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Moussar et opposants

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Av1508
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Bonjour

J'aurai aimé connaître les raisons qui ont amené certains rabbanims à s'opposer à la shita du moussar de rav Israel Salanter !! Notamment à propos de l'école de Brisk qui n'a pas introduit le moussar dans leur yeshivot !!

Merci à vous.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6640
De nombreux Rabanim se sont opposés au Rav Salanter et sa Shita.

Le plus gros défaut de sa shita était le fait d’être nouvelle ; Les juifs se sont toujours méfiés des nouveautés et heureusement car c’est ce qui nous a préservé.

Imaginez un peu si à chaque fois qu’un rabbin débarque et chamboule toute la Torah nous changions toute notre religion…

Malheureusement, nous avons parfois aussi des faiblesses et encore aujourd’hui, lorsqu’un rabbin arrive avec une « nouvelle religion », pas tous les juifs réagissent avec suspicion à son égard (et c’est un tort).

Le XXIème siècle voit fleurir des rabbins farfelus qui basent leur « torah » sur la « kabbale » ou sur des interprétations sans fondement et les juifs qui ne connaissent pas l’importance des mitsvot s’empressent de tomber dans le piège.

Bref, même un rav Salanter, lorsqu’il vient dire qu’il faut étudier du Moussar alors qu’aucun de nos ancêtres ne l’avait fait (à sa manière), il y a lieu de se poser des questions.
Certains rabanim ont alors craint la formation d'une nouvelle secte (cf. Hamélits 1897, guilion 184 -cité dans Poulmous Hamoussar p.23)

Lorsque Rav Salanter s’est installé à Kovno, de nombreux Gdolei Israel se sont très officiellement opposés à lui, puis d'autres encore après :

Rav Leib Shapiro (rav à Kovno),

Rav Its’hak Avigdor (rav à Kovno),

R. Yehoshoua Heshel (Rav de Yanova) (le rav Shapiro lui avait demandé d’aller faire une drasha dans chaque beth hamidrash où rav Israel Salanter en aurait donné une, afin de le contredire…),

R. Avraham Shmouel (Rav de Rayssen),

Rav Mordekhai Eliasberg (Rav de Boysk)( =Bauska),

R. Yeshaya (rav de Salant) (il aurait dit avant de mourir que le seul Zkhout conséquent qu’il voit qui pourrait lui assurer une bonne place au Olam Haba, c’est le fait de s’être opposé à la Shita du Moussar),

R. Tsvi Hirsh Rabinovicz (rav à Kovno),

R. Moshé Danishevsky (rav de Slabodka),

R. Itsalé Ponovizher (rav Its’hak Yaakov Rabinovicz, de Ponovez),

R. Yehouda Lipshitz (rav de Mertsh) ,

R. ‘Haim Segal,

R. Zalman de Zager,

R. Tsvi Hirsh Broyde,

R. Aba Yaakov Borokhov
(rav de Wolkowysk),

R. Méir Feimer (fils de R. Yossef de Slutzk),

R. Avraham Aharon Burztein (le rav de Tauvrig),

R. Moshé Shmouel Shapiro (de Kursheny),

R. Tsvi Yaakov Oppenheim (rav de Kelm),

le 'Hazon Ish,

R. Its'hak El'hanan Spektor
(j'ai cité son fils plus haut, R. Tsvi Hirsh Rabinovicz)


Bref, les opposants au Moussar ne manquaient pas.

Le Rav de Ponovezh, Rav Yossef Shlomo Kahaneman, dans sa jeunesse, s’opposait aussi à l’étude du moussar dans les Yeshivot.

Lorsqu’il était élève, sa Yeshiva avait intégré 30 minutes de Moussar quotidiennes.
Une fois, au début du « seder moussar », il a annoncé à voix haute : « A Halbe Shoé bitoul teyré ! » (=une demie-heure de Bitoul Torah !).

Il a dit par la suite (des années après, alors qu’il avait créé une yeshiva à Bnei Brak, la yeshivat Ponovezh/Ponovitsh) que le fait que le seder moussar ne soit pas scrupuleusement respecté dans sa yeshiva est une punition pour son opposition au Moussar dans sa jeunesse.


[NB: je trouve que c'est un peu une fuite; pour y avoir étudié plusieurs années -dans cette yeshiva, je me souviens que pour parvenir à étudier plus de 15 minutes
(le seder était de 30 minutes) il fallait être un grand sportif.
A la fin du Seder de l'après-midi, il était impossible de s'arrêter en pleine phrase et en pleine étude au moment précis où un coup sourd retentissait sur la bima en annonçant la fin du seder beth et le début du seder moussar, ensuite, comme l'usage imposait d'étudier le moussar "en veste et chapeau", il fallait arriver à sortir du Beth Hamidrash pour rejoindre son attirail réglementaire, déposer sa Gmara personnelle en lieu sûr et se munir de son sefer Moussar.

