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Prénom ISMAËL

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yhbtysey
Messages: 207
Chavoua tov Rav,

Il me semble que le prénom "Ichmaël" n'est plus donné au sein du peuple juif.

Nous avons pourtant bien un rabbi Ichmaël ben Elicha (cohen gadol ?) qui était un grand tsadik, et sans doute d'autres que je ne cite pas ici.

De plus, je crois me rapeller que l'emploi de l'expression "Vayigva" au sujet de Ichmaël (ben avraham) au moment de sa mort (berechit 25,17) est expliquée par Rachi qui rapporte Baba batra 16b et dit que cette expression n'est employée qu'au sujet des tsadikim ! Donc Ichmaël lui-même serait un tsadik ?

Est-ce interdit ou déconseillé de nommer son fils comme cela ?

Cela a-t-il un rapport avec l'apparition de l'islam ?

Question simplement théorique je précise, et NON urgente.

Je vous remercie pour vos réponses toujours si intéressantes.

Tizkou léchanim rabot néimot vétovot !
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
Contrairement à ce que vous pensez, le prénom Ishmael était encore donné il n’y a pas si longtemps, lorsque des communautés juives vivaient en pays arabes.
Et il existait même en pays chrétien chez les « sfaradim », comme en Italie.

Le Rav de R. Mena’hem Azaria de Fano se nommait Rabbi Ishmael ‘Hanina, il le mentionne dans son Responsa (§32, §40 et §102)
(le Koré Hadorot aussi indique qu’il en était l’élève, voir Koré Hadorot, perek III, daf 42b ou p.151 de la nouvelle édition, et voir encore le ‘Hida, Shem Hagdolim I, 68a), il est l’auteur du Shiva ‘Hakirot , écrit en 1567 pour répondre aux accusations de l’antisémite Manuel Montoni et imprimé à Husiatyn en 1903.

Sur la page de garde, son prénom figure sans Ayin ישמאל au lieu de ישמעאל mais c’est une erreur de l’imprimeur [qui n’était pas vraiment futé, d’ailleurs, dans la même page, il fait correspondre le mois de novembre de l’an 5328 à celui de l’année 1568, alors que c’est 1567.
Il est peut-être aussi responsable du titre Shiva ‘Hakirot au masculin au lieu de Sheva ‘Hakirot au féminin.
(Le Otsar Hasfarim de Ben Yaakov , publié en 1880, avant l’édition du Shiva ‘Hakirot, se base sur le mansucrit mentionné par Shadal (Otsar Hasfarim p.566, §260) et ne se trompe pas sur le prénom et va même jusqu’à corriger le titre en Sheva ‘Hakirot.
Voir aussi Otsar Hagdolim VI, fin de p.34)]
.

Je suppose que c’est ce qui a trompé Friedberg dans son Beth Eked Sfarim (IV, p.965, §387) qui le rebaptise R. Israel ‘Hanina et à partir de là, tous les « chercheurs » et historiens -comme Rachel Heuberger dans son livre Aron Freimann und die Wissenschaft des Judentums (Tübingen‎ 2004, page 365) qui le nomme Israel Chanino (au lieu de Ismael Chanino).

Quoi qu’il en soit, le Shiva (Sheva) ‘Hakirot est un petit livre très intéressant, même s’il y a à redire par endroit (à ne pas confondre avec le Sheva ‘Hakirot de Rav Sinzheim, oublié par Friedberg et Ben Yaakov) et le prénom de son auteur est bien Ishmael.

Toujours au XVIème siècle, en Egypte, il y avait rabbi Ishmael Cohen-Tanougi (auteur du Sefer Hazikaron écrit en 1543 et publié en 1555).
Il vivait en Egypte mais sa famille était originaire de Tunisie, les Cohen-Tanougi sont souvent tunisiens, même s'ils étaient -en fait- avant cela originaires du Maroc, de Tanger, d’où le nom Tanougi/Tenougi.
(Cf. Touv Mitsraïm p.151)
(voir aussi le ‘Hida dans Shem Hagdolim I, p.58d, mais il ne semble pas parler de Tanger, plutôt d’une autre ville.)
(Voir aussi Otsar Hagdolim VI, p.33 et Encyclopedia Letoldot Gdolei Israel de Margalioth, p.969).

Encore en Italie, il y avait Rabbi Ishmael Hacohen ben Avraham Its’hak, contemporain du ‘Hida, né à Modène en 1724, il est mondialement connu pour son ouvrage, le Zéra Emet (ainsi nommé car il n’a pas eu d’enfants).
Il est niftar le 10 Sivan 1811.
Le ‘Hida le mentionne dans Ma’hzik Brakha (o’’h §IV, sk.4)(§25, sk.10) (§439)(§555, sk.8) (et encore plusieurs fois) et dans ‘Haim Shaal (I, §10).

Il y a eu en Egyte aussi un rabbi Ishmael ben Avraham (cité dans les Tshouvot Maharam Halaskar §46).

Encore plus récemment, nous avons Rabbi Ishmael Cohen (ben Pin’has) (décidément, depuis Rabbi Ishmael Cohen Gadol parmi les Tanaïm, ce prénom sied particulièrement aux cohanim), né en 1851 en Iran, orphelin de son père assez jeune, il grandit chez son oncle en Irak, puis étudie deux ans à la Yeshiva du Ben Ish ‘Haï (de 1869 à 1871), puis il fait sa Aliya à Tsfat et épouse une petite-fille de Rabbi Avraham Pallagi (qui était le fils du prolifique Rabbi ‘Haim Pallagi)
(NB : le Gdolei Hadorot III, p.1010 indique qu’il aurait épousé la fille de R. Avraham Pallagi, pas sa petite-fille).

De 1906 à 1920 il obtient un poste de rabbin en Turquie, plusieurs de ses ouvrages manuscrits y disparaissent dans un incendie, puis il revient à Tsfat en tant que rabbin de 1920 à 1927.
Il sera finalement assassiné, lui et son épouse (-la troisième, car il a été veuf à deux reprises) à Tsfat dans les pogroms de 1929, le 24 Av.

Voici donc un juif nommé Ishmael au XXème siècle.

Il y a aussi eu un Rabbi Ishmael Ibn ‘Hakmon cité par le ‘Hida (Shem Hagdolim I, 58d), il semble qu’il était lui aussi italien (voir Otsar Harabanim §11642), mais je doute tout de même.

Nous trouvons encore un Rabbi Ishmael en Espagne à la fin du XIIIème siècle, un autre Rabbi Ishmael au début du XVème siècle sur l’île de Crête (rabbi Ishmael Harofé) et un Rabbi Ishmael ben Todros de Carpentras, tous trois cités dans le Otsar Hagdolim (VI, p.34).

Il y a un Rabbi Ishmael cité par le Ibn Ezra (Bereshit XXXVII, 25le passouk qui parle de Or’hat ishmaélim !).

Un autre Rabbi Ishmael cité dans les Drashot Mahara’h Or Zaroua (§19) (celui-ci pourrait être ashkenaze !)(c’est peut-être le même qui est cité dans le commentaire sur la Torah de Rabenou ‘Haim Paltiel…)

Bref, il y a encore eu beaucoup de Ishmael même après l’époque des Tanaïm, en voici déjà quelques uns parmi les rabanim connus et je suis sûr qu’on pourrait en trouver d’autres à l’aide d’un moteur de recherche.


Maintenant, concernant Ishmael le fils d’Avraham et Hagar, savoir s’il a fait Tshouva dépend d’une ma’hloket entre les midrashim.

S’il a fait tshouva (comme pour la source que vous citez), cela explique tous ces tsadikim ainsi que les Tanaïm qui portaient ce prénom.

Mais selon l’opinion qui soutient qu’il n’a pas fait tshouva, vous avez raison de vous étonner de cette appellation, car la Gmara Yoma (38b) indique de ne pas nommer son enfant du nom d’un impie.

Le Tosfot Yeshanim (Yoma 38b) répond que l’influence néfaste liée au prénom d’un Rasha ne saurait se manifester lorsque ce prénom a été dicté par D.ieu lui-même (ce qui est le cas du premier Ishmael, un prénom inventé et choisi par D.ieu ne peut pas porter de connotation négative).

Une autre réponse se trouve dans le Bessamim Rosh (§190), selon lui, dès que interprétation/traduction/signification d’un nom est positive, on ne se soucie plus de savoir qui l’a porté.

Voir encore Shem Hagdolim (I, 4d).


Enfin vous demandez s’il y a un rapport avec l’apparition de l’Islam, je dirais que non puisque nous voyons que ce nom a été porté par bien des juifs des siècles après, par contre il y a tout de même certainement un rapport avec les tensions autour de la Palestine entre juifs et arabes, car depuis l’assassinat de Rabbi Ishmael Cohen à Tsfat en 1929, je pense que de moins en moins de juifs ont nommé leurs fils Ishmael (-même si nous trouvons encore des Ishmael après cette date au Maghreb).
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