché les sifrei torah avec l'accord des rabbins locaux.
Mince, je pensais que vous m’aviez lu avant d’écrire.
Mais franchement je vous comprends, quand je vois la longueur de mon post, ça fait peur.
J’écrivais clairement que le problème de Nida concerne essentiellement les Ashkenazes car les sfarades suivent généralement l’avis permissif.
Vous semblez avoir l’impression de dévoiler un scoop en l’écrivant, mais je vous avais devancé.
En revanche, je ne connais pas de poskim « pas moins nombreux » qui permettent, comme vous l’écrivez.
Les poskim suivis depuis toujours par les Ashkenazim sont -dans leur très très grande majorité- rigoureux sur cette ala’ha.
Par contre il y a des poskim sfaradim qui se montrent eux aussi rigoureux, de telle sorte que pas TOUS les sfaradim se permettent la koula sur ce point.
Par exemple le
Rabbi ‘Haim Pallagi dans son
‘Hikekei Lev (o’’h §3),
Rabbi Yossef Ibn Yaïsh dans son
Ben Avraham (y’’d §4) et d’autres encore.
Citation:
Vous écrivez notamment : "… si ces femmes pouvaient voir les conséquences de ce genre d’initiative sur leurs descendants dans un siècle, elles pleureraient aussi, mais différemment…". Tout d'abord, votre subjectivité est frappante.
Voici qui semble confirmer que vous ne m’ayez lu qu’en diagonale.
N’avez-vous pas lu dans mon post ces phrases desquelles il ressort que je n’affirme pas que le danger sera « systématique sur chacun des descendant et sans exception aucune », mais qu’il est (seulement) fort probable et excessivement risqué ?
Voyez par exemple :
« il y a fort à craindre qu’instaurer un minian féminin, quand bien même respectueux de la ala’ha, entrainerait une ouverture vers d’autres horizons et une dérive que personne ne souhaite »
« Beaucoup de choses permises selon la lettre de la ala’ha , en étant pratiquées officiellement et par un groupe, risqueraient de nous égarer de notre service divin et de notre religion. »
« un « minian crucifix » qui se regrouperait aurait très peu de chances de ne pas entraîner des dérives ala’hiques et à la longue de sortir de la religion juive traditionnelle. »
Mais si vous trouviez que je sois de toute façon déjà qualifiable de subjectif en décidant qu’il s’agît d’un danger « fort probable », je vous dirais que faire preuve de subjectivité c’est lorsqu’on décide sans explications ni preuves.
Pour ma part je considère avoir expliqué clairement l’inquiétude et que celle-ci est attestée par des preuves historiques.
Citation:
Qui peut prétendre connaitre les conséquences de cette lecture ?
Toute personne qui consulte et analyse l’histoire religieuse du peuple juif d’un œil objectif.
Je ne prétends pas connaître avec précision ce qui adviendra de chacun des descendants d’une telle communauté, je prétends seulement que leurs chances de rester parfaitement fidèles à la Thora sont minimes.
Ce qui me permet d’écrire ça sont les chiffres.
Combien de descendants de juifs qui se sont permis des réformes du culte (contre l’avis rabbinique) sont restés fidèles au judaïsme ? Pas beaucoup, pour ne pas dire souvent aucun.
Citation:
Vous savez bien que la configuration religieuse et politique de l'Allemagne du 19e siècle était fort différente de la nôtre et que l'assimilation frappa également les enfants de rabbins forts éloignés de la pensée de Moses Mendelssohn...
Oui, l’assimilation frappa même certaines des familles dites « orthodoxes » de l’époque.
En effet cette époque de la sortie du ghetto n’a pas été des mieux gérées et il y a eu beaucoup de « casse ».
Mais je prenais la peine de préciser dans mon message initial (afin de vous éviter la question) qu’il subsiste une différence de TAILLE entre le pro-Mendelssohn et l’anti-Mendelssohn, en écrivant que
Mendelssohn et ses disciples n’ont AUCUN descendant qui ait suivi « la voie de la Thora selon Mendelssohn », ni la voie de la Thora tout court.
C’est tout de même prodigieusement miraculeux que sur des dizaines (ou centaines ?) de milliers de descendants des élèves fidèles de cette école,
PAS UN SEUL ne soit resté juif pratiquant, non ?
Serait-ce une pure coïncidence ?
Je comprends bien que l’air du temps ait aussi joué, mais peut-on en dire autant des autres ? peut-on dire que la totalité des descendants des rabbins orthodoxes (opposants de
Mendelssohn) et leurs élèves ont quitté le judaïsme ?
Bien sûr que non.
Faites un tour aux USA, en Angleterre, en Belgique, en Israel et vous verrez les myriades de descendants des juifs fidèles à la tradition depuis des siècles et des siècles sans interruption, aucun d’entre eux a pour ascendant un élève de
Mendelssohn.
Cette TRES NETTE différence entre les descendants des traditionalistes et les descendants de ceux qui ont opté pour le changement dans le culte me semble ne permettre aucun doute quant aux conséquences de ces changements.
Et si l’Allemagne du XVIIIème siècle vous semble particulièrement responsable de l’abandon de la pratique, que diriez-vous de l’Amérique du XXème siècle ?
Les communautés qui ont instauré des changements dans le culte au tout début du XXème siècle nous ont donné un résultat similaire au niveau de leurs descendants.
Il est vrai qu’il y a eu (chez ces américains) moins de conversions massives au christianisme qu’en Allemagne, mais l’abandon de la Thora y est drastiquement présent et le taux de mariages mixtes est très nettement plus élevé que chez les « traditionalistes ».
Ce n’est pas qu’en Allemagne et au XVIIIème siècle que les changements du culte se sont avérés déstabilisateurs de religion, on retrouve le même funeste résultat en France, en Angleterre, en Pologne, en Autriche, aux Etats-Unis et dans plusieurs pays d’Europe de l’est.
Et dans chacun de ces pays, il ne s’agît pas seulement d’une seule communauté qui nous servirait de preuve, mais de plusieurs communautés à plusieurs périodes.
