Citation:
Pouvez-vous svp nous donner la source de la sacana de publier le commentaire de Rabbénou Yéroukham et nous donner plus d'infos sur le sujet?
Voyez le
‘Hida dans
Shem Hagdolim (II, lettre Ayin, §32) qui écrit qu’il ne faut pas rédiger de commentaire sur le
Sefer Haïtour ni sur le
Rabénou Yerou’ham [il le répète encore une fois brièvement à propos du Rabénou Yerou’ham dans le premier tome (I, lettre Youd, §382)] et que les contrevenants n’ont pas réussi à terminer leur œuvre, ou bien elle s’est perdue ou encore, qu’ils sont morts de manière tragique ou prématurée.
Et le
‘Hida donne des noms !
comme l’auteur du
Bnei Yaakov (commentaire sur le Sefer Haïtour de
Rabbi Yaakov Sassoun en 1714) décédé à 32 ans.
Rabbi Shabtay Yona, auteur d’un commentaire en deux parties sur Rabénou Yerou’ham en 1653, nommées
Maguid Laadam et
Maguid Meisharim, et ce livre s’est perdu.
R. Asher Salem a eu moins de chance, il a commencé à rédiger son commentaire sur R. Yerou’ham et est décédé étant jeune. Etc…
Le
‘Hida cite tout de même une exception, un commentaire sur le Sefer Haïtour qui n’a pas porté préjudice à son auteur, c’est le Itour avec les commentaires
Tikoun Sofrim et Mikra Sofrim (Istanbul 1756) https://hebrewbooks.org/pdfpager.aspx?req=46002&st=&pgnum=1 dont l’auteur (
רבי יעקב אברהם גירון) a pu bénéficier d’une longue vie (81 ans, 1670-1751).
[Le
‘Hida ne pouvait pas le savoir, mais il y a eu d’autres exceptions, je citerais le commentaire
Shaar Ha‘Hadash, dont le premier tome a été publié à Vilna en 1875 et l’auteur (
Rav Méir Yona Shatz / Bernatsky) n’est décédé qu’en 1891 à l’âge de 74 ans.]
Rav Eliezer Na’houm en a tenu compte et au lieu de rédiger son Sefer (
Mishnat Eliezer) directement sur le
Sefer Haïtour, il l’a formulé en commentaire sur
Massekhet Péa.
Ce qu’écrit le
‘Hida est fort étrange et j’en suis intrigué depuis des décennies sans en percer le secret.
Dans ses mots, le
‘Hida justifie cet "interdit" de rédaction de commentaire explicatif sur ces deux Sfarim car ils s’inscrivent dans une בחינת סוד עלמא דאתכסיא
(que je ne traduis pas car la seule traduction de cette expression ne saurait informer celui qui n’en connait pas le sens), ce qui ne nous avance pas tellement, pourquoi ces deux-là précisément ?
D’accord, ils étaient français (provençaux), mais alors ?
Le
Maguid Meisharim du
Rav Yossef Karo (Parshat Vayakel) appelle le
Rabénou Yerou’ham «
Yerou’ham Tamiri », c-à-d Yerou’ham mon « dissimulé/caché » מלשון טמיר ונעלם .
Certains l’ont compris comme indiquant qu’il fallait que son livre reste dissimulé, c’est l’idée que le
‘Hida appelle סוד עלמא דאתכסיא, c-à-d que ce livre doit rester avec un certain voile opaque, quelque peu inaccessible.
R. Yossef Shaoul Nathanzohn dans son approbation sur le
Shnot ‘Haim, semble comprendre au contraire que le R. Yerou’ham est qualifié ainsi par le Maguid en raison de son état actuel, comportant beaucoup d’erreurs de copistes et donc pas vraiment fiable ni facile d’accès.
Il faudrait donc y remédier et l’expliquer et corriger.
La question est de savoir ce qui a précédé ; les fautes de copistes et c’est pourquoi il est difficile d’accès, ou bien l’aspect טמיר ונעלם qui interdit d’en publier un commentaire et c’est pour cela que les erreurs de copistes s’y sont multipliées (/n’ont pas pu être corrigées au fil des siècles) ?
En fait, le Sefer de
Rabénou Yerou’ham nécessiterait bien un commentaire et une édition moderne corrigeant les nombreuses fautes de copistes qui s’y trouvent.
Le
Ralba’h (Shout Maharalba’h §109) mettait déjà en garde et avertissait qu’il ne fallait pas accorder sa confiance à ce Sefer qui comporte des centaines d’erreurs.
