Je ne pense pas qu'il convienne de se suffire de répondre - comme tous les rabbins - en un seul mot: "assour".
C'est trop facile et probablement pas tout à fait vrai.
Il faut établir des distinctions entre les cas:
S'il s'agît de tricher à un examen permettant l'obtention d'un diplôme nécessaire pour se faire recruter à bon salaire, il y a là, non seulement un issour de gneivat daat, mais c'est aussi du vol (gneivat mamon).
Les poskim le soulignent, Rav Feinstein (Igrot Moshé H"M II, §30) et rav Klein (Mishné Halakhot VII, §275) écrivent plus ou moins la même chose à ce sujet, c'est gneivat daat ET gneivat mamon.
[À la différence que Rav Klein précise en préambule qu'il est gêné de devoir répondre à cette question car sa réponse pourrait laisser croire qu'il serait autorisé d'étudier à l'université, ce qui n'est - selon lui - pas le cas. Il adresse donc sa réponse à celui qui aurait déjà transgressé l'interdit et se retrouve donc en études de 'hol et demande s'il est moutar de "tricher" aux examens.
Il lui répond négativement en précisant que si l'obtention du diplôme (ou de la bonne note) ne portera nullement à conséquence sur l'obtention d'un salaire, l'interdit ne relèverait alors "que" de Gneivat Daat (et pas gneivat mamon).]
Bref, il ressort de tout ça que c'est absolument interdit.
Et même "gneivat daat" est un interdit officiel - que le "spolié" soit juif ou non - comme le dit le Talmud ('Houlin 94a).
Toutefois, je pense qu'il y a des précisions à apporter, car à tout interdire sans discernement, on risque d'entraîner un dédain dans le respect de cette halakha.
En effet, lorsque le bon sens indiquera qu'il est absurde d'interdire certaines "tricheries" par le issour de gneivat daat, si l'on refuse d'établir la distinction, on risque d'affaiblir notre conviction dans le respect de la halakha lorsque la tricherie est clairement prohibée.
Je m'explique:
De la même manière que s'il n'y a aucune incidence salariale (ou autre liée aux mamonot), nous évitons le issour gneivat mamon, ainsi, lorsque l'on ne pourrait pas condamner le "mensonge" que constitue cette "tricherie", il n'y aura pas de issour gneivat daat.
Par exemple, celui qui se fait arrêter par la police par erreur, le policier s'est trompé et pense que tel automobiliste a commis une infraction alors que c'est le propriétaire d'un véhicule similaire qui lui, aurait réussi à prendre la fuite.
L'agent de l'ordre s'apprête donc à verbaliser un innocent, dans ce cas, l'innocent en question a le droit de tromper l'agent (par gneivat daat) afin de ne pas avoir à payer une amende qui ne lui revenait pas de toute manière.
C'est une sorte de "Avid inish dina lenafshei" (Voir Avnei Yashfé II, H"M §107 p.216)
La même règle peut parfois aussi s'appliquer dans le cadre d'un examen (où l'école serait en tort etc. mais il faut de la lucidité car une erreur de la part de l'école ne signifie pas encore systématiquement que tout soit permis, il est impératif de bien comprendre la logique de ce dont nous parlons avant de l'appliquer).
Ou encore, s'il s'agît d'un devoir où l'enseignant sait pertinemment que l'on pourrait se faire aider, par exemple dans un devoir à rendre à l'université lorsqu'on fait des études par correspondance.
Même s'il n'est pas précisé qu'il est autorisé de se faire aider (et parfois, même s'il est précisé que l'on est tenu de ne pas tricher en se faisant aider), puisqu'ils savent qu'il y aura tout de même une petite marge de "tricherie", ils en tiennent compte et il n'y a plus de gneivat daat.
Où par exemple si l'interrogateur sait que ses questions sont déjà diffusées sur internet avec la correction et que chaque élève peut y accéder...
Il faudra encore distinguer entre tricher et tricher, mais certains écarts ne peuvent pas être reprochés.
Un autre exemple qui me vient à l'esprit en recherchant dans mes souvenirs personnels:
Lorsque j'étais à la Yeshiva Ktana, chez Rav Rottenberg z"l, nous avions une interrogation hebdomadaire sur toute la parasha avec tous les commentaires de Rashi.
Nous devions donc tout apprendre en une semaine et mémoriser chaque Rashi (la majorité des questions étaient du genre "que dit Rashi dibour hamat'hil ceci cela ?" et il fallait retranscrire de mémoire tout le rashi en détail).
La consigne était qu'il était strictement interdit d'utiliser le 'houmash traduit (le "'houmash marron"; à l'époque il n'existait qu'une seule édition, celle sous la direction de rav Elie Munk) pour la préparation de la parasha.
Lorsque nous buttions sur un mot, il nous fallait questionner autour de nous ou utiliser le Jastrow pour savoir comment traduire le mot ou la phrase sans avoir recours au "'houmash marron".
Il est clair qu'en pleine nuit, personne ne pouvait nous surprendre en flagrant délit de consultation de 'houmash marron, mais on nous faisait confiance.
Le but de cet interdit était bien évidemment de nous habituer à comprendre chaque mot et être capable de le traduire par la suite et si nous utilisions chaque semaine le 'houmash traduit, nous ne saurions pas traduire par nous-même au bout de cinq ans !
Mais il est évident que pour des enfants de 14 ans qui ne parlent pas l'hébreu, ça n'est pas si facile, surtout qu'il n'y avait que quelques heures réservées à la préparation de la parasha et nous ne pouvions pas rechercher un mot pendant plusieurs jours.
Je pense qu'il est clair que tricher occasionnellement n'est pas interdit dans ce cas.
Utiliser le 'houmash traduit occasionnellement (en cachette bien sûr) pour débloquer son étude lorsqu'on ne trouve pas le mot dans le Jastrow et que personne autour de nous ne sait le traduire, me semble comme permis par l'interrogateur lui-même.
Le meilleur moyen de savoir quelle triche est acceptable, c'est de s'imaginer s'il était possible de consulter le concerné (le professeur/ l'interrogateur/...) de manière non officielle et de lui demander si dans tel et tel cas il serait permis de faire ceci ou cela.
Si le concerné répond "mais oui, ça va, n'exagérons rien...", alors c'est bon.
Comme dans notre cas, ce qui intéresse l'interrogateur est uniquement de nous habituer à traduire sans 'houmash traduit, le fait d'utiliser le 'houmash marron une ou deux fois par an pour des mots inexistants dans le dictionnaire ne va pas à l'encontre du projet.
Donc il n'y a pas de gneivat daat car si l'on pouvait questionner l'intéressé il autoriserait (mais il se doit d'interdire officiellement pour ne pas qu'on s'en permette trop)
Cette règle peut aussi servir dans "gneivat daat qui amène au mamon", par exemple tricher dans les impôts ou autre: ne sera permis qu'un écart "officiellement interdit" mais officieusement toléré par les instances concernées elles-mêmes.
Si elles ne peuvent pas annoncer officiellement certaines choses, mais les pensent, ça peut suffire.
Difficile d'établir une règle simple qui indique la halakha dans chaque cas, il faut analyser chaque situation à part et bien comprendre le raisonnement du héter.