Ce sont des dizaines (ou peut-être des centaines) de communautés que nous avons comme cobayes et desquelles il faut tirer des conclusions.
Citation:
Notons d'ailleurs que ce genre d'arguments a été invoqué contre le Rav Soloveitchik en son temps et sa volonté d'enseigner exactement le même programme de kodesh aux filles et aux garçons (Talmud à haut niveau). Aujourd'hui, le monde des midrashot où les filles étudient la guemara n'a plus à faire ses preuves. Des érudites et craignantes-dieu en sont sorties et développent encore plus ce monde en expansion.
Je ne peux pas me prononcer car je ne connais pas ces milieux d’assez près
(et je pense que personne ne peut se prononcer avec autant d’assurance que sur les thèmes où l’histoire nous donne des preuves. Je dirais donc que le monde des midrashot a encore –selon moi- besoin de faire ses preuves, attendons un siècle pour voir la 4ème génération. Je ne déclare pas ici m’y opposer, je dis seulement que « n’a plus à faire ses preuves » est encore prématuré).
Je souligne aussi une différence fondamentale entre la volonté innovante du
Rav JB et notre cas, c’est que dans notre cas nous avons des antécédents catastrophiques avec ces « communautés cobayes » qui avaient innové la lecture féminine, alors que l’idée de
Rav JB de créer une yeshiva féminine était une première.
S’il est vrai que des rabbins y ont vu un risque, ils auraient certainement été d’accord avec moi que ce risque est bien moins convaincant que celui lié à la kriat athora féminine –qui elle a fait ses preuves, mais négativement.
Mais je suis persuadé que l’étude approfondie des textes est très différente de la réforme du culte synagogal pour deux raisons :
tout d’abord l’Histoire nous prouve que le culte est LE terrain le plus dangereux concernant les changements (comme je l’écrivais dans mon post initial)
et ensuite l’étude APPROFONDIE de la Thora est par définition le moyen de comprendre en profondeur la volonté de D., ce qui fait qu’on imagine mal qu’elle puisse nous en éloigner véritablement.
Si à l’époque du
Talmud il y avait des rabbins pour et d’autres contre l’enseignement de la Thora aux filles, c’est bien parce qu’il leur était possible d’être juives sans ces études.
Or, il est clair que de nos jours une fille (/une femme) qui n’apprend pas la Thora risque de ne pas avoir grand-chose de juif en elle.
S’il existe encore quelques rabbins qui se montrent très réticents à l’idée d’enseigner la Thora aux femmes, la très grande majorité des rabbins orthodoxes est favorable à l’enseignement pour les femmes.
Certains restent méfiants concernant le
Talmud et se contenteraient de la Ala'ha et de la Bible, d’autres « permettent » même le
Talmud, mais aucun ne considère l’étude du
Talmud par une femme aussi risquée que la kriat athora des femmes.
Citation:
Comment affirmer que tel ou tel changement, permis par la Halakha, amène à une déviance ?
Tout simplement en le constatant par notre histoire depuis 250 ans.
Mais diriez-vous que le « minian crucifix » ou le mariage de lesbiennes ne risque pas du tout d’amener vers une déviance ?
Non, je suis sûr que vous n’y seriez pas favorable –malgré que la (lettre de la) Ala’ha ne les interdit pas.
Alors bien sûr, pour le minian féminin, ça saute moins aux yeux (qu’il y ait un risque), j’en suis conscient, mais je vous prouve par-là que votre supposition que tout ce qui est ala’hiquement autorisé ne peut pas représenter de danger spirituel est à revoir.
Et si vous me demandez qu’étant donné que c’est « moins évident » (pour les lectures de femmes), d’où tiendrais-je donc une telle assurance, je vous réponds que l’analyse de l’Histoire suffit à me convaincre que le danger est très net et concret.
Citation:
Comme vous le notez, "cela indique bien qu’il y a un problème dans l’insatisfaisant rôle actuel des femmes au sein de la communauté". Nous sommes d'accord sur ce point, pourtant je n'entends pas de propositions concrètes de votre part
Ah bon ? Si vous n’en entendez pas, hé bien lisez !
J’écrivais pourtant quelques idées comme une « université des femmes de la communauté » ou encore une «’hevrat gmilout ‘hassadim » et aussi une sorte de ‘Hevrat Mekitsei Nirdamim j’écrivais aussi, je me cite :
On pourrait aussi imaginer la création d’une collection de traduction d’ouvrages magnifiques, qui participerait sans aucun doute à faire sortir un peu la communauté francophone de l’ignorance dans laquelle elle baigne paisiblement (-ce qui permet ce goût excessif pour la mystique et les superstitions que dénonçait à juste titre l’article).
On peut encore imaginer la diffusion de travaux concernant le statut de la femme dans le judaïsme…
Si des femmes non-instruites en Thora veulent elles-aussi avoir une place dans la communauté, il peut y avoir plusieurs sortes d’associations de femmes, dans le domaine du ‘hessed, comme aider les enfants des familles de la kehila pour leurs devoirs scolaires ou autres problèmes, il y a énormément de familles en détresse et à différents niveaux et en parallèle il y a tellement de personnes qui cherchent comment se rendre utiles dans leur communauté, que je suis sûr qu’il y a de quoi faire.
Les associations de Gmilout ‘hessed françaises sont bien ridicules face à ce que font nos coreligionnaires américains.
Si l’idée de vous investir dans la bienfaisance vous paraît ne pas répondre à votre besoin, rien ne vous empêche de vous investir dans l’étude profonde de la Thora, il y a bien eu des femmes savantes en Thora, même aux époques où la majorité des femmes étaient analphabètes et où aucune structure d’enseignement n’existait pour elles.
Constatant qu’une bonne partie des hommes talmudistes manquent nettement de clairvoyance et de compréhension mature dans leur étude, je me dis que les femmes seraient peut-être plus douées qu’eux sur ces points, il serait dommage de gâcher ce potentiel.