Comme les centaines d'élèves sortaient grosso modo tous dans l'espace des mêmes minutes, il y avait forcément embouteillage, ce qui ralentissait encore la manœuvre.

Ajoutez à cela qu'une fois en dehors de la salle d'étude, il est judicieux d'en profiter pour se rendre aux toilettes
(où il y avait bien entendu la queue), surtout que le seder Moussar était immédiatement suivi par la prière du soir (Maariv), autant se laver les mains avant d'arriver à bon port et ne pas avoir à prévoir une nouvelle interruption avant Maariv.
Il en résulte que le seder moussar était forcément endommagé et fort difficile à respecter; généralement, je n'arrivais qu'à engranger dix à quinze minutes quotidiennes de Moussar, sur un seder officiel de trente minutes.

Résultat des courses, de nombreux élèves ne se pressaient pas et profitaient de cet interclasse pour discuter avec un ami ou fumer une cigarette et manquaient ainsi -quasiment tous les jours, la totalité du seder Moussar.

Je pense que dans une yeshiva où le seder Moussar tient à cœur à la direction, on ne reste pas impassible face à un tel fiasco, on décale les horaires ou on trouve une autre solution (au lieu de se résigner et d'accepter une telle "punition min hashamayim").
A moins de dire que le Rav pensait que quinze minutes quotidiennes suffisent...

(cela pourrait paraître comme une méchante critique du rav, mais ce n'est pas le cas, loin de là. Ceux qui connaissent le Ponovizher Rov et sa façon de parler et présenter les choses me comprendront)]

Voici donc un deuxième chef d’accusation à l’encontre du Moussar : en sus d’être une nouveauté, c’est aussi une source de Bitoul Torah (dans les yeshivot).


Il se peut qu'une autre raison à cette opposition était le fait que le Moussar de Rav Salanter était une importation des non-juifs. Il parlait beaucoup de Ko'hot Hanefesh, de subconscient et autres thèmes de psychologie qu'il avait tout simplement emprunté à des sources non-juives.

On trouve parmi les critiques contre les partisans de rav Salanter que leur "moussar" (morale) est un moussar stupide, mensonger, ridicule etc.

Ce type de critique "brutale" me fait penser qu'il devait y avoir en filigrane un reproche quant aux sources desquelles proviennent plusieurs grands thèmes favoris de rav Salanter...

Il est difficile de dire ce qu'il en serait de la position de tous ces rabanim face au moussar "moderne" d'aujourd'hui.
Il est probable qu'ils ne s'opposaient qu'au moussar à la façon rav Salanter (et ses acolytes) qui devait les excéder lorsqu'ils constataient le temps passé à pinailler et ergoter sur les "ko'hot hanefesh" et ses explorations, mais ces rabanim n'auraient certainement pas grand chose à reprocher au Moussar en vogue actuellement dans les yeshivot, moussar fort différent qui s'est détaché de tout cet aspect "psychanalyse" pour se recentrer sur le travail des Midot sans trop de "blabla".

Ce moussar des temps modernes n'est pas forcément la shita de rav israel Salanter, il est plutôt incarné par Rav Ye'hezkel Lewinstein et autres baalei moussar du XXème siècle.

[On ne peut donc pas dire que, dans cette guerre autour du Moussar, rav Salanter ait gagné. Car ce qui se pratique aujourd'hui est plutôt un compromis entre les deux camps. Contrairement à ce qu'en pensait le Sridei Esh, rav Weinberg -cf. Lifrakim (nouvelle édition Jérusalem 2012, tome I, p.112) (voir aussi depuis la page 104, son article sur la discorde autour du moussar) -Au passage, j'en profite pour remercier chaleureusement l'élève du rav Weinberg qui édite ses sfarim, le rav Avraham Weingort qui m'a offert ces deux sfarim par l'intermédiaire d'un ami commun, remercié par la même occasion.]

Rav Dessler était déjà plus proche de la shita de rav Salanter, c'est aussi un peu le cas de Rav Wolbe.
En tout cas, Rav Shakh s'opposait (sans esclandre toutefois) à la shita de ces deux rabanim (rav Dessler et Rav Wolbe) , il encourageait plutôt le moussar en mode Rav Lewinstein.

Il reste néanmoins dans les yeshivot des conduites héritées du mouvement initial du Moussar, comme par exemple, la lecture exaltée du livre de moussar, supposée aider à faire pénétrer l'enseignement dans les tréfonds de l'âme et du moi existentiel.
Cette mélodie parfois frénétique n'est pas adoptée par tous, mais il n'est pas rare de l'entendre lors du seder moussar dans toute yeshiva (d'obédience lituanienne) qui se respecte.

