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Combien de fois exactement un juif pratiquant porte les téfillines durant une année (sachant qu’on les mets pas à chabbat et aux fêtes) ?
Ça dépend des années, qu’elles soient embolismiques ou non, les années du calendrier lunisolaire ne sont pas fixes.
L’année classique peut durer 353, 354, ou 355 jours, tandis que l’année embolismique durera de 383 à 385 jours.
De plus, à part pour l’année la plus longue possible (385 jours) qui comportera un nombre de shabbatot fixe (car multiple de 7), les autres années, à longueur égale, pourraient avoir un nombre différent de shabbatot.
Il faut aussi combiner cela avec le fait que certains Yamim Tovim tomberaient sur des samedis et ne s’additionneraient donc pas.
Bref, tout ceci pour dire qu’il n’y a pas qu’une seule réponse à votre question.
Globalement, on dit qu’il y a approximativement 300 jours de Tfilines sur une année, c’est ce qu’on retrouve dans certains écrits de Rishonim.
Néanmoins, c’est assez inexact, il y en aura plus les années avec deux mois d’Adar, et moins les années simples.
Le calcul des Rishonim est intriguant, ils écrivent que sur 365 jours, on retire 52 shabbatot et 13 Yamim Tovim, et on obtient 300 jours de Tfilines.
Certains y voient même un Rémez dans le Shin (=300) qui orne la Tfila Shel Rosh.
Voir
Piroush R. Elazar MiGermayza (Rokéa’h, R.E. de Worms) (Parshat Bo -Londres 1959, p.42) [et aussi dans son
‘Hokhmat Hanefesh (Lemberg 1876, daf 17a)] pour qui les 13 jours sont :
4 de pessa’h, 4 soukot, 2 Shavouot, 2 de RH, 1 de YK, 1 jour de Tisha Beav (où on ne les porte pas) et 1 jour de Pourim où l’on les retire juste après la Tfila de peur d’être saoul avec les tfilines.
Ça fait 15 jours, dont 2 tomberont Shabbat et se cumulent, ce qui donne donc 65 jours à retirer, il en reste 300.
C’est très étrange.
D’abord l’année de 365 jours est l’année solaire, pas l’année lunisolaire du calendrier juif, donc les yamim tovim se répartissent parfois sur 353 jours seulement.
Aussi, le fait de compter les Yamim Tovim shel Galouyot est étrange étant donné que le Shin sur les Tfilines est une Halakha Lemoshé Misinaï.
Et il faut aussi souligner que les jours de ‘Hol Hamoed sont comptés comme des jours où l’on porte les Tfilines (ce qui était le cas à son époque).
Ensuite, retirer le 9 Av comme si on n’y portait pas les Tfilines est forcément tardif, et de plus, on les porte à Min’ha…
Mais éliminer Pourim sous prétexte qu’on les enlève après la Tfila nous indique qu’il s’agirait des jours où l’on porte les Tfilines toute la journée (à l’époque où c’était le cas).
Ce genre de calcul se retrouve, avec des variantes, chez d’autres auteurs encore, comme :
Rabénou Be’hayei (Dvarim 28,10)
Panéa’h Raza (fin de Parshat Bo -éd. 1998, p.248)
Or’hot ‘Haïm (§27)
Aboudarham (Tfilot Pessa’h -Jér. 2015, tome 2, p.323)
Menorat Hamaor (Elnkaoua) (I, p.107)
Menorat Hamaor (Abouav) (Ner 3, ‘helek 5, §1, p.275)
Maharshal (Yam Shel Shlomo, Beitsa §1,51) (Amoudei Shlomo, Assin 22)
Voir aussi
Kobets Shitot Kamaei (Mena’hot 34b, p.1555).
Beit Yossef (o’’h §32) (au nom du
Or’hot ‘Haïm op cit)
Atéret Zkénim (§31)
Elia Raba (o’’h §32)
Melekhet Shlomo (Mena’hot 3,7)
Shout ‘Hayei Halévy (II, o’’h §3)
Il semble plus évident de ne pas compter les Yamim Tovim Shel Galouyot, se contenter de 7 jours de YT (2 pessa’h, 2 Soukot, 1 Shavouot, 1 RH, 1 YK) et ne pas compter le 9 Av ni Pourim. Une année lunaire de 355 jours, 50 Shabbatot, 7 jours de YT, dont au moins 2 qui tomberont un samedi, ça fait 300 jours de Tfilines.
Il y aura différentes questions sur le calcul des jours tel qu’on le retrouve dans tous ces Sfarim, mais il est étrange que tous semblent admettre qu’on se base sur l’année solaire de 365 jours.
[Seule une minorité d’auteurs parle d’une année de ~354 jours, à l’instar du
Levoush (o’’h §32) qui considère 50 shabbatot et 4 ou 5 jours de YT pour aboutir à 300 jours restant.
Voir encore
Shout Shéilat Yaakov (Prager) (I, §120,6 sv. Agav) et
Maadanei Yom Tov (ad Rosh Hil. Tfilin §8,400, daf 119a).
Mais une très large majorité de Sfarim s’accommode parfaitement d’une année à 365 jours sans trouver nécessaire de se justifier.]