Bref, je ne dis pas que j’ai pensé à toutes les bonnes idées, au contraire j’invitais toute personne à proposer mieux (et certains l’ont fait, comme
Bluxor qui propose d’en finir avec les problèmes de Kashrout en France grâce à une action féminine), mais dire que je n’ai rien proposé est assez sévère
(sauf si vous me confirmez ne m’avoir lu qu’en diagonal, auquel cas je comprends que vous n’ayez pas remarqué ma volonté de proposer quelques idées).
Mais bon, quand bien même n’aurais-je rien proposé, mettez-ça sur le compte de mon manque d’imagination et proposez vous-même, mais en aucun cas mon manque d’imagination pourrait dissiper le danger lié aux lectures féminines.
Citation:
Tout changement est dangereux, mais le changement est parfois une nécessité qui mérite bien le risque qui la guette.
(je note avec satisfaction que vous êtes d'accord que "
tout changement est dangereux")
Certes le changement est PARFOIS une nécessité qui mérite de courir le risque, mais au vu des chiffres qui représentent les ravages spirituels liés aux changements dans le culte, je pense que la lecture féminine ne vaut certainement pas le coup de risquer si gros.
Je pense aussi que tout le monde partagerait mon avis après analyse de l’Histoire –à condition d’être consciencieux et sensible à l’importance du maintien de la thora, ce qui -je pense- est votre cas.
Je tiens aussi à préciser que lorsque je me montre inquiet du maintien de notre religion, il ne s’agît pas du tout de s’inscrire dans la Shita Lituanienne très "frileuse" qui se résume par «
kol ameshané yado al ata’htona ».
Cette opinion de plusieurs rabanim lituaniens est un dossier en soi, mais même des rabanim d’obédience étrangère à cette conception suspicieuse de tout changement proclament tout haut qu’il ne faut pas organiser de lectures féminines.
Il n’est nul besoin d’avoir un passeport lituanien pour voir un danger dans ces lectures, un peu de bon sens, quelques livres d’histoire et un souci sincère du maintien de la religion suffisent amplement.
J’ajoutais ceci pour répondre à une remarque qui m’a été adressée dans plusieurs mails où l’on m’indique que s’opposer systématiquement à tout changement est malsain.
Je comprends bien votre idée, j’aurais même tendance à l’exprimer ainsi :
refuser tout changement dans tous les cas peut parfois constituer un changement.
En effet, il y a certaines situations où s’obstiner à continuer à faire exactement comme nos ancêtres constituerait un changement dans la mesure où le contexte aurait changé, de telle manière que nos ancêtres n’ont jamais effectivement agi de la sorte dans une telle situation, il n’y a donc d’autres choix que de changer, que l’on choisisse de continuer comme avant ou non, dans les deux cas on aura changé la pratique.
Et là, tant qu’à faire autant opter pour le changement le plus logique.
Dans certains cas il devient difficile de se faire une idée, continuer serait encore « continuer » ou bien représenterait déjà un changement ?
Pour cela il y a des rabbins -qui sont les mieux placés pour apprécier les enjeux des deux côtés- et franchement je pense qu’en général un seul rabbin isolé ne devrait pas se permettre de prendre des décisions par trop risquées en suivant son seul flair.
Il convient de se concerter avec d’autres rabbins, dès fois qu’une vision du problème aurait échappée à l’un d’eux.
On retrouve cette idée dans le
Talmud à différents endroits, un rabbin craignait de se tromper et préférait associer à sa décision d’autres personnes (voir par exemple
Sanhedrin 7b).
On retrouve encore cette attitude jusque chez les
A’haronim qui cherchaient parfois à associer d’autres rabanim à un psak osé sans quoi ils préféraient eux-mêmes s’abstenir de le valider.
Citation:
Quel acte religieux symbolise plus la proximité avec Dieu que l'étude et la lecture de la Torah ?
Vous mélangez-là deux choses qui sont fort différentes, «l'étude et la lecture de la Torah ».
C’est vrai que l’étude est un puissant moyen de se rapprocher de D. Mais la lecture des rouleaux n’est qu’un symbole (de nos jours), ce n’est pas par cette lecture que la lectrice va découvrir le bon D., au mieux ça serait par la préparation à cette lecture dans un ‘houmash ou un tikoun korim, mais certainement pas par la kriat athora.
D’où le double avantage à préférer l’étude, d’une part ça rapproche bien plus de D. et d’autre part ça ne présente pas du tout les mêmes risques que la lecture.
Citation:
Là où vous pourriez voir une volonté du public féminin de se rapprocher de son créateur, vous choisissez de voir un combat laïc, quasi-anti-religieux. Pourquoi ?
Bon, vous teniez peut-être à nous confirmer que vous n’avez lu mon post qu’en diagonale, mais ce n’était pas nécessaire d’en faire tant, on l’avait compris.
Lisez-moi, je me cite :
Je ne pense pas que leur but dans la vie soit exclusivement d’organiser une kriat athora féminine …, mais plutôt une volonté d’exister au sein de la communauté, se sentir … « en contact avec D. ».
Ne voyez-vous pas que je comprends que la volonté de ces femmes est de se rapprocher de D. ?
C’est pourtant clair dans mes mots, non ?
Je ne vois pas dans cette lecture des femmes une volonté de mener un combat laïc, je sais que pour leur grande majorité, c’est une volonté sincère d’accéder à la Thora et à D.
Ceux qui mènent un combat laïc antireligieux existent aussi, mais eux n’organisent pas ces lectures, ils se contentent de les soutenir en étant (et en voulant être) persuadés que la motivation des rabbins est misogyne.
Citation:
Votre dernier argument consiste à dire que ce genre de choses n'a pas reçu l'aval des grands des générations passées. Mais vous savez pourtant que les problématiques changent d'une génération à l'autre...
Oui, les problématiques changent, mais les hommes pas tellement.
Si ces lectures étaient perçues comme déstabilisatrices –à l’époque, elles le sont toujours.
J’en veux pour preuve l’agitation autour de la lecture d’
Ancelle.
