Je suis désolé de ne répondre que maintenant, mais des empêchements incontrôlables sont à l'origine de mes retards.
Je présente aussi mes excuses aux autres personnes qui attendent une réponse de ma part. Avec l'aide de D... ça viendra.
Je cite:
Citation:
Cette question s'adresse en particulier à Rav Wattenberg pour faire suite à sa réponse au sujet "TTGV = frustration".
Rav Wattenberg, votre intervention m'a fait penser à une question plus générale que je me pose depuis des années.
J'ai bien entendu vos conseils et n'ai pas voulu mélanger ma question avec celle dont est issue votre réponse, et j'ai donc démarré un nouveau sujet.
Tout d’abord merci d’avoir ouvert un nouveau sujet pour cette nouvelle question.
Je savais bien qu’un jour ou l’autre quelqu’un arriverait (par un effort surhumain) à suivre ce conseil que j’ai maintes fois suggéré.
Ensuite
je vous cite :
Citation:
pourquoi quand certains ont des avis radicalement contraires à la Guémara,…c'est tout à fait accepté… en tout cas on ne brûle pas le Mishna Broura ou le Yabia Omer, juste parce que leurs auteurs prennent des positions innovantes.
De quoi parlez-vous ?
Où avez-vous vu un
Mishna Broura ou un
Yabia Omer qui contredit la
Gmara ? Ou qu’appelez-vous une contradiction ?
En principe les
rabbins Kagan et Yossef ne s’amusent pas à contredire des gmarot, veuillez donc précisez votre pensée.
Une position peut être qualifiée d’innovante sans pour autant contredire un tant soit peu la
gmara.
Auriez-vous quelque exemple duquel nous pourrions débattre ?
Cela éviterait certainement de s’égarer.
Citation:
Certains ont parfois de solides connaissances, et élaborent de vrais raisonnements sur la base de nos textes de référence.
Oui, il est vrai que certains ont parfois une excellente connaissance des textes, néanmoins il ne s’agît pas seulement de savoir traduire et citer les textes , encore faut-il les comprendre convenablement.
Il pourrait arriver qu’une phrase ou qu’un mot puisse se comprendre de deux manières et celui qui a bénéficié d’un
shimoush talmidei ‘ha’hamim saura comment comprendre le texte (ou comment l’adapter à la réalité…) alors que celui qui n’est pas passé par la case
shimoush, même s’il est prompt à citer tout le
Talmud de tête sans se tromper d’une lettre, peut encore se tromper dans le sens général, malgré qu’il soit difficile de le lui faire comprendre.
Je suppose qu’il ne doit pas être très facile non plus de comprendre ce que je viens d’écrire si on ne connait pas bien le concept du
shimoush.
Je vais tenter d’illustrer ça avec des choses que nous comprenons ;
On peut construire un syllogisme à partir de deux données de base (les prémisses) qui mènent à une conclusion stupide de ce genre :
a) Une voiture bon marché est rare.
b) Ce qui est rare est cher.
=> Une voiture bon marché est chère.
Alors je vous demande : pensez-vous sincèrement qu’une voiture bon marché= une voiture chère ?
Comme cette conclusion est insensée, toute personne sensée répondra tout de suite que le raisonnement est erroné car il utilise deux sens du terme « rare », dont la langue française ne permet pas aisément de saisir la nuance.
En hébreu j’aurais distingué les deux « rares » en traduisant le premier par
Nadir et le second par
Yekar ametsiout.
En anglais aussi nous trouvons des subtilités qui se retrouvent toutes traduites en français sous le vocable rare.
La rareté de la voiture bon marché signifie seulement qu’il est peu fréquent de trouver une voiture bon marché.
Alors que la rareté de ce qui est « cher pour être rare » se doit systématiquement d’être accompagnée d’un intérêt à la possession et d’une disponibilité à l’achat.
Le fait que l’objet soit rare ne suffit pas à le rendre « cher » encore faut-il qu’il soit disponible à l’achat (ce qui exclut entre autres le soleil et les gens intelligents) et que l’on ait un intérêt à l’acheter (ce qui exclut entre autres un grain de blé aussi large que long et un coton tige auquel il manque le coton d’un côté).
Dit différemment ça donne :
Si on entend vraiment la même chose par le mot rare dans les deux prémisses, alors la seconde est fausse ; car pas tout ce qui est rare est cher, seul ce qui est « rare ET en vente ET intéressant à acheter » est cher.
(et une voiture bon marché n’est pas « en vente »/ « disponible à l’achat », c-à-d qu’on ne la trouve pas en boutique facilement –à ce prix.)
Bref, ce raisonnement est ridicule et n’importe quel enfant en saisit l’absurdité.
Mais c’est bien parce que ce syllogisme n’utilise que des prémisses qui nous sont accessibles et connues, qu’on en trouve facilement la faille.
Le problème, c’est lorsqu’un raisonnement utilise des données qui ne nous sont pas très familières et que l’on ne cerne pas vraiment.
Là, il devient plus difficile de déceler l’erreur du raisonnement.
