Il existe une ancienne traduction du
Shoul’han Aroukh qui date de la fin du XIXème siècle et que nous devons à un non-juif !
Jean de Pauly (1860-1903), professeur à l’école du Sacré-Cœur de Lyon, s’est intéressé à plusieurs de nos livres sacrés.
Il est plutôt connu pour sa traduction du
Zohar, mais il s’est aussi lancé dans une traduction du
Shoul’han Aroukh.
Je ne sais pas s’il a tout publié.
Pour la partie
Yoré Déa, j’en suis sûr, elle comporte 10 tomes (divisés en 12 traités) sous le titre «
Rituel du Judaïsme » (le premier tome a été imprimé à Orléans en 1898 et le dernier à Paris en 1917).
Il a été aidé par le
Rav Abba Neviasky (1853-1913), rabbin d’Orléans.
En fait, seuls les 4 premiers tomes sont de
Jean de Pauly, à partir du 5ème (imprimé en 1901), c’est uniquement le nom de
rav Neviasky qui figure.
De Pauly a aussi publié une traduction de la partie
‘Hoshen Mishpat, « Code civil et pénal du judaïsme », Paris 1896.
Il est à noter qu’il l’avait déjà publiée en allemand trois ans plus tôt (1893) sous le titre «
Chosen-Mispat: oder Civil und Strafrecht Des Judenthums »
(la faute d’orthographe apparaît sur la couverture même du bouquin ; Civil -en allemand c’est plutôt Zivil qu’il faut écrire, il me semble… étrange… ça sent le Franzose –pour ne pas dire le Froschfresser- qui cause mal le frisé.)
De Pauly est mort à 43 ans, mais il a eu le temps de publier une bonne partie de ses travaux.
Pour ce qui est du
Zohar, il n’a été publié (je crois) qu’après son décès, de 1906 à 1912.
De Pauly était un fervent adepte des doctrines kabbalistiques, la première édition de sa traduction du
Zohar a été imprimée sur un papier spécialement fabriqué pour l’occasion -vraisemblablement pour y mettre quelques Kavanot mystiques :) -en tout cas, ce papier comportait le nom de D.ieu en hébreu en filigrane ! (cf.
Gershom Scholem, De Berlin à Jérusalem, Paris 1984, p.173)
Tout le monde reconnait que cette traduction du
Zohar est un grand travail, mais certains lui reprochent d’avoir mal compris ou dénaturé le sens du
Zohar dans ses traductions.
Gershom Scholem fait partie des détracteurs de
De Pauly (dans son
Major Trends in Jewish Mysticism ).
Pour ce qui est du Talmud, le
Talmud Yeroushalmi a été entièrement traduit en français par
R. Moshé Schwab (1839-1918) et publié en six gros volumes, après sa mort en 1932-33.
C’est un travail colossal
(qu’il avait commencé vers 1868. Il en a publié une partie de son vivant, mais je ne sais pas si la totalité avait été publiée par lui).
Il n’est bien entendu pas exempt d’erreurs et hormis les nombreuses fautes de frappe, vous y trouverez aussi des fautes d’orthographe
(ce qui était plutôt rare à cette époque) comme des erreurs de compréhension ou d’appréciation.
Le
Rav Epstein n’y croyait pas, il était sûr que
R. Schwab allait abandonner ce projet en cours et ne pas terminer sa traduction du
Yeroushalmi (cf.
Mekor Baroukh I, p.803 ).
Mais il a eu tort.
R.M. Schwab est décédé il y a un siècle, le 8 février 1918, ça fait donc 100 ans, ou en date hébraïque le 26 Shvat.
Il est enterré au Père Lachaise.
Pour le
Talmud Bavli, il y a plusieurs traductions de traités épars, comme les traductions de
R. Mikhel Rabbinowicz –sur Seder Nezikin, Baba Kama (1877), Baba Metsia et aussi sur ‘Houlin.
Mais il lui arrive fréquemment d’alléger le texte.
Il y avait déjà une traduction de
Massekhet Brakhot (Bavli & Yeroushalmi) en français en deux tomes (Leipzic = Leipzig, 1831) , par l’abbé
Chiarini (1789-1832).
C’est peut-être la plus ancienne traduction (intégrale) d’un traité talmudique.
Il y a eu en anglais, une traduction du
Talmud par
Michael Levi Rodkinson (1845-1904), qui a été publiée après sa mort en 1918
(une partie comprenant 7 traités avait déjà été publiée de son vivant en 1890).
Rodkinson n’est pas son nom de naissance, il s’appelait
Frumkin, son père était un ‘hassid ‘Habad et sa mère la fille d’un grand rav ‘Habad, mais il semble s’être écarté de la pratique religieuse.
Sa traduction est fort imparfaite, voire -selon le
Mekor Baroukh (daf 402b), truffée d’erreurs
(au point que le rav Epstein souhaite que la mort de l’auteur ne lui apporte pas la Kapara !).
Je crois que la traduction de
Rodkinson est la première de langue anglaise et il semblerait que la traduction de l’abbé
Chiarini soit la toute première traduction française (?) et les traductions de
R.M. Rabbinowicz en français ont aussi devancé celle de
Rodkinson.
Il y a eu auparavant des abrégés de traités, traduits en allemand en 1711, sur
Brakhot et
Souka et aussi sur
Sanhedrin,
Zva’him et
Mena’hot (traductions anonymes).
