Techouvot.com

La réponse de qualité à vos questions

Mariages d'avant et mariages d'aujourd'hui

Voir le sujet suivant Voir le sujet précédent
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet
aralé
Messages: 147
Kvod HaRav Wattenberg,

Je fais suite à votre cours (très intéressant) d'hier sur Pirké Avot où vous expliquez le non divorce du Hazon Ich après 10 ans sans enfant, par la différence entre les mariages d'avant et ceux de la période plus moderne. Vous expliquez que depuis quelques générations les mariages sont marqués par plus d'attachement qu'avant.

Je vous soumets un paramètre qui, me semble-t-il, participe à ce phénomène.
La forte mortalité des temps anciens. Les gens mourraient à tout âge de maladie, les femmes souvent à l'accouchement, les guerres, pogroms, etc. Pour résister à ces épreuves, les gens développaient une acceptation du malheur, interprété comme une gézéra divine. Divorcer après 10 ans de stérilité en faisait partie.

Il suffit de lire le journal de Glückel von Hameln, qui a vécu il y a près de 370 ans. Elle perd son mari, qu'elle aime, des enfants qu'elle aime, et accepte ces malheurs comme nous ne saurions pas le faire.

Montaigne a écrit “J'ai perdu deux ou trois enfants en nourrice, non sans regrets, mais sans fâcherie” (Essais II, 8). Qui pourrait dire ça aujourd'hui?

Bref, les malheurs étaient monnaie courante, les gens l'acceptaient. Le divorce après 10 ans de stérilité en faisait partie. Aujourd'hui, nous sommes brisés par des choses beaucoup moins graves.

Kol Tov
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
Citation:
Je fais suite à votre cours (très intéressant) d'hier sur Pirké Avot où vous expliquez le non divorce du Hazon Ich après 10 ans sans enfant, par la différence entre les mariages d'avant et ceux de la période plus moderne. Vous expliquez que depuis quelques générations les mariages sont marqués par plus d'attachement qu'avant.


C'est en effet ce dont nous avons parlé hier soir lors du zoom, et c'est bien formulé, 'hazak.

Citation:
Je vous soumets un paramètre qui, me semble-t-il, participe à ce phénomène.
La forte mortalité des temps anciens. Les gens mourraient à tout âge de maladie, les femmes souvent à l'accouchement, les guerres, pogroms, etc. Pour résister à ces épreuves, les gens développaient une acceptation du malheur, interprété comme une gézéra divine. Divorcer après 10 ans de stérilité en faisait partie.


Oui, vous avez raison, c’est un paramètre dont il faut aussi tenir compte, qui -d’une part s’ajoute à celui dont je parlais et d’autre part le renforce aussi, car même des mentalités promptes à s’attacher sentimentalement de manière plus conséquente, se sentaient refrénées par la réalité de l’époque qui ne permettait pas d’espérer une longue vie.

J’ai déjà parlé de ce phénomène plusieurs fois dans mes cours, il est aussi possible que je l’aie utilisé pour justifier le divorce après dix ans, je ne sais plus.
Je parlais déjà de ce Avnei Nezer dans un cours sur la polygamie qui date de 2012 (voir ici : https://www.centre-alef.fr/la-polygamie/ ) et j’expliquais à cette occasion la « facilité » qu’avaient les gens à divorcer, comme on peut le voir entre les lignes du Talmud.

Citation:
Il suffit de lire le journal de Glückel von Hameln, qui a vécu il y a près de 370 ans. Elle perd son mari, qu'elle aime, des enfants qu'elle aime, et accepte ces malheurs comme nous ne saurions pas le faire.


Oui, c’est vrai, elle écrit même (version française, Paris 1971, p.37) « la peste a éclaté, et mon grand-père et quelques-uns de ses enfants en sont morts », sans en indiquer le nombre.
Elle écrit aussi (p.20) « si…vous perdez des enfants ou des amis, ne vous désolez pas sans fin, car ce n’est pas vous qui les avez créés ».

Perdre des enfants était monnaie courante, même si elle écrit aussi (p.23) « Rien n’est pire que d’avoir à pleurer ses enfants » et « Rien n’est pire que de mourir sans descendance ».

Nous voyons aussi qu’au décès de son mari, elle écrit (p.99) « avec sa mort, j’ai perdu ma richesse et mon honneur ».
Elle parle d’honneur et non de bonheur

Ce qui la pousse à dire : « je vais le pleurer et porter son deuil tous les jours de ma vie ».
Elle se remariera pourtant plus loin (cf. p.213 et 229) et même avant cela, ses hésitations étaient par rapport à ses enfants et non à son défunt mari, comme elle l’écrit (p.197).

Puisque vous citez ce livre, je souligne encore un point lié à la Halakha qui nous préoccupe : elle parle (p.47) d’un couple qui n’a pas eu d’enfants pendant 17 ans et qui a finalement eu une fille. Ils n'ont donc pas divorcé...

Citation:
Montaigne a écrit “J'ai perdu deux ou trois enfants en nourrice, non sans regrets, mais sans fâcherie” (Essais II, 8). Qui pourrait dire ça aujourd'hui?