C’est ce qui se passe souvent avec certains arguments que nous autres pouvons trouver parfaitement soutenus et implacables, les prémisses semblent indiquer la conclusion, mais celui qui sait (vraiment) de quoi on parle peut saisir l’absurdité du raisonnement et la dénoncer.
Malheureusement, pour en convaincre les novices, c’est une autre paire de manches...
En effet, comment expliquer à celui qui ne connait rien à la vie et qui ne saisit pas tout à fait le sens de l’expression « bon marché » ou du terme « rare », qu’il est impossible qu’une voiture bon marché soit chère, en lui expliquant que malgré que ce soit le même mot (rare et rare) dans les deux propositions, dans la seconde il faut comprendre « rare+en vente+intéressant ».
Notre novice ne pourra s’empêcher de penser que c’est tordre le texte que de vouloir lui faire dire « rare+en vente+intéressant » lorsqu’il est seulement écrit « rare ».
Et pourtant, s’il comprenait un peu ce que veut dire cette phrase absurde (une voiture bon marché est chère) il aurait du mal à comprendre qu’on puisse le penser.
Ainsi, certaines personnes connaissant les textes parfois à la perfection mais seulement « en superficie », sans la compréhension profonde (qui ne s’acquiert que par le
shimoush talmidei ‘ha’hamim) iront émettre des réformes de la loi ou des décisions ala’hiques « innovantes » qui ne tiennent pas compte de la compréhension profonde dont ils ne disposent pas.
Donc il leur sera très difficile de comprendre qu’ils peuvent se tromper, car dans l’étroitesse de leur esprit, le raisonnement se tient parfaitement et l’argument qui vise à dire qu’ici « rare » ne veut pas dire « rare » comme dans l’autre phrase alors que c’est le même mot et les mêmes lettres, leur paraît une absurdité contre laquelle il ne sert à rien d’essayer de se justifier en discutant.
Voilà pourquoi certains « réformés » pourront présenter des thèses qui ont l’air de tenir la route aux yeux des novices et des incultes, alors qu’à l’œil exercé de l’homme avisé, leurs thèses ne valent souvent pas grand-chose et sont parfois ridicules (comme une voiture bon marché qui est chère), même si l’ignorant ne peut en saisir clairement le ridicule.
Pour rendre la situation un peu plus complexe, il se trouve que certains ala’histes ou même rabbins, s’égarent quelques fois dans des considérations ala’hiques à cause de leur trop grande science, et en arrivent à indiquer une ligne de conduite à suivre assez étrange en occultant totalement (ou presque) le côté humain et le bon sens paysan qui lui, n’échappe pas –par définition- au paysan, le Am Aarets.
Ne croyez pas qu’avaler des livres en grande quantité est sans éventuels dommages collatéraux, ceux qui connaissent beaucoup de textes de Thora auront souvent une tendance à se laisser aller, ou même se laisser glisser, dans un monde parallèle au monde réel, un monde intellectuel qui ne peut pas toujours habituer l’homme à certaines réalités de la vie qui dépendent des sens.
Ce n’est pas seulement en Thora que ce « danger » existe, des savants de toutes les branches de la science peuvent en arriver là, c’est ce qu’on appelle le
savant fou.
Il n’est pas nécessairement fou, mais juste un peu trop détaché de la réalité, farfelu, bizarre, loufoque, étourdi, étrange, car noyé dans ses livres.
Vous constaterez facilement que les rabbins qui ne connaissent pas grand-chose en Talmud sont souvent des personnes sympathiques avec lesquelles on a facilité à discuter de toutes les choses de la vie.
Alors que le rabbin érudit est souvent dans un monde un peu à part, on a du mal à le cerner, on n’est pas facilement à l’aise pour s’entretenir avec lui de tous les sujets.
C’est tout un travail pour l’érudit que de maintenir une compréhension terre à terre des choses de la vie en parallèle de ses connaissances afin d’en tirer pleinement parti, pas tout savant y arrive aisément.
(NB : je ne vous parle pas ici des pseudo-intellectuels qui se spécialisent dans le brassage d’idées vides par des mots savants et des phrases inintelligibles pour qui essaie de les traduire, ceux-là sont atteints d’un tout autre mal, souvent incurable.)
C’est à mon sens le message du
Talmud dans
Sota (44a) lorsque
Rabbi Eliezer fils de Rabbi Yossi Aglili semble imposer d’allier les maassim tovim aux connaissances talmudiques afin de pouvoir arriver au niveau suprême qu’il nomme «
drosh vekabel sa’har », la compréhension de la
philosophie de la Thora.
Se prémunir de tous les textes n’est pas suffisant, encore faut-il être « sur terre », lié au peuple par les maassim tovim.
Alors il sera possible (à celui qui domine les textes) de sonder réellement la volonté de D… à travers Ses mitsvot et d’en tirer les justes Ashkafot.