Bien avant encore, il y avait eu une traduction partielle de
Sanhedrin et
Makot, en latin, qui date de 1564 à Amsterdam.
Ce type de traductions était bien entendu destiné aux non-juifs, les juifs préféraient l’original en araméen.
Les traductions du Talmud ont souvent été souhaitées par des antisémites qui voulaient avoir accès à nos sources
(en raison des nombreuses citations mensongères et/ou mal comprises rapportées dans la littérature antisémite).
Par exemple
Teofil Merunowicz (1846-1919) qui demandait une traduction du Talmud –Cf.
Être juif en Pologne (Albin Michel 2010, page 249).
Voir aussi le
chapitre 7 de la préface de R.M. Schwab à sa traduction du
Yeroushalmi, où il est question des anciens projets de traductions et voir aussi le
Mekor Baroukh (§IV, 3).
Mais je m’écarte du sujet -qui concerne les traductions françaises.
Pour le XXème siècle, il y a quelques traductions dues au
Grand-Rabbin Israël Salzer de Marseille (décédé en 1990) ; il a traduit les traités
Sanhedrin, Psa’him, Yoma, Moed Katan, ‘Haguiga et peut-être encore d’autres traités.
J’ai vu une traduction française (par les
rabbins J.J. Gugenheim et J. Grunewald) du traité
Brakhot, basée sur la traduction de
rav Steinsaltz. Il y a encore plusieurs tomes traduits en français, basés sur la traduction «
Steinsaltz ».
Le traité
Makot a été traduit par
Bernard Paperon aux éditions
Verdier (1992).
Il y a aussi une traduction du
rabbin Désiré Elbèze sur Massekhet
Shabbat.
Je ne saurais m’engager sur la fiabilité et la confiance totale que l’on pourrait avoir en ces traductions qui sont l’œuvre d’une personne isolée (et non un travail collectif).
Traduire un traité suppose en avoir compris toutes les nuances au moins au niveau du Pshat, ce qui n’est pas toujours évident.
[Par exemple, dans la traduction de
Psa’him (livre de plus de 700 pages), il y a en
page 45 un «
mais » qui ne devrait pas y être, il faudrait écrire «
et » à la place, c’est une erreur de compréhension de la souguia.
En
page 87, il y a une traduction qui me semble erronée (
portique). Cette erreur est due à la connaissance du grec ; l’auteur (
Rav Salzer), sachant ce que signifie le mot utilisé par la Mishna (
stoa) l’a traduit selon son sens en grec et n’a pas tenu compte de l’entendement que lui donnait le
Talmud.
Pourtant, plus loin, en
page 99 note 462, l’auteur indique la bonne traduction de ce même mot.
En
pages 332 et 333 le mot
אור est lu «
Or » au lieu de «
Our » et est donc rendu par «
lumière » en place de «
feu ».
C’est une erreur.
Il y a aussi des remarques à faire sur le contenu des notes, comme en
page 98, note 457, où l’on attribue la perte de mémoire de
Rav Yossef à son âge avancé, alors qu’en fait elle est due à une « maladie » selon la compréhension de
Rashi (Erouvin 41a) des mots de la Gmara
Nedarim (41a) «
Rav Yossef ‘halash iaker lei limoudei». ]
Bref, les travaux collectifs sont souvent mieux révisés et ce qui échappe à l’un est rattrapé par l’autre.
Dans ce domaine, il y a les traductions par les éditions
Bnei Torah du
Rav Roth-Lumbroso, grand diffuseur de Torah dans la francophonie du XXIème siècle, il n’y a que quelques tomes, sur des chapitres de
Baba Metsia, Baba Batra, Ktouvot et Psa’him, mais avec les commentaires de
Rashi et
Tosfot traduits et expliqués.
Pour avoir des traités entiers, il y a les traductions assistées et commentées par les éditions
Artscroll.
C’est assurément le meilleur travail effectué pour ce qui est du
Talmud Bavli, bien que cette édition comporte aussi parfois quelques erreurs
(je parle de l’édition française, ces erreurs sont absentes de l’édition hébraïque pourtant plus riche et plus fournie !).
(A noter qu’ils ne traduisent pas les commentaires de Rashi et Tosfot, quoi que souvent intégrés dans la traduction ou les notes).
Le Shas
Artscroll n’est pas terminé, mais il l’est en anglais et –je crois- aussi en hébreu.
Certains considèrent qu’il ne convient pas d’y avoir recours, mais voyez ce que j’écris à ce sujet ici :
http://www.techouvot.com/connaissances-vt15039.html
(dans mon post du 5 juillet 2012 et les messages suivants)
Enfin, concrètement, pour vous répondre, si vous souhaitez acheter tout le
Shoul’han Aroukh ou tout le
Shas Bavli en français, je ne pense pas que vous puissiez trouver ça en vente.
Pour ce qui est du
Yeroushalmi, la traduction de
R. M. Schwab se vend sur les sites de revente d’occasion mais à un prix très élevé généralement.
Pour le
Bavli, vous trouverez certains traités traduits par
Artscroll et d’autres que je vous indiquai plus haut, mais pas tout le Shas.
Quant au
Shoul’han Aroukh, même la traduction de
De Pauly est rarissime.
PS: vu la longueur du post, je ne me relis pas, désolé pour les éventuelles fautes.