Le
Beit Yossef aussi (cf. par exemple
O’’H §499) souligne souvent le manque de clarté et d’évidence dans les propos de
Rabénou Yerou’ham, comme l’indique
R. Yaakov Emden dans son
Shéilat Yaabets (II, §186).
Difficultés dénoncées aussi par
le
Ba’h (Yoré Déa §241, 5),
le Shakh (H’’M §36, sk.16) [voir aussi (§150, sk.3) et dans Y’’D (§110 sk.5), (§160 sk.20), (§179 sk.23), (§220 sk.31)],
Taz (E’’H §17, sk.1),
Shoul’han Gavoha (O’’H §489, 7),
Meguilat Sefer (sur Smag , Assin §42),
Shout Bnei Moshé (§14),
Yad Malakhi (Shear Me’habrim §18 -daf 202d),
Mohar’hash (Rabbi ‘Haim Shabtay) Shout Mohar’hash (E’’H §31),
Shout Tsedaka Oumishpat (Even Haezer §15),
R. Yerou’ham Perlo (Sefer Hamtsvot LeRassag daf 106c).
Bref, de nombreux Poskim n’osaient pas trop s’appuyer sur le Rabénou Yerou’ham en raison des trop nombreuses erreurs de copistes qui en brouillent parfois le sens.
[Même si cet avis n’est pas unanimement partagé. En effet, nous trouvons le
Shout Maharashdam (Even Haezer §158) qui, s’appuyant sur la clairvoyance des vues défendues par le
Rabénou Yerou’ham, lui donne la préférence au face au
Rivash.
Certes
R. Yerou’ham est plus ancien, mais mettre en avant son Sefer pour prouver sa suprématie indique qu’il ne devait pas être dérangé de la même manière que de nombreux autres Poskim par les erreurs que comporte l’ouvrage.
Cependant, il faut souligner que le
Maharashdam a vécu au XVIème siècle (1506-1589) et avait peut-être accès à un manuscrit du Rabénou Yerou’ham plus juste et mieux copié que celui dont disposait son contemporain
Rav Yossef Karo ou même le
Maharalba’h qui vivait pourtant avant lui (décédé en 1541).
Voir encore dans le
Shout Maharashdam Even Haezer (§93) à ce sujet, et aussi dans
Yoré Déa (§181) où il donne toujours la préférence à
Rabénou Yerou’ham face au
Troumat Hadeshen.
Voir encore
Yad Malakhi (Shear Me’habrim §19 -daf 202d) au nom du
Para’h Maté Aharon (I, §45).]
On pourrait se dire que depuis le temps, la « malédiction » s’est probablement estompée, que le danger aurait disparu. D’autant qu’il a assurément des erreurs dans le
Rabénou Yerou’ham qui ne sont pas de l’auteur mais des ajouts tardifs, d’ailleurs le
‘Hida lui-même le reconnait (cf.
Shem Hagdolim I, Alef, §130).
On pourrait donc se dire que publier un commentaire sur un livre qui comporte beaucoup du R. Yerou’ham mais dont il manque des parties et surtout, qui comporte des passages qui ne sont pas de R. Yerou’ham, n'est pas concerné par la "malédiction", peut-être que dans ce cas, le danger n’existe plus ?
Seulement qui voudrait s’aventurer à tester la véracité des propos du
‘Hida ?
Car bien entendu, celui qui rédigerait un commentaire indigne de ce nom ne devrait pas être ennuyé/concerné, on n’a jamais vu que des divagations personnelles condamnent un auteur dans ce cadre.
Il faudrait donc un cobaye Talmid ‘Hakham, sérieux, qui travaillerait volontairement sur le rabénou Yerou’ham et imprimerait le résultat de son labeur tel un schizophrène suicidaire et dépité jouant à la roulette russe avec un sourire béat en attendant de voir si le barillet était chargé.
Peu probable qu’on obtienne un volontaire.
Et pourtant, on a testé pour vous !
Un commentaire sur le
Rabénou Yerou’ham intitulé
Shnot ‘Haïm a été rédigé par le
Rav Reouven ‘Haim Klein [ben Rav Binyamin Eliezer Auerbach -il était orphelin très jeune et a été adopté par une famille hongroise qui n’avait pas d’enfant, et a pris leur nom, Klein] (ce Rav a beaucoup travaillé sur le Rabénou Yerou’ham et a aussi prénommé son fils Yerou’ham).
Il a fait imprimer le tome 1 de son Sefer en 1871 à Lemberg.
Il n’a pas été bien inspiré car il y a laissé sa vie comme en témoigne le
Shem Hagdolim Ligdolei Hongaria (II, Shin, §56, note 2 -daf 37b).
