L’interdiction de la polygamie remonte aux environs de l’an 1000, lorsque Rabbeinou Guerchom ben Yehouda, dit Meor ha-gola (« Lumière de l’exil » – Metz, 960 – Metz, 1030), l’édicta pour les trois villes allemandes de Spire, Worms et Mayence (en hébreu : choum) afin de préserver les Juifs de ces cités contre les massacres fomentés par les Chrétiens.
Cette interdiction, souvent appelée ‘hérèm de-rabbeinou Guerchom, devait durer primitivement jusqu’en 1260, mais son application s’est poursuivie sans limitation dans le temps, et elle a été acceptée par l’ensemble du judaïsme européen.
Signalons au passage deux autres taqanoth instituées par rabbeinou Guerchom :
1. Interdiction de répudier son épouse sans le consentement de celle-ci.
2. Interdiction de violer les correspondances privées.
Quant aux communautés de rite sefarade, plus proches du monde musulman où la polygamie n’a été à aucun moment tenue avec défaveur, elles n’ont jamais rejeté formellement la polygamie.
De même les Juifs yéménites, qui ont vécu jusqu’à une époque récente à l’écart des autres courants du judaïsme, n’observent pas le ‘hérèm de-rabbeinou Guerchom.
Cependant, ces distinctions entre les différentes communautés tendent aujourd’hui à disparaître, dans la mesure où :
– La plupart des Juifs vivent dans des pays dont les législations civiles n’ont jamais reconnu la polygamie ou l’ont abolie.
– Le rabbinat d’Israël en a lui-même décidé la suppression en 1950.
On attribue au Gaon de Vilna (1720 – 1797) le propos suivant : « Si j’en avais le pouvoir, je prendrais deux décisions. La première serait d’abolir le ‘hérèm de-rabbeinou Guerchom, car cela accélérerait la venue de notre délivrance finale. La seconde serait de faire prononcer tous les jours la birkath kohanim. »
Si le Gaon de Vilna n’a pas réussi à introduire ces deux « réformes », ceux de ses disciples qui sont montés en Erets Yisrael y sont parvenus en ce qui concerne la seconde.
Il existe toutefois un tempérament au ‘hérèm de-rabbeinou Guerchom : Lorsqu’une épouse est atteinte d’une grave maladie mentale au point de ne pouvoir consentir juridiquement au divorce, le mari a la possibilité, avec l’accord de cent rabbins établis dans trois pays différents, de prendre une seconde femme. Il demeure, dans ce cas, légalement marié à la première, et il est tenu de continuer de pourvoir à son entretien.
La législation israélienne, tout comme la loi française, si elle ne permet pas d’épouser une seconde femme, reconnaît la validité des mariages polygames contractés à l’étranger. Certaines familles juives d’origine marocaine ont bénéficié de cette exemption.