Si vous voyez un progrès dans ces lectures, beaucoup de juifs y voient une ouverture.
Combien de juifs n’ai-je pas lu ou entendu dire depuis ce Sim’hat Thora «
ils nous ont bien arnaqué ces rabbins misogynes depuis le temps à nous mener en bateau en nous faisant croire que c’est interdit alors que le Talmud le permet totalement ».
Savez-vous ce qui en découlera ?
qu’aucun de ces juifs ne pourra maintenir son niveau de pratique religieuse avec de telles pensées tant qu’il ne sera pas convaincu que les rabbins ne l’ont pas arnaqué du tout.
Effectivement, celui qui pense que les rabbins se permettent de baratiner un peu sur les bords pour préserver un business, par misogynie, pour assouvir leurs envies ou pour une autre raison, ne s’inquiétera pas outre mesure d’une prescription rabbinique dont il ne saisit pas le sens ni l’importance.
Je ne dis pas que ces lectures sont déstabilisatrices pour le plaisir de le dire, je sais que pour la majorité des juifs permettre ces lectures entraînera un déclin dans l’observance des mitsvot.
Je suis conscient d’un autre côté du plaisir et de la satisfaction que ça apporterait à certaines femmes, mais il serait irresponsable de s’imaginer que cette satisfaction –qui pourrait de toute façon s’obtenir différemment- impose de négliger le déclin spirituel des juifs (et de ces juives aussi).
Ceci étant dit, je vous demanderais : si vous acceptez de faire confiance aux grands de la génération passée, pourquoi ne pas faire confiance aux grands de la génération actuelle qui s’opposent toujours autant à ces changements ?
Les rabbins étaient-ils tous clairvoyants durant la génération passée et ils seraient subitement presque tous devenus stupides machistes et intéressés ?
Citation:
Selon le Shoulkhan Aroukh, le Rambam et bien d'autres, vous ne pouvez pas enseigner un millième de ce que le monde orthodoxe enseigne aujourd'hui à ses filles.
En effet, dans les générations passées les rabbins étaient très stricts sur ce point, de nos jours ils sont beaucoup plus permissifs, comme je l’écrivais plus haut.
C’est bien la preuve que nos rabbins orthodoxes traditionnels ne sont ni réfractaires aux aménagements (lorsqu’ils ne sont pas dangereux), ni misogynes !
Comprenons donc que lorsqu’ils affirment que la lecture de Thora par les femmes est dangereuse, ce n’est ni par refus des changements par principe, ni par misogynie.
(Concernant le
Rambam que vous citez, je ne relève pas l’inexactitude si l’on suit la version du
Tour, mon post va déjà être assez long comme ça.)
Citation:
Il faut dissocier interdit social et interdit religieux, une lecture de la torah entre femmes n'est rien d'autre qu'une norme sociale brisée.
Si tout ce qui ne relève pas d’un interdit religieux codifié peut être changé au gré des demandes sans tenir compte des risques que cela entraîne, nous devrions permettre le « minian crucifix » !
Citation:
Mais est-ce négatif ? Je ne le crois pas.
Moi si et j’ai avec moi –outre l’avis des rabbins traditionnels- les preuves que nous a apporté l’Histoire dans plusieurs pays et à plusieurs époques.
De simples normes sociales ont été brisées, des changements qui étaient totalement permis par la ala’ha (comme prier en allemand ou en français) et pourtant les résultats se sont avérés catastrophiques.
La déstabilisation ne dépend pas uniquement de la ala’ha, mais aussi des normes sociales.
Citation:
Vous citez également à l’appui de votre théorie que « tous nos tsadikim, même ceux du XXème siècle, refusaient de tels minianim. Que ce soit Baba Salei ou Rabbi Yossef Messas , le Rav Kook ou le rabbi de Loubavitch ou les milliers d’autres rabbanim de nos parents et grands-parents dans tous les pays."
Pour deux des rabbanim que vous citez, vous faites clairement erreur.
Non, je ne le pense pas.
Si erreur il y a, disons que mon erreur se résume à ne pas avoir choisi d’autres exemples sur lesquels il n’y aurait pas eu de possibilité du tout de se tromper en imaginant qu’ils encourageaient ces minianim.
(Voyez ce que je m’apprête à écrire dans la suite pour expliquer que l’erreur n’est pas du côté que vous croyez.)
Mais c’était peut-être positif, afin de clarifier que ces rabbins n’encourageaient PAS DU TOUT ces lectures.
Citation:
Pour le reste, je ne connais pas de prise de position pour ce genre de lecture, mais je ne connais pas non plus de prise de position opposée...
Elles ne manquent pas, elles sont justes moins « bruyantes » que les permissions, puisqu’elles s’insèrent dans la continuité de la tradition.
Mais de TRES nombreux rabanim se sont prononcés clairement contre les lectures féminines -pour peu qu’on leur ait posé la question.
Citation:
En ce qui concerne le Rabbi de Loubavitch, le Rav Shlomo Riskin (rabbin de la ville d'Efrat, en Israël) raconte avoir eu son aval et celui du Rav Soloveitchik pour une telle lecture, ainsi que l'accord a postériori du Rav Moshé Feinstein. Voir ce lien sur mon blog :
http://www.modernorthodox.fr/article-simhat-torah-les-femmes-et-trois-rabbins-86642660.html
J’ai regardé le lien en question, vous oubliez un point capital (qui est précisé sur le blog).
Le Rabbi de Loubavitsh aurait donné son aval pour une lecture féminine,
mais pour une synagogue de Réformés ! (appelés Conservative en anglais) (en France, nous ne dissocions pas vraiment ces deux mouvements, même si certains veulent parler d’un mouvement Massorti qui correspondrait au mouvement Conservative, mais le « conservative » à l’américaine est moins regardant de la ala’ha que les Massortis).
Synagogue qui n’avait pas de Me’hitsa et dont la communauté était probablement assez peu regardante sur les détails de la ala’ha.
Ils avaient accepté un rabbin orthodoxe par économie, ce dernier faisait avec les moyens du bord et devait s’adapter autant que possible pour « sauver les meubles spirituels ».
