Citation:
D’après ce que vous dites : si l’on dit que dans ce qui dépend de la volonté humaine, D. n’intervient pas, alors le mal que les autres nous infligent, les coups, les insultes, les gens qui font hontes à d’autres, sont des choses que nous subissons peut être de manière injuste et en réalité on ne mérite ce traitement/honte/douleur.. Or D. incarne la justice par essence même
Ce n’est pas incompatible, l’injustice est et sera compensée d’une autre manière.
Il faut comprendre qu’il est impossible d’obtenir à la fois ce que vous dites et à la fois le maintien de la Be’hira.
Ce dernier étant clairement établi et faisant partie des fondements du judaïsme, c’est avec le souci d’injustice qu’il faudra « s’arranger ».
Et il s’arrange dans la mesure où la vie ne se termine pas ici-bas, ce n’est qu’un passage. Il est clair que D.ieu ne saurait s’accommoder avec l’injustice, nous sommes donc confiants et savons que toute injustice sera compensée/justifiée/expliquée ; soit par ce qui a précédé (péchés etc.) soit par ce qui suivra (dans ce monde ou le prochain).
Je fais appel à votre bon sens : lorsque les nazis ont martyrisé des MILLIONS de gens, pensez-vous sérieusement qu’en fait, chacun, à titre individuel, « méritait » ces sévices ?
Comme par hasard il y aurait eu une génération où des millions de personnes méritaient cela, alors que nous, aujourd’hui, nous serions tous de petits anges face à eux ?
C’est ridicule (et limite blasphématoire).
Il y a des évènements d’envergure qui ne sauraient s’accorder avec la précision d’une juste rétribution immédiate des actes de toutes les victimes.
Cela n’empêche pas de dire qu’il y avait une « Gzeira » sur chaque victime, mais je veux dire que cette Gzeira s’inscrivait dans un cadre plus général que le simple individu
(et je n’ai pas l’insolence de me penser plus méritant que tous ces gens).
Une Gzeira de ce type peut, ensuite, s’appliquer à chaque victime nommément, car il n’y a aucune difficulté pour D.ieu de ne rien laisser « au hasard », mais il ne faut pas se dire que chaque victime de la Shoah « méritait bien » sa peine en raison de ses péchés, c’est absurde et assurément faux.
Des tas de Tsadikim sont partis en fumée, des millions d’innocents.
C’est vrai que depuis quasiment un siècle avant, la Yirat Shamayim de la majorité du peuple (en terre ashkenaze) était en chute libre, mais d’une part cela n’indiquait pas individuellement le niveau de Tsidkout de chacun (=c’était un phénomène de société, il y a une minorité de Reshaïm qui ont massacré la Yirat Shamayim de la majorité du peuple), et d’autre part il y a aussi eu d’indiscutables Tsadikim qui ont souffert des affres de cette guerre.
Nous sommes donc obligés d’admettre qu’il y a une notion de « réajustement », c-à-d qu’il reste possible, parfois, qu’une personne souffre alors qu’elle ne le méritait pas
(ou, pour reprendre votre exemple, qu’une personne puisse faire honte à une autre alors qu’elle ne le méritait pas), et D.ieu se charge dans ce cas de réajuster les choses pour maintenir la justice, mais Il n’empêchera pas forcément/systématiquement l’acte.
Et à partir de là, puisque D.ieu veut maintenir le libre arbitre des hommes (sans quoi le monde n’a pas trop d’intérêt), lorsque ce libre arbitre va aller à l’encontre de la justice, D.ieu se chargera de compenser et réajuster, afin de préserver la justice.
Citation:
et, comme le dit le hovot halevavot dans le chaar abitahon : personne ne peut me faire du mal si D. ne le veux pas pour moi ! Alors comment comprendre que D. n’intervient pas ?
Il faut comprendre qu’il y a DEUX niveaux de volonté :
D.ieu veut que chacun puisse agir selon son propre choix
(par exemple : faire honte à quelqu’un), et D.ieu veut aussi qu’on ne reste pas sur une injustice. Or, c’est contradictoire. Donc il faudra qu’Il ait recours au réajustement dont nous parlions.
Ce qui fait que si je vous demande : Lorsque A décide de tuer B ou de faire honte à B qui ne le mérite pas du tout, si vous dites que D.ieu l’en empêchera systématiquement, cela revient à dire que D.ieu bloque le choix humain, il n’y a plus de libre arbitre.
