Nul besoin d’avoir recours à la Gmara pour cela, c’est un verset implicite dans
Dvarim (28, 47) qui reproche à l’homme l’accomplissement des Mitsvot sans joie.
תחת אשר לא עבדת את ה' אלקיך בשמחה ובטוב לבב מרב כל
[NOTE : c’est étrange, nous punir pour cela ? je cite quelques explications (et autres lectures du Passouk) oralement ici : https://www.centre-alef.fr/yom-chekoulo-torah-5778/ , c’est une page du site d’Alef où sont regroupées les interventions ayant eu lieu pour un Yohrzeit du Rav Sitruk. En faisant défiler la page, vous arriverez au troisième film qui débute par la fin de l’allocution de Rav Haouzi et j’enchaîne juste après.
Je parle de ce point vers la 18ème ou 19ème minute à peu près.
Et au passage, j’indique aux lecteurs de Techouvot le cours de Rav Rozenberg z’’l qui est le premier de la page. C’est une des rares vidéos d’un Shiour de rav Rozenberg que vous ne trouverez pas sur le site d’Ahavatorah.]
Nous avons donc une source pour l’accomplissement des Mitsvot dans la joie, mais cela n’indique pas encore que cette Sim’ha doive être si intense, « très grande » comme vous dites.
On pourrait se contenter d’une Sim’ha de base, qui dit qu’il en faut plus ?
Pour cela, nous avons le
Mahar’hou (=R. ‘Haim Vital) qui nous le dit dans
Shaar Hamitsvot (Hakdama).
Il pose la question sur différentes promesses
(de bienfaits et de longévité etc. ) des ‘Hazal à quiconque accomplit telle ou telle Mitsva, promesses qui ne se réalisent pas toujours, et il explique que la condition sine qua non à l’accomplissement de ces promesses est de faire ces Mitsvot en étant animé d’une très grande joie sans limite «
comme si on lui donnait un million de dinars d’or ».
C’est un ‘Hidoush, car ‘Hazal n’ont pas mentionné de condition de cet ordre et de nombreuses sources laissent entendre les choses autrement
(ne serait-ce que la pratique de milliers de Rabbanim qui ne semble pas correspondre aux souhaits du Mahar'hou et qui se retrouvent ipso facto en porte-à-faux vis-à-vis de cette recommandation).
Si nous voulons la valider, il faudrait donc une preuve à l’assertion du
Mahar’hou.
Il s’en est chargé.
Il cite
Rav Brona (Brakhot 9b) qui réussit une fois à commencer sa Amida exactement au moment du lever du soleil et il s’en réjouit tellement qu’il garda le sourire toute la journée, «
ce qui prouve sa foi et sa confiance en D.ieu qui le récompensera, encore plus que si l’argent était posé là devant lui... Et cette règle s’applique pour toutes les Mitsvot ».
Fin de preuve de
Mahar’hou (voir aussi son
Shaarei Kdousha II, Shaar 4 -éd. anonyme moderne, p.47).
On pourrait objecter que la conduite de ce Rav relève de la 'Hassidout et si sa dévotion doit être prise en exemple, elle ne saurait servir de règle.
Mais même en laissant cette considération de côté,
Bime'hilat Kvodo, je trouve la preuve mauvaise.
Tellement mauvaise qu’elle prouverait plutôt l’inverse.
En effet, si
Rav Brona se comportait réellement en adéquation avec l’enseignement du
Mahar’hou (pour qui chaque Mitsva doit entraîner une joie si grande et intense), pourquoi souligne-t-on qu’il était souriant toute cette journée ? ça aurait dû être son lot quotidien, puisqu’il accomplissait certainement au moins une mitsva par jour
(et assurément beaucoup plus) et devait donc se réjouir de la même manière tous les jours pour n’importe quelle Mitsva «
comme si on lui donnait un million de dinars d’or ».
Nous voyons bien de cette Gmara que
rav Brona ne se réjouissait pas ainsi à l’accomplissement de chaque Mitsva, mais uniquement lors de l’accomplissement d’une Mitsva rare ou difficile d’accès et nous ne pouvons pas extrapoler et l’appliquer à chaque Mitsva sans distinction aucune.
Je dirais donc qu’il convient d’être joyeux de l’accomplissement de TOUTES les Mitsvot, comme le sous-entend le verset, mais d’une joie modérée, normale.
Joyeux, pas surexcité.
Nous voyons de
Rav Brona que cette joie n’implique même pas nécessairement un sourire, c'est "seulement" une joie interne, un bien être, pas la joie "débordante" dont parle le
Mahar'hou, mais la joie de celui qui sait qu'il engrange tous les jours et à chaque Mitsva "
un million de dinars d'or", quand c'est quotidien, l'expression de sa joie en est forcément réduite.
PS: C'est sans prétention et avec respect que je contredis la preuve du Mahar'hou, n'allez pas y voir un mépris h"v.
Et je sais qu'on peut s'arranger avec son idée en tordant un peu les mots pour lui faire dire autre chose, qui ressemblerait plutôt à ce que je dis.
Mais je préfère présenter une Koushia sur sa Shita telle qu'elle est perçue par ses lecteurs, plutôt que de chercher à atténuer la difficulté que soulève sa preuve, car c'est en mettant en exergue son incohérence qu'on évitera de déformer la Torah.