Il est tombé malade après un Mikve dans l’eau glacé
(quelle idée aussi!…) et est mort, c’était moins de deux ans après la parution de ce premier tome
(qui devait être suivi au moins d’un second) alors qu’il n’avait que 47 ans, le 22 Tevet 5633, 21 janvier 1873.
Plus terrifiant encore, son fils
Rav Yerou’ham Klein a poursuivi l’œuvre de son père et est mort, lui aussi à 47 ans, exactement à la même date, le 22 Tevet
(mais une autre année. Cependant, dans d’autres sources, j’ai vu que le fils serait mort à 48 ans et le père à 42 ans seulement, j’ai aussi lu que la date de décès du fils ne serait pas le 22 Tevet mais le 29 Shvat -en 1915. Quoi qu’il en soit, 42, 47 ou 48 ans, ce n’est pas joyeux.)
Le
Shnot ‘Haim porte les approbations (Haskamot) de son Rav, le
R. Mena’hem Esh (Ash) (=le
‘Homat Esh, fils du
Imrei Esh), de
R. Yossef Shaoul Nathanzohn (=le
Shoel Oumeshiv), et du
Divrei ‘Haim.
Je suis étonné qu’aucun d’entre eux -surtout
R. Yossef Shaoul Nathanzohn qui était un très grand Baki- n’ait pu mettre en garde notre auteur en lui indiquant le texte du
‘Hida.
Voilà ce qu’il en coûte de ne pas lire le
Shem Hagdolim du ‘Hida…
Le
Rav Klein avait peut-être eu vent de ce texte du
‘Hida car il écrit dans sa préface qu’il a intitulé son Sefer
Shnot ‘Haim pour une raison qu’il ne souhaite pas diffuser, or ce titre signifie "les années de ‘Haim" -son prénom, mais aussi "les années de vie", en référence au verset de
Mishlei (IX, 11) ויוסיפו לך שנות חיים, c’est donc une prière pour que cet ouvrage prolonge ses jours, qui n’a hélas pas été acceptée.
Si c’est bien son intention dans sa préface, il y a lieu de se demander si son fils
Rav Yerou’ham était au courant de cette intention qui ne se retrouve qu’en fin Rémez dans le livre, auquel cas il y a lieu de s’étonner qu’il ait voulu poursuivre les travaux de son père, pour finalement y laisser la vie lui aussi.
Il y a un Talmid ‘Hakham de Bnei Brak qui a écrit des remarques sur le
Sefer Haïtour et avant de les imprimer, a subi un grave accident de la route. Son beau-père est allé voir le
Steipler pour lui demander sa Brakha, ce dernier lui a dit que par le mérite de son Limoud et de ses remarques sur le
Sefer Haïtour, il va guérir
(paradoxal, mais intéressant).
Il a effectivement guéri, mais ses remarques sur le
Itour lui ont été volées! Où, quand et comment ? je ne le sais pas.
L’histoire a été racontée par
Rav Steinman et est imprimée dans
Keayal Taarog (Jérusalem 2018, p.493).
Il y a un autre Talmid ‘Hakham (
rav Tiger), de Jérusalem cette fois, qui a publié une nouvelle édition du
Rabénou Yerou’ham, en ayant l’assurance de
Rav Elyashiv que les paroles du
‘Hida ne concernent que celui qui rédige un commentaire, mais s’il ne s’agit que d’indiquer les références manquantes au texte, il n’y a aucune crainte à avoir.
J’ai aussi lu que
Rav Ovadia Yossef ne croyait pas à ces histoires de grands-mères et qu’il ne fallait pas se priver de publier un commentaire à cause de ce qu’à écrit le
‘Hida, qui n’a fait que rapporter ce qu’il a entendu, sans pour autant y apposer son sceau (
Ya’hid Bedoro, éd. 2015, p.32).
Rav Steinman (Kobets Igrot §195) écrit la même chose mais en parlant d’imprimer le
Sefer Haïtour lui-même, il ne parle pas d’un commentaire, c’est peut-être pour cela (et ça reviendrait aux dires de
rav Elyashiv).
Il y a aussi une vague rumeur sur un autre Sefer qui ne se laisserait pas commenter, c’est le
‘Houkot Hadayanim écrit par un élève du
Rashba,
Rabbi Avraham Tazarati.
Il a tout de même été commenté par
Rabbi Avraham Ashkenazi qui a longtemps survécu à cette rédaction -mais le livre n’a été imprimé que tardivement, au XXème siècle (Jérusalem 1970), cf. le
Mavo de Rav Its’hak Nissim (p.22).
