Citation:
Je fais suite à votre cours (très intéressant) d'hier sur Pirké Avot où vous expliquez le non divorce du Hazon Ich après 10 ans sans enfant, par la différence entre les mariages d'avant et ceux de la période plus moderne. Vous expliquez que depuis quelques générations les mariages sont marqués par plus d'attachement qu'avant.
C'est en effet ce dont nous avons parlé hier soir lors du zoom, et c'est bien formulé, 'hazak.
Citation:
Je vous soumets un paramètre qui, me semble-t-il, participe à ce phénomène.
La forte mortalité des temps anciens. Les gens mourraient à tout âge de maladie, les femmes souvent à l'accouchement, les guerres, pogroms, etc. Pour résister à ces épreuves, les gens développaient une acceptation du malheur, interprété comme une gézéra divine. Divorcer après 10 ans de stérilité en faisait partie.
Oui, vous avez raison, c’est un paramètre dont il faut aussi tenir compte, qui -d’une part s’ajoute à celui dont je parlais et d’autre part le renforce aussi, car même des mentalités promptes à s’attacher sentimentalement de manière plus conséquente, se sentaient refrénées par la réalité de l’époque qui ne permettait pas d’espérer une longue vie.
J’ai déjà parlé de ce phénomène plusieurs fois dans mes cours, il est aussi possible que je l’aie utilisé pour justifier le divorce après dix ans, je ne sais plus.
Je parlais déjà de ce
Avnei Nezer dans un cours sur la polygamie qui date de 2012 (voir ici :
https://www.centre-alef.fr/la-polygamie/ ) et j’expliquais à cette occasion la « facilité » qu’avaient les gens à divorcer, comme on peut le voir entre les lignes du Talmud.
Citation:
Il suffit de lire le journal de Glückel von Hameln, qui a vécu il y a près de 370 ans. Elle perd son mari, qu'elle aime, des enfants qu'elle aime, et accepte ces malheurs comme nous ne saurions pas le faire.
Oui, c’est vrai, elle écrit même
(version française, Paris 1971, p.37) «
la peste a éclaté, et mon grand-père et quelques-uns de ses enfants en sont morts », sans en indiquer le nombre.
Elle écrit aussi
(p.20) «
si…vous perdez des enfants ou des amis, ne vous désolez pas sans fin, car ce n’est pas vous qui les avez créés ».
Perdre des enfants était monnaie courante, même si elle écrit aussi
(p.23) «
Rien n’est pire que d’avoir à pleurer ses enfants » et « Rien n’est pire que de mourir sans descendance ».
Nous voyons aussi qu’au décès de son mari, elle écrit
(p.99) «
avec sa mort, j’ai perdu ma richesse et mon honneur ».
Elle parle
d’honneur et non de
bonheur…
Ce qui la pousse à dire : «
je vais le pleurer et porter son deuil tous les jours de ma vie ».
Elle se remariera pourtant plus loin
(cf. p.213 et 229) et même avant cela, ses hésitations étaient par rapport à ses enfants et non à son défunt mari, comme elle l’écrit
(p.197).
Puisque vous citez ce livre, je souligne encore un point lié à la Halakha qui nous préoccupe : elle parle
(p.47) d’un couple qui n’a pas eu d’enfants pendant 17 ans et qui a finalement eu une fille. Ils n'ont donc pas divorcé...
Citation:
Montaigne a écrit “J'ai perdu deux ou trois enfants en nourrice, non sans regrets, mais sans fâcherie” (Essais II, 8). Qui pourrait dire ça aujourd'hui?
En effet, et là encore, il parle de «
deux ou trois enfants », ce qui parait incroyable de nos jours, comment être aussi imprécis sur un sujet si douloureux ?
On dirait qu’il ne se souvenait plus s’il avait perdu deux ou trois enfants, ce n’est techniquement pas possible pour un père affecté par la perte de ses enfants.
Nous retrouvons un phénomène similaire chez tous les auteurs d’autobiographies de ces siècles ou la mortalité infantile était très élevée.
Le
Yaabets raconte dans
Meguilat Sefer, tout au long du livre, d’un air assez détaché, chaque décès de ses enfants (de mémoire, en tout, il a perdu 10 enfants de son vivant !).
Lorsqu’il parle aussi du décès de sa première épouse, puis de la seconde, même s’il en est peiné, on ne peut pas dire que son monde s’écroule.
Citation:
Bref, les malheurs étaient monnaie courante, les gens l'acceptaient. Le divorce après 10 ans de stérilité en faisait partie. Aujourd'hui, nous sommes brisés par des choses beaucoup moins graves.
Je me dis depuis longtemps que les souffrances endurées par les juifs durant la Shoah auraient tué beaucoup plus de monde de nos jours, tant nous sommes brisés moralement par de « petits » soucis.
Le fait de rencontrer « moins souvent » la mort et la famine -tout en étant une excellente chose B’’H, affaiblit notre résistance psychologique face à l’adversité.
Pareil pour le confort dans lequel nous vivons ; avoir l’eau courante, de l’eau chaude pour se laver, un réfrigérateur, etc. améliore considérablement notre vie, mais nous rend dépendants.
[Ceci, sans entrer dans la «
Ma’hloket » entre
Rousseau et
Mendelssohn sur le jugement du progrès scientifique et la civilisation qui dégraderaient l’homme selon
Rousseau.
Cf. son «
Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes »
(Amsterdam 1755) , et voir les notes de
Mendelssohn sur sa traduction allemande de l’essai de
Rousseau (Johann Jacob, pour les germanophones) "
Bürgers zu Genf Abhandlung von dem Ursprunge der Ungleichheit unter den Menschen, und worauf sie sich gründe"
(Berlin 1756).]
Je ne me relis pas par manque de temps, veuillez excuser les fautes...