Bonjour Meyerlansky,
Désolé pour Sherlock Holmes, mais au moins comme cela vous n'aurez pas de regrets : vous n'avez assurément pas raté une carrière à Scotland Yard.
A bien regarder il existe pas mal de différences entre Raphy et moi, mais il y en a une "grosse comme un éléphant" que l'on ne peut manquer. Il suffit de lire mon premier message du 2 mai 2011 à cette adresse :
http://www.techouvot.com/7-vt12555.html?postdays=0&postorder=asc&start=90 pour se rendre compte que Raphy, à moins d'avoir ce jour-là vendu son âme, ne pouvait être pomme :)
Par contre si Sherlock Holmes en venait à analyser votre message d'hier, je pense qu'il ne serait pas resté sans conclusion ;)
Mais tout cela est sans grande importance, ce qui nous intéresse c'est le sujet lui-même ; revenons y donc.
J'ai une fois assisté à une soirée organisée par "Ara'him" à Bné Brak. Ils avaient pour but de faire connaitre leur travail aux personnes du milieu religieux. Ils nous ont donc d'une part montré quelques discours tels qu'ils les tiennent lors des séminaires, et d'autre part expliqué le pourquoi de leur approche. Je pense que deux points que j'ai retenus de cette expérience, peuvent intéresser quelques-uns des lecteurs de ce forum.
Le premier est qu'ils partent de l'idée qu'un non pratiquant a en général une forte estime pour la science, et aucune connaissance solide en Torah. Donc aucune estime "intellectuelle" pour celle-ci. Et qu'ensuite, nourri par les idées préconçues (et les médias, en Israël), le non-religieux pense que science et religion ne peuvent en aucun cas se concilier.
Il en résulte que la Torah est peut être perçue par eux comme quelque chose de sympathique (suivant leur milieu familial ou social) mais certainement pas comme quelque chose de contraignant d'un point de vue intellectuel. Ils ne trouvent alors, même s'ils sympathisent, aucune raison de passer à la pratique des mitsvot.
Le but du séminaire est donc, d'après Ara'him, non pas de convaincre les non-convaincus, mais d'opérer le déclic qui mène à la pratique des mitsvot, chez ceux qui ne parviennent pas à en percevoir la nécessité.
C'est la raison pour laquelle les "rabbins kirouv" sont particulièrement friands de "preuves" scientifiques : pour établir un rapport Torah-science, qui pour leurs auditeurs était, jusqu'au jour où ils participent au séminaire de kirouv, totalement impensable. Ainsi la Torah, découvrent-ils alors, n'est pas qu'un simple livre de contes, mais quelque chose d'intellectuel (et, comprenons le, "intellectuel" est – malencontreusement –, dans l'esprit de la grande majorité des gens, un substitut de "science").
Deuxième point que j'ai appris lors de cette soirée, c'est que contrairement aux personnes un peu habituées à l'étude du Talmud, nombreux sont les non-pratiquants qui ne font pas le rapport entre la "vérité" et leur propre personne. C’est-à-dire que l'idée même de "contrainte intellectuelle" leur est étrangère. La Torah vient du ciel, d'accord, et alors ? Même si on le leur prouve clairement, ils ne se sentent pas encore concernés personnellement par cette vérité.
Le rabbin kirouv essaye alors d'éveiller, en ces personnes "endormies", le sentiment de défi intellectuel. Parfois en lançant une affirmation volontairement "démontable" (au moins à première vue) pour qu'en eux ils réagissent et se disent depuis leur siège : "mais c'est faux". A partir du moment où le participant au séminaire se sent en lute intellectuelle avec l'orateur, on peut espérer qu'il en arrive au sentiment que si jamais la Torah est vraie, alors cela le concerne personnellement. Mais un participant qui ne fait qu'écouter passivement les discours, n'a que très peu de chances d'en arriver à la pratique des mitsvot, même s'il écoute attentivement chaque intervention.
Ainsi pour cette raison aussi, les rabbins-kirouv ont besoin d'utiliser des arguments qui possèdent une certaine prise intellectuelle sur l'esprit de leur auditoire, donc des arguments "scientifiques" ou pseudo-scientifiques.
Evidemment si les preuves utilisées étaient de simples mensonges, cette pratique aurait été inconcevable. Mais dans la mesure où il ne s'agit pas de leurres, mais de preuves que chacun peut, en fonction de son propre point de vue, considérer comme convaincantes ou non, et que le but n'est pas foncièrement de prouver, mais surtout d'éveiller, je pense que leur conduite ne peut pas être réprimandable.
C'est pourquoi à mes yeux la nuance entre argument faux et argument non-convaincant est critique.
Je pense, Meyerlansky, que vous comprenez à présent pourquoi on ne peut se contenter de raconter des histoires de Tsadikim dans ces séminaires.
Quant à la question subsidiaire : je pense que l'idée de kirouv peut tout simplement trouver sa source dans le commandement "Tu aimeras ton prochain comme toi-même". En effet lorsque l'on comprend que de l'accomplissement des mitsvot dépend le monde futur, on ne peut, si on en a la possibilité, qu'encourager nos prochains à y adhérer.
Mais mon petit doigt me dit que cette réponse risque de ne pas vous contenter…