Citation:
Il est communément accepté dans certains milieux que le rédacteur du Zohar aurait emprunté des idées à ריה״ל (r. Touati dans son introduction à la traduction française du Kuzari par exemple).
De quelles idées parle-t-on ?
Est-il vraisemblable de dire que des idées de ריה״ל aient été insérées dans le Zohar ?
Je ne sais pas si c’est «
communément accepté dans certains milieux » ou si c’est juste le
rabbin Charles Touati (et éventuellement 2 ou 3 autres) qui pensai(en)t cela.
Certes, de nombreux chercheurs pensent que la rédaction du
Zohar serait ultérieure au
Kouzari, comme le
rabbin Touati le pensait, mais cela n’indique pas encore que les parallèles que l’on peut retrouver entre ces deux œuvres soient des emprunts.
Il est assez probable d’imaginer des Drashot qui avaient cours à ces époques en Espagne et qui se retrouvaient dans plusieurs livres, sans qu’un auteur ait volontairement emprunté une idée à son confrère.
Les parallèles en question ne sont pas des citations in extenso de passages du
Kouzari, mais des idées communes, voire simplement voisines.
Nous trouvons par exemple l’idée que Jérusalem serait au centre d’Israël et Israël au centre de la terre habitée.
C’est dans le
Kouzari (II, §20) et dans le
Zohar (I, 226a) et (II, 157a et 184b) [et voir aussi (I, 186b) et (III, 65b)], mais vous devinez que ce type d’idées se retrouve aussi ailleurs, comme dans le
Talmud (Sanhedrin 37a), le
Midrash (Tan’houma Kedoshim §10) et dans des tas de Sfarim qui ont été rédigés avant comme après le Zohar/le Kouzari.
On ne peut donc rien en prouver.
Ou aussi l’idée selon laquelle D.ieu est longanime avec l’impie si un juste peut sortir de sa descendance, voir
Kouzari (I, §95) et
Zohar (I, 56b, 118a et 140a).
Il y a aussi l’explication de la fuite de Yona qui pourrait paraître absurde
(comment échapper à D.ieu ?), le
Kouzari (II, §14) comme le
Zohar (II, 170b) expliquent qu’en sortant d’Erets Israel, il se soutirait de l’influence de la prophétie qui ne se ressent qu’en Israël
[voir aussi Zohar (I, 141a)].
C’est là encore une explication des plus classiques et retrouvée dans d’autres livres.
Il y a encore plusieurs parallèles entre le
Kouzari (IV, §3) et différents passages du
Zohar.
Idem pour
Kouzari (II, §14) et (II, §20).
Je ne suis pas un spécialiste du
Kouzari (ni du Zohar), mais les similitudes que l’on retrouve entre ces deux livres ne constituent pas à mes yeux des preuves qu’il s’agirait d’emprunts de l’un à l’autre.
Tout en respectant la science et l’érudition du
rabbin Charles Touati, je ne suis pas non plus dérangé d’imaginer qu’il ait décidé qu’il s’agisse d’emprunts à la seule vue de la liste dressée par
Even Shmuel (Kauffmann).
Le fait est que les chercheurs « modernes » avaient tendance à vouloir dire que le
Zohar aurait été entièrement rédigé par
Rabbi Moshé de Leon vers 1280
(en niant à Rashbi toute paternité) et ils ne voyaient donc aucun problème à dire que l’auteur du
Zohar aurait repris des passages (ou des idées) du
Kouzari écrit (plus d’)un siècle plus tôt.
Je souligne tout de même que cette "doxa" impute audit
R. Moshé de Leon une volonté de tromper son lectorat en prétendant que
Rashbi en était l’auteur
(afin de mieux vendre son œuvre), s’il en est ainsi, je trouve assez stupide de sa part de reproduire des idées
[qui auraient été typiques] du
Kouzari « publié » un siècle plus tôt, ce qui aurait forcément prouvé que son livre ne datait pas de l’époque de
Rashbi (mais aurait été écrit par un contemporain).
Donc selon la théorie de ces chercheurs, on ne devrait pas retrouver dans le
Zohar des emprunts au
Kouzari !
A l’inverse, les partisans du
Zohar écrit « par la main de
Rashbi, mot-à-mot », expliqueront que le
Zohar était caché mais connu des grands sages de chaque génération, ce qui fait que
Rabbi Yehouda Halévy ait pu insérer des idées du
Zohar dans son
Kouzari.
[Pour ma part, j’estime que les deux écoles ont tort, suivant en cela la troisième école, celle du
Yaabets, du
‘Hatam Sofer et de tant d’autres Gdolei Israel, pour qui le
Zohar est un recueil d’enseignements qui trouvent leur source chez
Rashbi et sa Yeshiva et qui inclut d’autres enseignements plus tardifs qui se sont greffés au corps du
Zohar au fil des siècles.]
Pour conclure, puisque nous parlons du
Kouzari, j’indique que si les Ashkenazim l’appellent le « Kouzri »,
Even Shmuel opte pour « Kozari ».
J’ai aussi vu une édition datant (il me semble) de 1660 où il y a une page en latin et le titre y apparaît donc en caractères latins ainsi : « Cosri ».
Aussi,
Gräetz dans
Les Juifs d’Espagne (Paris 1872, p.221), souligne que le nom correctement lu est Khozari
(=Khaf Rafa) (c’est écrit Chozari, selon la graphie germanique, car le livre a été traduit de l’allemand) «
et non Kousari, comme on dit par erreur ».
Ce qui nous fait officiellement cinq manières différentes de lire (/prononcer) ce nom. Celle de
Gräetz semble plus judicieuse mais n’est pas habituelle.