Dans ce cadre, le
Rabbi de Loubavitsh s’est montré permissif.
La preuve qu’il ne s’est pas montré permissif (par conviction) pour toutes les communautés, mais seulement par rapport à la particularité de la situation (pour des réformés, dans le but de les rapprocher de la pratique religieuse) est simple ; tout d’abord il n’a encouragé ce genre de lectures nulle part ailleurs et surtout IL N’A JAMAIS ORGANISE DE TELLES LECTURES DANS SA PROPRE SYNAGOGUE ni dans aucun des très nombreux « Beth ‘Habad » des USA ou d’Europe.
S’il considérait qu’il était important de changer ce point, s’il n’était pas convaincu du risque que représente ce changement, ou s’il pensait que ce changement vaut la peine de courir le risque qu’il comporte, il aurait pu œuvrer en ce sens depuis 1972 (date de cette histoire) pendant plus de vingt ans.
Mais s’agissant d’une synagogue « Conservative » dont les membres sont de toute façon souvent assez éloignés de la pratique rigoureuse de la ala’ha (-encore une fois, lorsque ce rabbin orthodoxe y est arrivé, il n’y avait pas de Me’hitsa dans cette synagogue), il pencha pour permettre –probablement avec un calcul simple : si le rabbin orthodoxe interdit, au bout d’un moment ils vont le licencier pour excès d’orthodoxie et feront la dépense d’amener un rabbin réformé qui non seulement permettra ces lectures mais permettra aussi d’allumer la lumière lorsque c’est interdit, et beaucoup d’autres choses encore.
C’est d’ailleurs ce qui ressort de ce qui est écrit sur ce blog: grâce au rabbin, cette communauté s’est rapprochée de la pratique orthodoxe.
Je dis donc Bravo au
rabbi de Loubavitsh s’il a pris une telle décision.
Je suis persuadé que le
Rabbi de Loubavitsh avait expliqué au
rav Riskin que c’est une permission spécifique à SON cas et pas qu’il faille élargir à d’autres synagogues cette habitude.
Je ne sais pas si l’auteur l’écrit dans son livre, je trouverais malhonnête/ irresponsable de sa part de ne pas le signaler, mais il l’a peut-être signalé dans son livre, seulement je ne l’ai pas ce livre.
Vous qui l’avez,
relisez bien pour voir si aucune précision ne va dans ce sens. Merci de nous le faire savoir.
La position du
Rav Feinstein semble aussi confirmer à merveille tout ce que j’écris.
Il a permis à postériori en précisant que si on lui avait demandé avant, il aurait interdit
mais que si en interdisant ces pratiques au prochain Sim’hat Thora ça risquerait de provoquer l’abandon de l'orthodoxie de ces personnes , il valait mieux continuer l’année prochaine.
Ceci nous indique bien que cette décision se base sur le risque –encore plus grand et plus éminent- que ces femmes (de la communauté réformée) abandonnent la pratique.
De plus, le
Rav Feinstein (que vous citez) aurait clairement dit que quand bien même le
rav Riskin réussirait à organiser une lecture 100% ala’hique il resterait un danger que d‘autres suivent leur exemple et ne le fassent pas correctement au niveau ala’hique.
Ceci me semble confirmer totalement ce que j’écrivais dans mon premier post, que même une lecture qui éviterait les problèmes ala’hiques est à prohiber par crainte de dérives.
(Sauf que je parlais de dérives même locales, alors que lui parlait de dérives pour d’autres communautés. Il est possible qu’il craignait aussi des dérives locales mais voyant à quel point leur rabbin s’inquiétait de ne pas sortir du cadre ala’hique au point de demander à plusieurs rabanim si c’était correct, il se serait dit que la crainte majeure serait plutôt pour les communautés voisines qui n’ont pas un rabbin si consciencieux).
Pas comme ce que la lecture « légère » du texte du
Rav Kook (par lequel j’ai commencé) indiquerait, il y a bien des domaines autorisés par la ala’ha et interdits par le bon sens par crainte de dérives.
Bref, ces rabbins et cette histoire que vous citez confirment bien ma position. Merci.
Il en ressort que même une lecture féminine 100% ala’hique est à interdire par craintes de relâchement dans la pratique qui va trop souvent de pair.
Je ne connaissais pas ce livre, mais je vous remercie d’avoir partagé cette information avec nous.
(et je souligne aussi au passage que
Rav Riskin écrit lui-même que les bra’hot sont interdites aux femmes dans le cadre d’une lecture féminine).
[et je passe sur les autres problèmes ala’hiques que personne ne semble vouloir soulever depuis le début de cette histoire, j’avais pourtant écrit qu’il y a encore d’autres problèmes à part ceux que je citais, je pensais notamment au problème de sortir un sefer Thora alors qu’il n’y a pas de « besoin ala’hique », certains sont très rigoureux sur cette loi en considérant le respect du sefer Thora et vont jusqu’à nécessiter une Takanat ‘ha’hamim pour le sortir.
Voyez par exemple le
Netsiv dans
Meshiv Davar (o’’h §XVI).
Une lecture purement féminine serait donc totalement prohibée, mais je ne veux pas entrer dans ce nouveau point, plus nous élargirons les problèmes ala’hiques, plus j’aurais de questions à répondre et je n’aurais pas terminé de répondre avant le prochain Sim’hat Thora ! ]
Citation:
Pour le Rav Yossef Messas, vous trouverez un magnifique passage dans son livre "Nahalat Avot" (Tome 5, p.268), où il raconte avoir trouvé un manuscrit où il est dit qu'en Espagne du Moyen-Age, certaines femmes « pures et érudites » (!) organisaient des minyanim quotidiens entre femmes, avec parfois une shlih'ate tsibour, tsitsit et téfilines.
Rav Messas en fait l'éloge ouvertement et ne semble pas du tout dérangé par les nombreux problèmes halakhiques que vous soulevez.
