C'est une question intéressante.
La
Gmara (Meguila 28a) cite une Brayta qui, comparant les comportements irrespectueux à éviter dans un cimetière à ceux qu'il convient de proscrire dans une synagogue, omet étrangement de mentionner celui d'utiliser le cimetière comme un raccourci (ce qui est pourtant mentionné comme irrespect pour la synagogue -
Kapandria).
Toutefois dans la Brayta d'origine, dans
Massekhet Sma'hot (§XIV, 1), cette précision s'y trouve
(pour le cimetière). C'est aussi ce que retiennent les
Rishonim et le
Shoul'han Aroukh (Y"D §368, 1) l'interdit.
La raison de cet interdit est explicite dans la Brayta: c'est par respect pour les morts qui y sont enterrés.
Ce respect est un devoir même envers les morts non-juifs. Nous trouvons dans le
Kol Bo (§114) (cité dans le
Beit Yossef Y"D §367) que le respect aux morts s'applique aussi vis-à-vis des non-juifs.
Ceci nous pousserait à conclure à l'interdit.
Cependant, vous indiquez que les non-juifs eux-mêmes ne considèrent pas cela comme un manque de respect puisqu'ils vont même jusqu'à manger, boire et se promener dans ce cimetière.
Je ne peux pas vérifier vos dires, ce qui va suivre dépendra de leur véracité.
Et je précise que si vous avez vu quelques personnes mâcher un chewing-gum ou croquer dans un biscuit, cela ne suffit pas encore pour en tirer des conclusions, d'une part car ce ne sont que quelques personnes et d'autre part car la
Akhilat Aray n'est pas forcément assimilable à la
Kalout Rosh interdite.
Mais en supposant que nous parlions d'un cimetière où les non-juifs se regroupent en famille pour un pique-nique ou une promenade dominicale
(bien étranges ces gens... Mais disons que de toute manière il est déjà plus plausible et facile à imaginer que la majeure partie des non-juifs ne considèrent pas le raccourci comme irrespectueux et cela nous suffit pour notre débat), il y a lieu de se demander si ce qui est proscrit par la Halakha en tant que Zilzoul (manque de respect) doit ici s'imposer si les concernés eux-mêmes n'y voient aucun souci.
Je suis tenté de faire dépendre cela de la compréhension qu'ont eu différents commentateurs du fameux texte de la
Gmara Guitin (daf 61) qui indique le devoir de s'occuper d'enterrer les morts non-juifs/idolâtres "
Mipnei Darkei Shalom".
Si cela signifie "
pour éviter les soucis", dans notre cas, nul besoin d'être plus royalistes que le roi.
Mais si cela se traduit plutôt par "
par amour de la paix", ce n'est donc pas par crainte mais par volonté de créer de bonnes relations avec les non-juifs, dans ce cas, si notre Halakha considère irrespectueux de traverser un cimetière par gain de temps, elle nous demande aussi d'en tenir compte même lorsque les non-juifs eux-mêmes n'y voient pas de problème.
(Pour plus de détails sur ces deux lectures, reportez-vous à mon cours disponible ici:
http://www.centre-alef.fr/2016/04/le-racisme/ ).
Ceci étant dit, pour avoir déjà parlé de ce point
(=traverser un cimetière non-juif pour éviter un détour) avec
Rav Mordekhai Rottenberg, je vous livre son opinion:
Si on le peut, il faut éviter de passer par un cimetière car -selon le
Gaon de Vilna- les
Mazikin y sont très présents et laissent sur le "promeneur" des "influences négatives".