J’ai lu encore une autre tradition selon laquelle il ne faudrait surtout pas imprimer le
Sefer Ben Ish ‘Haï avec des commentaires et références (imprimées sur la page) (Cf.
Lo Kol Hazkhouyot Shmourot I, §16, p.28 et 29), cette fois-ci, il s’agirait d’une Kpeida de l’auteur, le
Ben Ish ‘Haï en personne, qui tenait à ce que son Sefer reste accessible aux simples lecteurs Baalei Batim non érudits.
Il craignait que le format comportant des notes de bas de page avec références et raisonnements ne répulse le lecteur, il a donc interdit formellement à quiconque de toucher à son Sefer en ce sens.
Certains qui n’auraient pas pris cela au sérieux auraient édité le Sefer accompagné de notes et y auraient laissé leurs vies !
Là, pour le coup, si c’est vrai, c’est assez terrifiant, car il s’agirait de la peine capitale (min hashamayim) pour ne pas avoir respecté le testament du Ben Ish ‘Haï, c’est sévère.
Selon un autre témoignage, tous ceux qui s’y seraient aventurés auraient connu des déboires conséquents, eux-mêmes ou bien un membre de leur famille.
Voilà de quoi décourager de bonnes volontés.
La solution dans ce cas, serait de publier un commentaire séparément du livre, il semblerait aussi qu’en imprimant les notes à la fin de l’ouvrage (et non sur la page), on échapperait aussi au courroux.
Je me demande si
Rabbi Méir Mazouz sait qu’il y a une Sakana à imprimer le Ben Ish ‘Haï avec un commentaire, car il s’y est aventuré
(ou alors il en a entendu parler et n’y croit pas ?).
Il se trouve que son plan a échoué, celui qui devait s’occuper de l’impression n’a pas pu mener le projet à bien, ce qui fait que
Rav Mazouz a finalement fait imprimer ses notes dans un Kountras indépendant du Sefer (c-à-d sans les insérer sur les pages mêmes du livre).
Il s’en plaint dans sa préface, attribuant la responsabilité de cet échec à Satan, mais il semble ne pas se rendre compte que c’est plutôt son ange gardien qui l’a protégé et a empêché l’impression selon le projet initial, pour qu’il diffuse finalement ses annotations de manière séparée et échappe à la malédiction. רגלי חסידיו ישמור.
Cette édition vient à la suite du
Sefer Ben Ish ‘Haï mais la page elle-même reste identique aux précédentes éditions, à part le Nikoud (les points voyelles) ajouté(s) ainsi que les acronymes déployés.
Mais ceci allant dans le sens de la volonté du
Ben Ish ‘Haï (en faciliter l’accès aux Amei Haarets), ne pose pas problème, d’ailleurs il y avait déjà eu une édition (Merkaz Hassefer) à Jérusalem en 1986 qui apportait ces nouveautés
(sauf qu’ils y commettent pas mal d’erreurs dont quelques-unes assez grotesques, le Ben Ish ‘Haï écrit souvent en abrégé בסה"ק en parlant de l’un de ses livres, cet éditeur voulant simplifier les choses aux lecteurs a imprimé en toutes lettres בספרי הקדוש – « dans mon saint livre » - alors que cette expression prétentieuse est assurément à l’opposé de ce à quoi pensait l’auteur qui voulait, sans aucun doute, écrire comme tous les auteurs dans un style de Anava : בספרי הקטן – « dans mon modeste ouvrage »).
D’un autre côté, nous trouvons aussi dans le
Shout Yayin Hatov (§11) qu’il écrit -en se basant sur des étonnements répétés dans ces livres- que le
Sefer Ben Ish ‘Haï ainsi que son
Od Yossef ‘Haï et tous ses Sfarim qui ont été imprimés après le décès du Rav, comportent des ajouts erronés insérés par des élèves du Ben Ish ‘Haï.
Si c’est ainsi, il semblerait qu’il n’y ait plus de danger à imprimer un
Ben Ish ‘Haï avec commentaires puisque de toute façon ça n’est déjà plus exactement le bon Sefer.
Mais
Rav Ovadia Yossef (Yabia Omer V, o’’h §1) qui connaissait l’élève du Ben Ish ‘Haï
, Rav Bentsion ‘Hazan (qui s’est occupé de l’impression de ses livres, notamment du Od Yossef ‘Haï), son respect pour son Rav et son intégrité, refuse de croire qu’il y ait des ajouts non-autorisés dans les Sfarim du Ben Ish ‘Haï.
PS: j'ai été bavard et n'ai pas le temps de me relire, veuillez excuser les probables fautes. Merci.