J’avoue que l’histoire telle que vous la citez semble être –à première vue- un appui très net pour le féminisme religieux, cependant mon petit doigt m’indique de vous juger favorablement en disant que vous n’avez pas lu ce texte dans la source indiquée mais vous auriez seulement fait confiance à un autre livre qui la citerait.
Car je ne crois pas que vous soyez malhonnête en citant ce texte sans préciser un point essentiel qui y figure.
De plus les quelques imprécisions et erreurs de cette retranscription indiquent à elles seules que vous n’avez pas vérifié dans le livre du
Rav Yossef Messas.
En effet, vous parlez –par exemple- d’un manuscrit alors qu’il parle d’un livre, vous indiquez tome 5 page 268 alors que cette collection comporte deux tomes 5 ; le tome 5 volume 1 et le tome 5 volume 2.
Ça se trouve dans le tome 5 volume 2 p.268.
Il semble bien que vous n’ayez pas vérifié le texte par vous-même.
Je tiens donc à vous préciser un point non négligeable qui vous ferait réfléchir à deux fois avant d’utiliser ce texte dans un but « féministe ».
Le
rav Messas écrit dans cette même page que ces femmes faisait cette prière commune AVANT que leurs maris ne se réveillent !
C’est-à-dire qu’elles avaient le temps de se lever, de partir à cette prière 100% féminine car tous les hommes dormaient encore, puis de revenir AVANT le réveil de leur mari et enfants !!!
Et le
Rav Messas poursuit en écrivant (toujours au nom de ce livre) qu’après cette prière, ces femmes rentraient chez elles pour réveiller leur mari et leurs fils pour qu’ils aillent prier.
Le tout en ayant devancé cette citation par son opinion que je traduis en français : «
l’habitude des femmes ksheirot (=qui se comportent bien) est de se lever tôt, avant leur mari, de leur préparer un café et seulement après cela de les réveiller pour qu’ils aillent prier et elles leur tendent le verre de café tout chaud…comme le dit le roi Salomon Vatakom beod layla vatiten teref lebeita… »
Le
rav Messas précise que c’est de la ‘hassidout (dévotion) car elles ne sont pas tenues de respecter les commandements positifs dépendant du temps et ce, afin d’être disponibles pour le service de leur mari (!!!) et c’est pourquoi elles devaient se lever beaucoup plus tôt alors que leur maris dormaient encore à poings fermés afin d’être de retour à temps pour préparer le café avant que le mari n’ait à se réveiller…
C’est dans ce cadre-là que le
Rav Messas fait l’éloge de ces femmes wonder-women.
Je crois que les féministes qui se battent pour cette lecture de Thora se passeront volontiers de l’appui d’un tel rabbin et de l’exemple de telles femmes.
Il faut bien comprendre aussi que s’il s’agît de remarquer positivement des femmes qui –à une époque- en Espagne- auraient tenu des groupes de prières pour femmes (sans faillir à leurs autres occupations), ça n’a rien à voir avec valider un groupe qui voudrait se créer.
J’ai déjà écrit qu’il y a eu des cas particuliers (comme une femme Rosh Yeshiva etc…) mais que le fait qu’ils n’aient pas été institutionnalisés a permis d’éviter les dérives.
Je ne suis pas sûr que si des femmes avaient demandé au
Rav Messas si elles peuvent organiser un tel minian, il aurait donné son accord.
( Tout comme je ne suis pas sûr que si les responsables d’une yeshiva avaient demandé au Rav Messas s’ils peuvent nommer une femme à leur tête pour enseigner le Talmud aux élèves, il aurait accepté. )
Souligner la dévotion de femmes qui l’ont fait dans le passé alors que personne n’en a jamais entendu parler est possible, les conditions et le contexte à cette époque ne présentaient peut-être pas les facteurs de danger qui sont présents aujourd’hui, mais encourager ces minianim (sans savoir ce qui va en sortir) est différent.
Preuve à cela, tous les rabbins qui s’opposent aux lectures de femmes et autres changements ne se gênent pas de faire l’éloge des filles de
Rashi (ou encore de
Mi’hal Bat Shaoul) qui mettaient les tfilin.
Pourtant ces mêmes rabbins déconseilleront vivement aux femmes qui le leur demanderaient de mettre les tfilin de nos jours.
Ne perdons pas de vue que si un changement est déstabilisant, il faut au préalable qu’une certaine norme se soit installée.
Sans cette dernière, pas de déstabilisation possible et donc pas de danger.
Et moins elle est précise, moins il y aura de déstabilisation.
C’est bien pour cela que les changements au niveau du CULTE synagogal sont les plus dangereux car c’est le terrain où les normes sont les plus précises et les plus connues de tous.
Il faut encore faire remarquer trois différences supplémentaires très conséquentes :
1) Dans cette lecture qui serait organisée de nos jours –comme à
Ancelle, même si on prend garde de ne rien enfreindre au niveau ala’hique, il faut craindre que de nouvelles femmes s’associeront un jour au minian sans connaitre/respecter les détails ala’hiques qui lui sont propres (comme le problème pour la nida…).
Tandis que dans le cas du
Rav Messas, il n’y a pas lieu de craindre que des femmes non scrupuleuses sur le service divin viennent à s’associer au minian si c’est en se levant à 4h du matin…
Les femmes dont parle le
rav Messas ne sont pas du genre à louper un détail…
2) Aussi -et surtout, les femmes dont parle
Rav Messas étaient parfaitement conscientes que cette prière commune est
un plus FACULTATIF et ACCESSOIRE de leur service divin, absolument pas LE moyen essentiel de rencontrer D. dans leur journée.
Pour ces femmes, l’essentiel de leur service divin était de superviser la Rou’hniout de leur maison (je suis navré pour ceux qui n’arrivent pas à comprendre comment cela pouvait passer –entre autres- par la préparation du café pour leur mari, ça serait beaucoup trop long à expliquer et il y a tellement de bourrage de crâne dans le sens inverse que ça serait peine perdue. J’ajoute à l'intention de celles qui me prennent déjà pour un machiste que je prépare plus souvent la boisson chaude de ma femme que ce qu’elle ne me prépare la mienne
: ) ), elles continuaient à être des femmes et des mamans comme leurs ancêtres féminins, mais en AJOUTANT cette ‘houmra, sans rien retrancher en parallèle.