Une « anomalie » similaire étonne dans le Talmud
Nedarim (32b) et
Yoma (20a) où il est dit que la valeur numérique de « השטן » est 364, car le Satan a l’autorisation d’être Mastin (attaquer en justice) toute l’année sauf 1 jour, celui de Yom Kipour:
״השטן״ בגמטריא תלת מאה ושיתין וארבעה הוי. תלת מאה ושיתין וארבעה יומי אית ליה רשותא לאסטוני. ביומא דכיפורי לית ליה רשותא לאסטוני.
[Sur la question de savoir pourquoi on intègre l’article (la lettre ה ) au calcul, voir Maharsha (Nedarim 32b), Yearot Dvash (II, §10), Ram’hal (Adir Bamarom daf 96b), et d’autres.]
Or, là aussi, il est étrange de considérer Yom Kipour comme 1 jour sur 365, c’est plutôt 1 sur 354 ou 384 etc.
Si on débute le décompte peu avant le 10 tishri, sur 365 jours nous aurons 2 Yemei Kipour.
Plusieurs explications ont été avancées à ce propos.
Certains A’haronim expliquent que les 10 jours de pénitence sont liés à l’année passée
(et donc aussi à venir, sans quoi on retombe sur le même problème), ce qui ajoute 10 jours.
Cette réponse avec des « jours qui comptent double » n’est pas très convaincante (d’autant qu’il y aura deux fois Yom kipour dans ces 365 jours).
Il y a pourtant une idée assez proche dans le
‘Hibour Hatshouva du
Méiri (Maamar 2, §9 -éd. de R. Moshé Tsuriel, M.H.K. 2018, p.337), mais elle n’en est pas moins étrange.
Voir encore
Iyoun Yaakov (Nedarim 32b) et
Yearot Dvash (I,§6).
Le
Netsiv (Meromei Sadé Yoma 20a) explique que c’est effectivement imprécis mais qu’il ne s’agit que d’un Rémez.
Cette idée se trouvait déjà dans les
Tosfot Yeshanim (Nedarim 32b) : ואע"פ שאנו עושין יום הכיפורים לשנת הלבנה מ"מ רמז מיהא הוי
c-à-d que bien que nos années soient lunaires (=lunisolaires), malgré tout nous pouvons souligner ce calcul en tant que simple allusion.
Le
Ben Ish ‘Haï (Ben Yehoyada Yoma 20a) explique qu’on a choisi l’année solaire car le nombre de jours n’y varie pas, alors que dans notre calendrier, il y a 353, 354 ou 355 jours.
Ça reste étonnant quand même
(car YK intervient 2 fois en 365 jours), et je ne parle pas du fait que l’année solaire peut elle aussi varier entre 365 et 366 jours tous les 4 ans et n’est pas « fixe ».
Pour ma part, j’ai expliqué que l’idée est qu’étant donné que l’année hébraïque n’est pas fixe et varie beaucoup afin de rattraper l’année solaire, ‘Hazal ont donc parlé de l’année solaire pour donner une moyenne de l’année hébraïque.
Et j’ai vu dans le
Rav Pealim de
R. Avraham Ben Hagra (vers la fin de la Hakdama -Varsovie 1894, daf 13b) qu’il rapporte au nom du «
Sefer Hamoussar » de
R. Yehouda Ibn Kalatz une phrase qui m’encourage à appliquer cette explication aussi au sujet des 300 jours de Tfilines, voici ce qu’il écrit :
ועוד ארז"ל מי שאינו מניח תפילין יש עליו שלוש מאות עונשים בכל שנה כנגד ש' ימים שראויין להניח בהן תפילין בשנה
Nous remarquons
[au passage qu’il attribue cette idée aux ‘Hazal, mais surtout] qu’il s’agit de dire que celui qui ne met jamais les Tfilines mérite 300 punitions par année.
C-à-d qu’il s’agit d’un calcul global, sur toute la période où il n’a pas porté les tfilines.
S’il ne les met pas, disons durant 19 ans, il aura donc 5700 (=19x300) punitions.
Dans ce cas, on comprend pourquoi les Rishonim parlent d’années solaires de 365 jours, car c’est approximativement la moyenne de nos années, puisque l’on ajoute au calendrier lunaire 7 mois tous les 19 ans afin de rattraper l’année solaire.
Il en résulte que sur 19 ans, on aura (à peu près) 19 x 365 jours
(c’est aussi légèrement inexact, car l’année solaire est de 365 jours et presque 6 heures, d’où les années bissextiles pour ajouter un jour quasiment tous les quatre ans, donc au lieu de 12065 jours, c’est plutôt 12069, voire 12070 jours).
Le Talmud
(Makot 23b) dit aussi qu’il y a 365 commandements négatifs, comme les 365 jours de l’année.
Là aussi il est étrange de se référer à l’année solaire.
Le
Zohar (I, 170b) ajoute qu’il y a aussi 365 Guidin, que chacun d’eux est lié à un jour de l’année et que le Guid Hanashé (nerf sciatique) est lié au 9 Av… Or, comme on l’a dit, sur 365 jours on peut avoir 2 fois le 9 Av.
Dans ce contexte, il est plus difficile de répondre comme je l’ai fait.
