La réponse à cette question est suggérée, et ce à double titre, par la façon dont est rédigé le verset de Berèchith 25, 28 (« Isaac aimait Esaü, parce qu’il mettait du gibier dans sa bouche. Et Rébecca aimait Jacob »).
1 – Lorsqu’il indique que « Isaac aimait Esaü », le verbe « aimer » est au passé (wayéhéhav), tandis que, s’agissant de l’amour porté par Rébecca à Jacob, il est au présent (ohéveth).
Le passé est un temps « fini », en ce qu’il est contingent à une situation donnée et souvent lié à ce qui est immanent. Le présent, en revanche, est un temps symbole de transcendance, de pureté et de durée.
On peut donc dire, d’une certaine façon, que l’amour porté à Esaü par Isaac était un amour éphémère et précaire, tandis que Jacob bénéficiait de la part de sa mère d’un amour indélébile.
2 – On trouve aussi, dans le même verset, une autre raison de comprendre ce qui sépare ces deux amours. Celui d’Isaac envers Esaü a sa raison : « parce qu’il mettait du gibier dans sa bouche ». Celui que Rébecca portait à Jacob n’en a pas. Elle l’aimait, tout simplement.
Lorsque je dis, par exemple : « J’aime ce paysage, car il est ensoleillé », je suggère par là que s’il ne l’était pas je ne l’aimerais pas. Si je dis, en revanche : « J’aime ce paysage » sans plus, cela signifie que je l’aime en toutes circonstances, même sous les nuages et même sous la pluie.
Il en va de même dans la situation qui nous intéresse. En nous apprenant que « Isaac aimait Esaü, parce qu’il mettait du gibier dans sa bouche », la Tora paraît nous suggérer que, si celui-ci n’avait pas été un chasseur, l’amour que lui portait son père s’en serait trouvé émoussé. Mais en indiquant que Rébecca aimait Jacob, sans plus de précisions, le texte vient sous-entendre que l’amour de celle-ci était inconditionnel.