Alors que pour des femmes modernes, ce minian constituerait l’essentiel de leur rapprochement de D. et n’accompliraient plus (autant) leur rôle en tant que femmes juives.
[Un peu dans la même veine j’ai écrit -sur
Techouvot ou ailleurs, je ne sais plus- qu’un homme qui prend sur lui la « ‘houmra » de prier au lever du soleil (Anets A’hama) au détriment de sa femme ou de sa famille, s’éloigne de D. en croyant s’en rapprocher.]
Ce qui est clair c’est que le
Rav Messas n’a parlé de ce minian positivement qu’en précisant qu’elles avaient le temps de terminer leur prière, de rentrer chez elles, préparer un café puis réveiller leur mari pour la prière.
S’il y a UNE femme dans toute la France que ce programme intéresse, qu’elle le fasse savoir -et qu’elle ne s’étonne pas de ne pas avoir minian.
3) Et par-dessus tout, une des composantes essentielles à la déstabilisation entraînée par ces lectures est justement le fait que ce genre de lectures/minianim est le propre de la réforme !
Les réformés insistent toujours sur ce point en voulant dénoncer les traditionnels comme misogynes, ce qui fait que dans la conscience collective, le fait de les « imiter » ajoute à la déstabilisation.
Il y aura plus de déstabilisation par ce genre de lecture que par une autre réforme du culte à laquelle les réformés n’auraient pas encore pensé, simplement parce que le paramètre d’identification aux réformés ajoute un élément favorable à la déstabilisation de la pratique religieuse.
En d’autres termes, un minian féminin AVANT l’époque de la réforme est assurément moins dangereux que ce même minian APRES cette époque.
Le
Rav Messas parlait d'un minian de femmes à une époque où l'on n'avait jamais entendu parler de
Mendelssohn (-qui n'était probablement pas né).
Bref, il ressort de tout ça que NI le Rav Messas, Ni le Rabbi de Loubavitsh (ni le Rav Feinstein…) n’ont encouragé des femmes à procéder à ces lectures. D’ailleurs ne perdons pas de vue qu’ils ne les ont jamais instaurées dans leur communautés respectives ni ailleurs.
Citation:
Ajoutons encore l'avis du Rav Shlomo Goren, qui estimait que dix femmes entre elles pouvaient même former un minyan et dire "dvarim shé bikedousha" !
Ceci n’a pas vraiment de rapport avec notre sujet (en dehors de la remarque ala’hique supplémentaire que je n’avais pas mentionnée), mais vous devez aussi savoir que les décisions du
Rav Goren sont sujettes à de nombreuses controverses.
Je ne parle pas du
Rav Ovadia Yossef qui était en désaccord constant avec le
rav Goren sur un tas de choses (dont celle-ci), mais l’écrasante majorité des rabbins orthodoxes s’est opposée au
Rav Goren, notamment lorsqu’il publia une tshouva controversée afin de « purifier » deux enfants du statut de Mamzer de manière assez extraordinaire (en invalidant une conversion rétroactivement…).
Il est vrai que le fils du
Rav Kook (R. Tsvi Yehouda) se rangea de son côté, mais ils avaient face à eux des centaines de poskim et des milliers de rabanim qui s’opposaient à cette décision…
A cette époque de nombreux rabanim ont déclaré nulles et non avenues les décisions ala’hiques du
rav Goren.
Pas que je remette en cause sa Yirat Shamayim, ‘has veshalom, loin de moi une telle idée, mais il y a des rabanim dont les décisions ala’hiques sont moins "bénéfiques" au judaïsme que d’autres.
Savoir tenir compte de différents paramètres n’est pas toujours donné à tout le monde et être zo’hé de conclure « aliba dehil’heta » est un privilège qui n’est pas systématiquement l’apanage de tout Talmid ‘ha’ham (cf.
Sanhedrin 106b et sanhedrin 93b).
[N’allez surtout pas imaginer que je sois en train de dire que le petit
Binyamin Wattenberg est mieux placé que
rav Goren sur ce point, je ne fais que dire que le
Rav Goren innovait de grands ‘hidoushim ala’hiques qui n’étaient pas toujours bénéfiques pour la Thora, bien sûr sans avoir la volonté de nuire (-car je ne remets pas en cause sa crainte du ciel), mais la masse des rabanim s’opposaient (parfois) à ses décisions, les jugeant inopportunes.
Ceci ne veut pas dire que le p’tit prof de
Talmud que je suis puisse se mesurer à lui.]
Sans entrer dans ce sujet, ni prendre clairement parti ou position, convenez que l’opinion du
Rav Goren en matière de psakim discutés n’apporte pas grand-chose au débat, s’il considérait que dix femmes forment un quorum pour les Dvarim shebikdousha, une multitude de poskim s’y opposaient (contentons-nous de citer le
Rav Ovadia Yossef, déjà mentionné).
Citation:
Enfin, je suis étonné de ne pas vous voir citer le livre du Rav Daniel Sperber, Darka shel Halakha, qui est en réalité le seul ouvrage vraiment complet à s’intéresser à cette question dans une perspective orthodoxe. Ses conclusions vont bien plus loin que la simple lecture de Neuilly à Simhat Torah...
Je ne vois ce qu’il y a d’étonnant au fait que je ne cite pas un livre qui a tout juste cinq ans (daté de 2007, non ?).
Croyez-vous que je puisse me procurer tous les livres dès leur parution ?
Il y a énormément de livres que je voudrais bien posséder (ou au moins emprunter), mais même en ignorant le problème financier lié à une telle ambition, reste la difficulté liée au rapatriement de ces livres d’Israël vers la France qui elle aussi est onéreuse.
