Il y a du vrai, c'est dit clairement par Rabbi Abahou dans la gmara Meguila (29a) et consigné dans le Shoul'han Aroukh (O"H §151, 5).
Cependant, dans le Rambam (Tfila §XI, 8) nous ne retrouvons pas cette précision, ce qui est fort étrange.
Plus encore, dans le Piskei Hatosfot (Meguila §99) nous trouvons explicitement l'inverse de ce que la gmara dit; il y est écrit que le fait que le chemin préexistait ne suffira pas pour permettre de continuer à l'emprunter à partir du moment qu'une synagogue y est construite.
Les commentateurs du Rambam se demandent la raison de cette « absence » et le Kessef Mishné (ad loc) propose de dire que ce din –tout en étant autorisé, ne serait pas recommandé.
Preuve en est, nous trouvons (Sota 39a et Meguila 27b) que Rabbi Elazar ben Shamoua justifie sa longévité par son observance de cette mitsva (ne pas utiliser la synagogue comme un raccourci), or, puisque c’est une halakha unanime, il n’y a pas lieu d’y voir une conduite exceptionnelle qui justifierait une telle récompense.
[voir Sefer ‘Hassidim §210 pour qui la longévité exceptionnelle d’un sage en Torah ne saurait se justifier que par des pratiques surérogatoires qu’il aurait adoptées.]
C’est pourquoi le Kessef Mishné comprend que ce dont Rabbi Elazar BS parle, c’est de ne pas utiliser la synagogue comme passage MÊME dans le cas où le chemin préexistait.
C’est d’ailleurs ce qu’écrivent le Ritva, le Rashba et le Tosfot Harosh dans Meguila (27b) pour expliquer la particularité de la conduite de R. Elazar BS.
[il convient de souligner ici ce qu’écrit le Maharsha (sota 39a) pour expliquer en quoi la conduite de REBS est particulière.
Il dit que l’interdit ne concerne que le Beth Hamikdash et que REBS se l’imposait même concernant une synagogue.
C’est sidérant de sa part !
Car c’est une mishna explicite concernant la synagogue dans Meguila (28a) et un din extrêmement connu e -qui se retrouve dans le Shoul'han Aroukh (O"H §151, 5).
Ce n’est pas la seule fois où le Maharsha me laisse sans voix, mais il faut préciser que c’est dans la partie ‘Hidoushei Agadot de son commentaire, partie qu’il n’a pas travaillée comme il se doit, j’en veux pour preuve ce qu’il écrit dans Sanhedrin (42b).]
Ainsi, le Rambam aurait compris ce din comme étant permis mais peu recommandable.
Cette explication du Kessef Mishné reste insuffisante et insatisfaisante à mon goût, car s’il en était réellement ainsi, le Rambam aurait tout de même précisé que c’est autorisé (en ajoutant que ça n’est pas recommandé).
C’est d’ailleurs ce que le Rishon Letsion reproche à cette explication.
Celle qu’il propose à la place me semble encore moins convaincante, je ne la citerai donc pas.
Mais je pense que le Kessef Mishné lui-même devait ressentir ce problème car s’il était convaincu de son interprétation, il n’aurait peut-être pas écrit dans son Shoul’han Aroukh (O"H §151, 5) ce din du chemin qui précède la construction de la synagogue sans autre précision.
Un deuxième problème sera que cette interprétation n’expliquera pas pourquoi le Piskei Hatsofot (§99) indique l’inverse du din de R. Abahou !
Rabbi Avraham min Hahar (de Montpellier) (cf. Mekorot Vetsiyounim dans l’éd. Fraenkel) donne une autre explication qui me semble bien meilleure (et qui vaudra aussi pour le Piskei Hatosfot) :
le Rambam comprendrait dans la gmara (Meguila 29a) que R. ‘Helbo qui s’exprime à la suite de R. Abahou viendrait s’opposer à son din (en disant que c’est SEULEMENT si on y entre pour prier que l’on peut en ressortir par autre porte…).
Toujours est-il que le Shoul’han Aroukh mentionne clairement le din de R. Abahou, il est donc permis d’utiliser ce « chemin » malgré qu’il traverse une synagogue.
Toutefois, même si le Mishna Broura ne le mentionne pas, le Elia Raba (§151, sk.8) retiendra l’explication du Kessef Mishné et écrira qu’il ne convient pas d’utiliser ce chemin.
Je trouve étrange que le Mishna Broura ne l’ait point cité, tout comme le Aroukh Hashoul’han (§151, 8) et le Kitsour de Rabbi Baroukh Tolédano (XXVII, 18), alors que le Kaf Ha’haim (§151, sk.36) le mentionne.
Quant au ‘Hayei Adam (XVII, 12), il ne parle pas du chemin qui préexistait et suit en cela le Rambam (tout comme le rav Weill dans son Choul’han Aroukh Abrégé (§XXXIX, 10), mais ce n’est peut-être que par un souci de concision).
[et le Kitsour Shoul’han Aroukh (Ganzfried), il me semble qu’il ne mentionne pas du tout l’interdit du raccourci, (voir §XIII, 3)]
En conclusion, il est permis d’emprunter un ancien chemin sur lequel une synagogue a été construite et certains commentateurs précisent qu’il est tout de même préférable d’éviter.