En effet, et là encore, il parle de « deux ou trois enfants », ce qui parait incroyable de nos jours, comment être aussi imprécis sur un sujet si douloureux ?
On dirait qu’il ne se souvenait plus s’il avait perdu deux ou trois enfants, ce n’est techniquement pas possible pour un père affecté par la perte de ses enfants.

Nous retrouvons un phénomène similaire chez tous les auteurs d’autobiographies de ces siècles ou la mortalité infantile était très élevée.
Le Yaabets raconte dans Meguilat Sefer, tout au long du livre, d’un air assez détaché, chaque décès de ses enfants (de mémoire, en tout, il a perdu 10 enfants de son vivant !).
Lorsqu’il parle aussi du décès de sa première épouse, puis de la seconde, même s’il en est peiné, on ne peut pas dire que son monde s’écroule.

Citation:
Bref, les malheurs étaient monnaie courante, les gens l'acceptaient. Le divorce après 10 ans de stérilité en faisait partie. Aujourd'hui, nous sommes brisés par des choses beaucoup moins graves.


Je me dis depuis longtemps que les souffrances endurées par les juifs durant la Shoah auraient tué beaucoup plus de monde de nos jours, tant nous sommes brisés moralement par de « petits » soucis.

Le fait de rencontrer « moins souvent » la mort et la famine -tout en étant une excellente chose B’’H, affaiblit notre résistance psychologique face à l’adversité.

Pareil pour le confort dans lequel nous vivons ; avoir l’eau courante, de l’eau chaude pour se laver, un réfrigérateur, etc. améliore considérablement notre vie, mais nous rend dépendants.

[Ceci, sans entrer dans la « Ma’hloket » entre Rousseau et Mendelssohn sur le jugement du progrès scientifique et la civilisation qui dégraderaient l’homme selon Rousseau.
Cf. son « Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes » (Amsterdam 1755) , et voir les notes de Mendelssohn sur sa traduction allemande de l’essai de Rousseau (Johann Jacob, pour les germanophones) "Bürgers zu Genf Abhandlung von dem Ursprunge der Ungleichheit unter den Menschen, und worauf sie sich gründe" (Berlin 1756).]

Je ne me relis pas par manque de temps, veuillez excuser les fautes...
mortdesidees
Messages: 124
Je n'ai pas écoute votre cours mais de ce que je sais les raisons du Hazon Ich pour ne pas divorcer étaient différentes (je me base, en plus de ce que j'ai entendu sur le livre de Haïm Grade que vous devez certainement connaître). Par ailleurs j'ignore le taux de mortalité infantile en Lithuanie mais au Maghreb le taux était encore très élevé il y a peu (ma propre grand-mère a perdu 2 ou trois enfants par exemple).
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
A Mortdesidees:

Citation:
Je n'ai pas écoute votre cours mais de ce que je sais les raisons du Hazon Ich pour ne pas divorcer étaient différentes


Je ne sais pas si vous parlez du cours dont parle Aralé ou de celui dont je lui parle dans ma réponse, et je ne sais pas ce que vous avez lu au sujet du 'Hazon Ish ni ce que vous avez indirectement compris de moi à ce sujet.

Je ne dis pas qu'il refuse de divorcer parce qu'à son époque on ne divorçait plus aussi facilement, lui voulait divorcer, c'est sa femme qui menaçait de se suicider etc.
Si vous avez lu autre chose, ça m'intéresse, car mes sources sont en principe assez fiables sur ce point. Et si c'est ce que vous aviez lu, sachez que c'est aussi ce que j'ai dit en shiour.

Citation:
(je me base, en plus de ce que j'ai entendu sur le livre de Haïm Grade que vous devez certainement connaître)

Non. למד לשונך לומר איני יודע
Je ne vois pas de quel livre vous parlez.
Grade est un romancier Yiddish, pas un biographe rabbinique, je ne sais pas quel niveau de confiance on peut lui accorder. Mais voyons déjà;
Quel est le titre du livre? (je n'en ai lu aucun)
Qu'écrit-il pour justifier halakhiquement cet écart de la part du 'Hazon Ish ?

Citation:
Par ailleurs j'ignore le taux de mortalité infantile en Lithuanie mais au Maghreb le taux était encore très élevé il y a peu (ma propre grand-mère a perdu 2 ou trois enfants par exemple).

Il l'était aussi, dans le monde entier et la Lituanie n'y échappait pas, mais c'était quand même moins grave qu'au Moyen-Âge.
Il faut surtout comprendre que la mortalité infantile n'est qu'UN élément qui s'additionne à tant d'autres cités. C'est l'ensemble, l'addition de tous ces malheurs, qui ne permettait pas le romantisme qui s'est répandu au XXème siècle et encore plus au XXIème.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
Pour les titres de Grade qui correspondraient, je suis récemment tombé sur des citations de ses écrits au sujet du 'Hazon Ish, c'est donc probablement dans un de ces deux titres:
מלחמת היצר
et
עלעגיא אויפן חז"א

Je n'ai pas vu ces livres et ne peux pas garantir que c'est là-bas que se trouve ce que vous avez lu, surtout que je ne sais pas encore ce que vous avez lu...
J'attends toujours votre réponse et cette information.
Montrer les messages depuis:
Voir le sujet suivant Voir le sujet précédent
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum