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Pchouto Chel Mikra

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e2626
Messages: 25
Bonjour Rav
Que penser du courant qui monte en puissance de l'étude du 'Houmach selon Pchouto Chel Mikra. Pas mal de rabbanim affirment que la manière d'étudier le Passouk aujourd'hui, comme par exemple Rav Leib Minsberg, Rav Feyvelzon, Rav Ouria Inbal et bien d'autres. Ils se basent sur les paroles du Rachbam connues qui est en désaccord avec la règle de pensée de Rachi qui se prête à dire qu'il faut lire le Passouk également avec son Midrach.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
Citation:
Que penser du courant qui monte en puissance de l'étude du 'Houmach selon Pchouto Chel Mikra. Pas mal de rabbanim affirment que la manière d'étudier le Passouk aujourd'hui, comme par exemple Rav Leib Minsberg, Rav Feyvelzon, Rav Ouria Inbal et bien d'autres. Ils se basent sur les paroles du Rachbam connues qui est en désaccord avec la règle de pensée de Rachi qui se prête à dire qu'il faut lire le Passouk également avec son Midrach.


Je ne sais pas, car je ne connais pas ces rabanim ni ne suis au courant d'une montée en puissance d'un tel courant.

Ce que je sais c'est que le Pshat a son importance, il a toujours eu son importance et de nombreux Rishonim se sont évertués à expliquer selon le Pshat. Même Rashi qui mêle beaucoup de Midrashim rappelle très souvent qu'il faut se concentrer sur le Pshat.

Le Rashbam (Bereshit XXXVII,2) lui reproche de faire trop souvent appel au Midrash et Rashi aurait dit (selon le témoignage du Rashbam) que s'il avait la force, il se lancerait dans la rédaction d'un nouveau commentaire sur la Torah, beaucoup plus proche du Pshat.

D'autres Rishonim aussi expliquent beaucoup plus "Pshat" que ce que ne l'a fait Rashi.
C'est d'ailleurs ce qui aurait motivé des rabanim italiens, il y a quelques siècles, à décider qu'il ne fallait PAS enseigner le commentaire de Rashi aux enfants, car ces derniers prendraient pour Pshat ce que Rashi explique.

Quant au courant dont vous parlez et les rabanim que vous citez, je ne sais pas quelle direction prend leur initiative, mais même si le Pshat est important, cela n'indique pas qu'il faille se défaire de Rashi, ni qu'il faille se contenter du Pshat.
Les Maskilim ont voulu se contenter du Pshat, ce n'est pas un chemin sûr, il faut étudier le Pshat mais aussi s'intéresser au Drash.

Par contre, on peut dire que de la même manière que les Maskilim qui ne jurent que par le Pshat font fausse route, les imbéciles qui refusent de comprendre l'apport du Pshat se trompent eux aussi.

Il n'est pas impossible que ces deux groupes commettent la même erreur d'appréciation, qui les amène vers deux directions opposées et toutes deux erronées.
Je veux dire qu'ils voient -à tort- les explications midrashiques (de Rashi ou autre) comme si elles visaient à déterminer le Pshat (/la vérité historique).

Du coup, il y a ceux qui se disent que vouloir interpréter les faits autrement, de manière plus terre à terre, ne peut que relever d'un manque de Emouna (ou similaire), et il y a les autres qui se disent que les explications midrashiques ne peuvent que relever d'une déficience mentale (ou similaire).

Le point commun c'est qu'ils se trompent royalement sur l'intention des interprétations midrashiques.
sat1
Messages: 94
Pourquoi ce n'est qu'à partir des rishonim que nous trouvons un intérêt pour le pshat ? Pourquoi 'hazal n'ont fait que des drashot et n'ont pas expliqué le pshat ?

Aussi vous écrivez : "les imbéciles qui refusent de comprendre l'apport du Pshat se trompent eux aussi". Quel est selon vous l'apport du pshat ?
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
Citation:
Pourquoi ce n'est qu'à partir des rishonim que nous trouvons un intérêt pour le pshat ? Pourquoi 'hazal n'ont fait que des drashot et n'ont pas expliqué le pshat ?


Je pense qu’à l’époque des ‘Hazal aussi il y en avait certains qui penchaient plus pour le Pshat que d’autres, on remarque à travers la régularité de l’orientation des Drashot d’un Tana/Amora qu’il pouvait avoir tendance à tenir systématiquement à s’intéresser au Drash ou au contraire il restait plus proche du Pshat.
Mais c’est assez subtil, disons que plus grossièrement ça peut se remarquer dans les désaccords répétés entre l’école du « Dibra Torah Kilshon Bnei Adam » (qui refuse de voir un appel au Drash dans les redondances du texte) et leurs opposants.

Mais vous avez raison que c’est beaucoup plus flagrant depuis l’époque des Rishonim, voire même déjà avant, à l’époque des Gueonim aussi. (A titre indicatif -mais non représentatif- voyez la Ma’hloket sur la question de savoir si le Na’hash Hakadmoni a réellement parlé, idem pour l’ânesse de Bilam, des Gueonim déjà en discutaient, et des Rishonim après eux.)

Ce désaccord ou ces deux approches existaient donc déjà avant les Rishonim, mais on en entend beaucoup plus parler à leur époque, surtout depuis les campagnes contre le Rambam, puis contre la philosophie en général.

Il semble logique de dire que si les ‘Hazal dans le Talmud n’ont pas cherché à établir le Pshat, c’est parce qu’il est accessible à tous.
Tout lecteur, qui ignore le Drash tant qu’il ne l’a pas appris, comprend de lui-même le Pshat, c’est le sens obvie, ce qu’on comprend en lisant, le sens qui s’impose de lui-même sur le chemin, la voie, lorsqu’on prend connaissance du texte (-obvie, du latin obvius, devant la voie).
On n’a[vait] pas besoin d’un rabbin pour nous dire ce que les mots veulent dire, tout comme on n’a pas besoin d’un sage pour nous dire qu’il faut respirer, ça s’impose tout seul.

Il se peut aussi que ce sens obvie ait pu déranger à partir d’une époque où l’on s’intéressait à la science (fin Gueonim et Rishonim), avant cela, qu’un serpent parle n’avait rien d’impossible, que le soleil stoppe sa course n’avait rien de dérangeant, que Mme Loth se soit transformée en sel de table (certainement Cérébos), que des anges viennent casser la croûte chez Avraham, que des pierres se disputent pour être sous la tête de Yaakov et qu’elles fusionnent instantanément, tout cela ne posait pas de problème au lecteur lambda qui n’avait pas vraiment de connaissances scientifiques.

Puis, lorsque certains ont commencé à s’instruire en sciences profanes, il y a eu deux directions, ceux qui disaient que ce qu’ils comprenaient des mots du texte était forcément ce que le texte voulait dire et que par conséquent il s’agissait de miracles qu’il fallait accepter au même titre que l’ouverture de la mer et les 10 plaies, et il y a eu ceux qui ont préféré dire que le texte peut parler de soleil qui se couche même si l’on pense qu’il est immobile et que cette impression, due au mouvement de la terre, suffit pour justifier l’expression.

[Même sans se mettre à l’étude des sciences, on peut imaginer que les confrontations religieuses avec les chrétiens forçaient les juifs à présenter le texte selon le Pshat, alors qu’ils n’y étaient pas contraints avant cela.
Mais le lien avec l’instruction profane semble évident lorsqu’on remarque que les Baalei Hapshat sont beaucoup plus fréquents dans le sud de la France et en Espagne, qu’au nord ou en Allemagne où le piétisme allemand est développé et les juifs n’ont pas trop les loisirs d’étudier la philosophie ou la médecine entre deux pogromes.]

L’émergence de la Kabbala vers le XIIIème siècle a aussi contribué à l’éloignement des sciences au profit du Drash.
Le XVIème siècle encore plus avec la diffusion de la Kabbale, les mystiques de Tsfat n’étaient absolument pas perturbés par l’idée de pierres qui se disputent entre elles pour servir d’oreiller à Yaakov, ou des anges qui viennent chez Avraham.
Ensuite, avec la création du ‘Hassidisme, l’écart s’est encore plus accentué, si tout était possible au Baal Shem Tov, rien ne pouvait plus déranger dans la Torah.
Et enfin, depuis 3 ou 4 décennies, où les ‘Harédim israéliens -tout en restant de fervents Mitnagdim- deviennent des ‘Hassidim (concernant plusieurs Hashkafot) sans le savoir ni se l’avouer, on assiste à une ostracisation du Pshat lorsqu’il ne met pas assez en valeur les miracles.

Il y a eu, parait-il, « récemment », une campagne d’opposition à la série Pshouto shel Mikra/Rashi Kipshouto, mais je n’en connais pas trop les détails. Il semblerait que ce soit « le pshat » qui dérange.

Il est clair en tout cas, que certaines explications qui se retrouvent chez les Rishonim seraient taxées d’hérésie si elles étaient présentées anonymement à des rabanim israéliens.
Il faut méditer cette phrase. Ça veut tout dire.
(Ce que j’appelle des rabanim israéliens peut se trouver dans d’autres pays aussi, c’est juste que cette impulsion leur vient des Rabanim d’Israël.)


La Haskala a aussi, paradoxalement, joué un rôle négatif sur ce plan ; en mettant l’accent sur le Pshat, voire même en essayant de vider toute la Torah de ses miracles, les Maskilim ont forcé la réaction opposée de la part des Adoukim (les orthodoxes).
Depuis la fin du XVIIIème siècle, on se méfie de celui qui souligne trop le Pshat et on le soupçonne de vouloir miner la Yirat Shamayim des jeunes.

Le ‘Hatam Sofer (Torat Moshé Shemot) fait remonter l’origine de ce mal à la Septante.
Il écrit que depuis que la Torah a été traduite en grec, les juifs ont « goûté » au Pshouto shel Mikra et c’est là qu’a commencé à bourgeonner la Kfira et des juifs ont inauguré une nouvelle sorte de suspicion et remise en cause des Drashot des ‘Hazal (voir aussi Rashi Brakhot 28a sur Minou Beneikhem min hahigayon).
Mais dans les faits, c’est surtout depuis la Haskala que le Nakh a été mis à l’écart par les orthodoxes et qu’il a été mis à l’honneur par les Maskilim.

Voilà donc deux siècles que s’installe une certaine frilosité vis-à-vis de l’étude de la Bible en milieu orthodoxe.
Il me semble qu’elle s’est encore accentuée au cours du XXème siècle ; quand j’étais jeune, à part le ‘Houmash, on étudiait très peu de Nakh dans les structures orthodoxes, uniquement les parties historiques (Yehoshoua, Shoftim, et Melakhim essentiellement), mon grand-père en était étonné, quand il était au ‘Héder en Pologne, ils avaient étudié aussi les parties accessibles des Ktouvim, dont Mishlei, Tehilim, etc., c-à-d quasiment tout le Tanakh (à l’exception des passages les plus obscurs comme Ye’hezkel et des parties de Yeshaya et Yirmiya).

[Par contre, ils sautaient les explications grammaticales de Rashi, tant elles étaient identifiées comme le cheval de Troie des Maskilim.]

Toutefois, il y avait aussi des villes desquelles le Nakh était banni des 'Hadarim, cf. Kountras Korot 'Hayay de Rav Its'hak David Essrig (Esrog/Etrog) (p.14) (imprimé au début de son Pri Ets Hadar -N.Y. 1952)

De nos jours, à part certaines institutions (orthodoxes) en Israël qui remettent à l’honneur la Bible (les ‘Hadarim sur le mode appelé du Gaon de Vilna) [et, bien entendu, les milieux sionistes], on reste très évasif et on évite l’étude du Nakh au ‘Héder, c’est aussi recommandé par certains Rabanim comme le Rav Sternbuch (Tshouvot Vehanhagot II, §457) qui insiste pour dire qu’il ne convient pas de changer cela.


Citation:
Aussi vous écrivez : "les imbéciles qui refusent de comprendre l'apport du Pshat se trompent eux aussi". Quel est selon vous l'apport du pshat ?

Si les ‘Hazal insistent pour dire qu’on ne doit jamais faire abstraction du Pshat (Ein Mikra Yotsé Midei Pshouto), c’est donc que ce Pshat n’est pas dénué d’intérêt.
Et c’est bien normal, quels que soient les messages qui peuvent s’immiscer dans le texte de la Torah à travers le Drash ou le Rémez, ils n’en délogent pas pour autant les mots qui veulent dire ce qu’ils veulent dire.
Il est donc capital de comprendre le Pshat, et même de le comprendre avant de s’investir dans le Drash.

La société moderne est abreuvée de Drash depuis le plus jeune âge, dès le Gan (maternelle) on enseigne certains passages de la Torah uniquement selon le Drash au lieu de présenter en premier abord le Pshat, les jardinières d’enfants ainsi que les institutrices d’écoles juives se basent sur leurs lectures du type « Le Midrach raconte » pour enseigner la Parasha aux enfants, en mêlant Pshat et Drash, le surnaturel devient monnaie courante et les enfants s’habituent à ce que la Torah soit un monde à part, un monde merveilleux ou tout est possible et rien n’est prévisible, un peu dans le genre d’Alice au pays des merveilles, plus aucune logique ni aucune règle ne subsiste.

Résultat des courses, lorsqu’ils grandissent, leur rapport à la Torah est totalement faussé.
Ils ne considèrent pas le monde réel comme étant le monde de la Torah.
Lorsqu’ils sortent de la synagogue ou du Beit Hamidrash, ils changent de monde et mettent forcément un petit peu leur Yirat Shamayim en veilleuse.
C’est aussi ce qui explique des comportements enfantins et des gamineries comme des disputes sur des bêtises, que l’on connait dans les synagogues, alors qu’une fois sortis, les protagonistes sont des « gens normaux », médecins, ingénieurs, ou autre, ils se comportent normalement. Mais à la synagogue ils sont différents, à la synagogue ils sont dans un monde parallèle…

Se confronter au Pshat c’est admettre la réalité du monde, et comprendre que cette réalité est celle de D.ieu, voulue par Lui, créée par Lui.
Notre judaïsme et notre Torah doivent s’insérer et s’inscrire dans le monde physique, celui que nous côtoyons lorsque nous allons au travail.
Il peut y avoir une différence de spiritualité entre la synagogue et le lieu de travail (et c’est souvent le cas), mais uniquement une différence de spiritualité des endroits, pas de la personne elle-même.
Le juif au travail est et doit être le même juif qu’il est à la synagogue.
Si une chose me parait insensée quand je suis dans le monde civil, elle doit me paraitre tout autant insensée lorsque je suis au Beit Hamidrash, sinon, si j’avale des couleuvres dans mon étude de Torah (et pas dans mon étude de médecine ou autre), c’est que je ne suis pas sincère avec D.ieu et avec la Torah.

Bien entendu, le Yetser Hara encourage et pousse dans cette voie, car cela permet de ne pas fusionner réellement avec la Torah, de rester en dehors de la Torah (dès qu’on sort du Beit Hamidrash), et combien il est facile de se dire que c’est par Yirat Shamayim, par Emouna, que l’on accepte de voir des miracles à chaque mot de la Torah ou chaque anecdote du Talmud ! (Alors qu'en réalité, c'est parfois exactement l'inverse.)

C'est un vrai drame dont peu de gens (même parmi les rabanim) se rendent compte.
L'enseignement de la Torah (écrite et orale) devrait être repensé à l'aune de cet écueil afin d'être renforcé sur cette thématique, la compréhension des Agadot et Midrashim, il ne faut plus délaisser les Mefarshim sur ces textes, il faut lire les Rishonim et les A'haronim qui commentent les Agadot du Talmud.
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