Si vous dites que D.ieu laisse faire, c’est injuste.
Que faire ? Eh bien il y aura des cas où D.ieu laissera faire et se souciera de compenser/rétablir la justice par la suite.
(Et il y aura aussi des cas où D.ieu interviendra et empêchera le crime, si la suppression de ce Tsadik entrainerait de trop grands chamboulements.)
Donc, dans les cas où D.ieu laissera faire, je vous pose la question : D.ieu veut-Il OUI ou NON que B décède /ait honte ?
La réponse est oui ET non, ça dépend du niveau de volonté dont on parle.
De prime abord, NON, D.ieu ne veut pas sa mort ni sa honte puisqu’il est totalement innocent. Mais étant donné que D.ieu VEUT qu’il y ait possibilité de libre arbitre, donc Il VEUT aussi qu’il y ait parfois possibilité de victime innocente.
Donc D.ieu ne veut pas que B meure (/ait honte), mais Il le veut !
A un premier niveau de volonté, par rapport à l’individu lui-même, D.ieu ne le veut pas, mais en considérant le plan global qui impose de maintenir le libre arbitre, D.ieu VEUT que B puisse mourir (être humilié) par la volonté de A.
Donc, oui, on peut encore dire : «
personne ne peut me faire du mal si D.ieu ne le souhaite pas », mais la question est de savoir de quel niveau/étage de volonté nous parlons.
D.ieu peut ne pas le vouloir vis-à-vis de l’individu qui est Tsadik, mais le vouloir vis-à-vis du plan global.
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Deuxièmement par exemple, c’est une chose que j’ai lu dans le mesilat yecharim, celui qui s’énerve est considérer comme si il avait fait avoda zara car ce que l’autre lui a infligé a été décider par D. , n’est ce pas contradictoire avec ce que vous avez dit ?
Selon ce que je viens de détailler, non.
Car ce qui lui a été infligé relève bien de la décision de D.ieu, car lorsque D.ieu a décidé que le monde suive le libre arbitre des hommes, Il a, par voie de conséquence, décidé que cette personne puisse subir tel sévice.
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Je comprend que dans l’idée de la behira ce que vous dites est totalement logique et plein de bon sens, mais j’ai l’impressions que cela est contredit par d’autres notions nous obligeant à dire que D. gère malgré tout cette partie.
Si on dit que D.ieu « gère cette partie », c-à-d qu’il gère la Be’hira des hommes, cela va à l’encontre de la croyance juive en la Be’hira (ça revient au Mektoub).
Dès lors, cela contrevient au Ikar de Skhar Veonesh qui constitue la pierre angulaire de la Avodat Hashem.
Même les Rishonim qui réduisent la liste des Ikarim s’accordent à maintenir celui du Skhar Veonesh, sans lequel on irait à l’encontre de la Torah.
J’insiste sur la nécessité de prendre du recul par rapport à tout ce que j’ai écrit ici, il s’agit de notions subtiles et il est difficile de les concevoir clairement dès leur découverte.
Que le lecteur ne se sente pas l’obligation de « prendre parti », ni de se positionner de manière catégorique.
Il faut avancer lentement sur ces sujets, car dans ce domaine, aucune phrase ne saurait empêcher l’erreur d’interprétation.
Ne serait-ce que l’idée des deux niveaux de ce qu’on appelle la volonté, qui permet déjà de comprendre qu’il faut avoir du recul sur ces sujets et y réfléchir par moment, sans se mettre la pression.
Je ne peux pas vous garantir que ce que j’ai écrit soit la pensée de la totalité des A’haronim, chacun a compris les choses comme il l’a pu, c’est aussi ce que j’essaie de faire.
C’est pourquoi, je ne peux pas vous garantir non plus que j’aie raison et que ce soit la seule façon ksheira de concevoir la Hanhaga de D.ieu et de résoudre la contradiction entre la Be’hira et la justice.
Il ne faut pas mettre un point final à cette réflexion, au stade où elle est. Il faut continuer d’y réfléchir, sans vouloir forcément accorder tous les textes de tous les Me’habrim. Notre travail n’est pas de justifier le Messilat Yesharim ou autre, mais de comprendre ce que l’on peut comprendre de la Hanhaga divine.
Souvent le Messilat Yesharim et d'autres nous aideront à y voir clair, mais si ce n’est pas le cas, ce n’est qu’un second travail que d’arriver à les comprendre.