Cependant, les livres étudiés seront plutôt du Moussar basé sur des maamarei 'hazal que sur des considérations psychanalytiques tirées [ou tout au moins inspirées] des méditations de Freud.

[NB: concernant le fait que rav Salanter aurait devancé Freud sur certains points, voyez Lifrakim (op cit, tome II, p.250).]

Vous trouverez cette distinction entre Sifrei moussar déjà avant l'apparition du mouvement de rav Salanter, par exemple dans la Hakdama du Tanya (daf 3b).

[quant à la valeur de l'argument critiquant rav Salanter pour s'être abreuvé aux sources non-juives, j'en ai déjà parlé ailleurs.]


Dernière édition par Rav Binyamin Wattenberg le Dim 12 Février 2023, 17:55; édité 1 fois
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6640
Information biographique complémentaire:

Le Rav ‘Haim Segal que je citai plus haut parmi les opposants au Moussar, était aussi appelé R. 'Haim Yanover ou encore R. 'Haim Ratsker (selon le nom des villes où il exerça).

C'était le grand-père de l'étonnant Rav Mordekhai Pagremanski, le Ilouy Baal Tshouva, décédé hélas trop jeune.

J'indique aussi au passage, qu'il semblerait que ce soit la bonne prononciation de son patronyme, Pagremanski, pas comme il est d'usage de l'appeler dans les Yeshivot, ni comme aucune des nombreuses manières d'orthographier ce nom que nous trouvons dans le livre biographique de rav Chajkin "Pour la gloire de Hachem", j'en disais brièvement quelques mots en préambule à quelques remarques et critiques sur ce livre, ici:
http://www.techouvot.com/biographies_de_rabbanims_fabulations-vt14955.html?highlight=
(message du 8 juin 2012 à 1h13)
Je me cite:

Citation:
Je ne parle pas d’erreurs d’orthographe (comme p.217, p.252 , et même jusque sur la couverture de la fin du livre !), ou de conjugaison (p.470) , ou de frappe (comme p.147 note 37 où il faut corriger 1975 en 1985) (et p.338 où il faut corriger II Samuel 15, 10 en 16, 10) (et p.289 dans le texte en hébreu) (et p.297 ), ou des erreurs dans les noms comme Eliezer à la place d’ Elazar (p.81) ou le patronyme Programansky (p.130) , qui devient Porgamansky (p.149) puis Porgamanski (p.379 note 118) , et ailleurs Pogramansky… ou encore d’une citation du 'Hafets 'Haim en yiddish qui m’a l’air erronée sur un mot (p.73) , et de manière générale, de nombreuses phrases retranscrites du yiddish l’ont été à la va-vite et comportent des erreurs ( p.76, 206, 241,264 , une même phrase retranscrite et orthographiée de différentes manières qui ne donnent pas la même lecture, la plus correcte des quatre est en page 264 ).

Mais je parle d’erreurs « véritables »...


La graphie Pagremanski est celle retenue par R. Mikael Bitton dans son livre biographique "Rabbi Mordekhai Pagremanski" (en hébreu)(Jérusalem 2013) en page 16.
Indiquant que son origine viendrait du nom d'un village lituanien: Pagrament. (p.16 note 3).

Toutefois, dans le même ouvrage (p.588), nous trouvons la photo d'une enveloppe envoyée par Rav Mordekhai à son frère et le nom du destinataire, comme celui de l'expéditeur est écrit: Pergmansky...

Mais il est possible que ce soit la manière de l'écrire que son frère avait adoptée depuis son installation aux Etats-Unis et Rav Mordekhai aurait adapté ainsi son propre nom au dos de l'enveloppe (en tant qu'expéditeur) pour l'occasion.

Voir encore en page 30 du même livre où l'on a une photo de la lettre qui a été envoyée à ce frère et où l'on voit la signature du Rav qui est difficile à lire (trop petite) mais semble être Pagramancki...

A noter qu'il l'a datée du second jour de 'Hol Hamoed Soukot (et donc écrite pendant 'Hol Hamoed... -voir Shoul'han Aroukh Orah 'Haim §545, 5) ainsi:
יום ב' דחוה"מ סוכות לפ"ק
Il me semble qu'il a oublié d'inscrire l'année (si ça avait été volontaire, il n'aurait pas ajouté לפ"ק qui n'a pas trop de sens si l'on indique pas l'année).

Mais du tampon de la poste (en page 588) nous constatons que les timbres ont été oblitérés le 23 octobre 1948.

Cette année là (1948), le second jour de 'Hol Hamoed Soukot tombait le 21 octobre, c'était un jeudi. Il a donc écrit sa lettre le jeudi, l'a déposée à la poste le vendredi et elle n'est partie que le samedi 23 octobre.
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