Avec la poste ça revient très cher et s’il faut trouver un voyageur qui pourrait me l’amener, encore faut-il qu’il soit capable de trouver le livre en Israël…
De plus il se trouve que certains se permettent de publier des livres sans m’en tenir informé, je suis d’accord que c’est en soit scandaleux, mais qu’y puis-je ?
Toujours est-il que si
Rav Sperber m’avait offert son livre je l’aurais certainement lu avec joie
: ) mais je n’ai pas eu ce privilège.
Quant à la valeur Ala’hique de ses conclusions, je ne pense pas qu’elles soient préférables à celles du
Rav Goren, je veux dire qu’elles sont discutables.
Je ne les ai pas lues sur CE sujet, je ne me prononce donc pas, mais par expérience elles ne m’affolent pas.
Souvent le travail d’un chercheur l’entraîne à comparer l’incomparable ou à sortir certains éléments de leur contexte, la règle générale est qu’une personne qui a à cœur d’accomplir scrupuleusement chaque détail de la ala’ha aura naturellement tendance à penser aux petites subtilités, alors qu’un chercheur –disons laïc (ce qui n’est PAS le cas de
Rav Sperber)- ne sera pas si minutieux.
Normal, il n’attache pas d’importance à ces détails.
Dès lors, comment lui faire confiance les yeux fermés ?
Et même si le
rav Sperber n’est pas un laïc du tout, il s’inscrit dans une démarche digne d’un chercheur -ce qui est souvent très appréciable, mais nécessite du recul avant d’arriver au psak ala’ha.
(J’espère ne pas être mal compris,
Rav Sperber m’est fort sympathique et j’apprécie énormément ses travaux, je dis juste que mon appréciation de ses travaux ne m’empêche pas de les distinguer de ceux de certains poskim attitrés.
Ces derniers aboutiront plus souvent à une ala’ha mekouvénet, alors que
Rav Sperber, s’il sera souvent plus agréable à lire et plus enrichissant au niveau culture générale, reste un chercheur avant tout et non un possek)
(re-précision pour éviter les malentendus : un p’tit prof de
Talmud n’est pas non plus un Possek)
Citation:
Dans l’espoir que ce message ne sera pas censuré et avec tout mon respect.
J’ai déjà écrit qu’aucun message respectueux et sensé n’est censuré –enfin à ma connaissance, il ne faut pas s’inquiéter de ce genre de choses.
Je rassure donc ceux à qui je n’ai pas encore répondu, vos messages n’ont pas été censurés et ceux qui m’en ont envoyés par mail non plus, je n’ai pas terminé de lire tous les mails, mais ça viendra SDV.
S’il vous plait ARRETEZ DE PENSER QUE JE (ou Techouvot) VOUS CENSURE, il n’y a aucune censure (de messages sensés et polis), seulement TANT QUE JE N’AI PAS LU VOS MESSAGES le modérateur ne les fait pas apparaître, c’est grâce à ça que je sais que j’ai encore des messages non répondus sur un sujet.
Si vos messages apparaissaient tout de suite, ils ne seraient probablement jamais répondus, soyez patient –de grâce- je ne peux pas consacrer quatre heures par jour à répondre sur Techouvot (surtout que Techouvot n’est absolument pas ma seule source intarissable de questions !).
Je vous remercie de votre patience, elle est nécessaire si vous souhaitez que je puisse vous répondre en y consacrant un minimum de soin.
J’essaie de répondre à chaque argument en le citant pour faciliter la tâche au lecteur (et le convaincre que je n’ai pas lu le message en diagonale), je pense que ça serait mieux que de bâcler mes réponses, mais ça prend du temps.
De nombreux amis m’ont informé que
Modern Orthodox s’impatientait et réclamait sa réponse, je lui ai pourtant fait savoir par plusieurs de ces amis -vraisemblablement communs- que je lui promettais de lire ses remarques et d’y répondre et qu’elles seront publiées sur
Techouvot, seulement les dizaines de mails reçus sur ce sujet ne me permettaient pas encore de m’intéresser à son post, j’ai préféré donner la priorité aux rabanim qui m’ont écrit ainsi qu’à
M. Ouanounou qui était naturellement prioritaire sur ce sujet.
Je crois avoir déjà écrit plus de CENT mails concernant cette affaire depuis mon premier post (-heureusement pas tous aussi long que ce dernier) et je ne parle pas des téléphones et des discussions…
ce n’est pas par paresse que je n’avais pas encore eu le temps de vous lire et de répondre.
Sachez aussi, cher
M.O., que d’autres personnes attendent depuis plus longtemps que vous leur réponse, mais comme il paraîtrait que vous êtes particulièrement pressé, je vous ai un peu pistonné (je m’excuse auprès des autres
: ) ).
Enfin, une dernière remarque : On m’a dit qu’il y a d’autres sites/blogs où mon post initial apparaît et qu’il y aurait des remarques et questions dessus m’étant adressées, si vous –cher lecteur- en êtes l’auteur, veuillez poser vos questions ici sur Techouvot, ou au moins prendre note que je ne visite pas tous les sites pour savoir où les gens pourraient poster une question.
PS : j’ai écrit ce soir 5 réponses (
à Joel et RAW, à RobertD, à Bluxor, à Ayinair et à Modern Orthodox) en m’interrompant à plusieurs reprises pour m’occuper d’un bébé un peu malade qui pleure et qui a du mal à dormir la nuit, je demande donc votre indulgence pour les probables fautes d’orthographe ainsi que les éventuelles phrases (interrompues) qui ne voudraient rien dire. Difficile de me relire en combinant la longueur des messages avec l'heure tardive.
Je profite de cette requête pour en ajouter une autre qui devient indispensable sur ce sujet :
Merci de me lire attentivement avant de me critiquer, je vous assure que je ne cherche pas à casser les pieds aux femmes et que je ne suis pas opposé à tout ce qui est moderne et non classique.
Jugez-moi favorablement sur ces points et vous verrez peut-être mon message d’un autre œil.
L’honnêteté intellectuelle est capitale pour ce débat et je pense qu’elle ne fait heureusement pas défaut à
M.O.