Donc, oui il existe quelques rabbins qui s’égarent parfois, cependant nous avons aussi, barou’h Ashem, des rabbins lucides qui arrivent à garder un rapport avec la réalité malgré leur grande science, et c’est grâce à eux que nous avons maintenu un judaïsme plus ou moins fidèle à celui d’origine depuis les derniers siècles où la
Askala et la Réforme ont commencé à proposer des innovations qui ne tenaient pas compte de « compréhension profonde » dont nous parlions plus haut.
Ceci ne signifie pas –comme certains se plaisent à l’imaginer- que le Am Aarets est donc « supérieur » au Talmid ‘Ha’ham pour avoir un bon sens inné. Car l’ignorant de Thora aussi peut pervertir son « bon sens » par son manque de volonté et de persévérance à se parfaire.
Constatez -par l’analyse de l’Histoire- vers quels délires profondément dangereux le « peuple » peut se diriger pour peu qu’un orateur talentueux sache l’inciter à commettre des crimes.
Nos ancêtres en ont souvent souffert, lors des croisades, de la seconde guerre mondiale et autres.
Après tout ceci, je tiens tout de même à réagir lorsque vous écrivez :
Citation:
j'imagine qu'il y a un monde entre Mendelsohn et un Possek orthodoxe
Je tiens à préciser que
Mendelssohn n’est pas le meilleur exemple.
S’il est considéré comme le père de la Askala (Aufklärung), c’est parce qu’il en est l’instigateur le plus connu.
Mais à la différence de nombre de ses élèves,
Moses Mendelssohn n’était pas « mal intentionné ».
C’était un érudit, élève de sommités rabbiniques indiscutables comme le
Korban Aéda (Rabbi David Fraenkel) et le
Yaabets auquel il vouait une très grande admiration accompagnée d’une totale soumission au niveau du psak ala’ha.
Son programme d’étude condamné par tant d’autres rabanim de l’époque, n’est franchement pas très loin de celui de nos écoles religieuses françaises d’aujourd’hui.
C’est-à-dire qu’il n’était pas incompatible avec
la Thora mais avec
la génération.
Une sortie de ghetto trop brutale ne pouvait qu’être dangereuse et risquait d’éloigner les jeunes de la Thora, c’est d’ailleurs ce qui s’est passé !
Les enfants et petits-enfants de
Mendelssohn se sont soit convertis soit mariés à des non juives (voire les deux).
Ainsi le célèbre compositeur
Félix Bartholdy Mendelssohn, son petit-fils, n’avait plus grand-chose de juif, étant hybride, il ignorait le
Talmud, probablement l’hébreu et les hébreux. Mais pas les
Hébrides !
Il ne devait pas savoir grand-chose du judaïsme (à moins qu’il n’en ait rêvé ou
songé une nuit d’été) et vivait comme un non juif.
Mais
Moses lui-même (=son grand père) n’a jamais accepté de se convertir malgré l’insistance de ses amis (
Lavater et autres) et tous les avantages que cela pouvait représenter à cette époque.
Au contraire, il était intransigeant sur le moindre din miderabanan et était prêt à renoncer à toute forme d’émancipation, d’intégration et de naturalisation s’il fallait pour cela renier ou abandonner la plus petite parcelle de ala’ha.
Il est généralement présenté comme un anti-Thora mais c’est affreusement faux (C’est par contre vrai pour quelques-uns de ses élèves dont
Herz Homberg -certainement en tête).
S’il est vrai que de nombreux rabanim l’ont jugé fort négativement
[sur ce point, l’ambiguïté de la position du ‘Hatam Sofer –qui lui donnait le tire de rabbi Moshé Dessauer- a fait couler beaucoup d’encre. Notamment pour ce qu’il en écrit dans son testament ou il existe deux versions sur une phrase où la différence d’une lettre changera le sens;
בספרי רמ"ד אל תשלחו יד --- בספרי חמד אל תשלחו יד],
c’est –je pense- par méconnaissance ou dans un but d’éloigner le peuple de ses enseignements qui étaient réellement dangereux pour sa génération.
Cependant certains rabanim le considéraient favorablement en soulignant que sa tsidkout ne l’avait pas empêché d’entrainer des catastrophes qu’il n’aurait jamais souhaitées.
En bref, ce n’était pas un réformé.
Les réformés qui se réclament de Mendelssohn feraient bien de lire ses ouvrages avant de s’identifier à cet homme.
Son respect de la ala’ha et des coutumes juives était incorruptible, pour s’en convaincre il suffirait de lire ce qu’il écrit dans la deuxième partie de
Jérusalem (dans la traduction française de
Bourel -1982- voyez par exemple les
pages 180-181 et page 183).
Je ne connais pas d’innovations ala’hiques décidées par
Mendelssohn sans qu’il n’ait obtenu l’accord de ses maîtres.
Lorsqu’il proposa de permettre ala’hiquement le report de l’enterrement de 72 heures comme ce que la loi civile l’imposait, il demanda l’avis de son rav le
Yaabets, sans omettre de préciser dans sa lettre qu’il se plierait de toute façon à la réponse de son maître.
Ce dernier le lui refusa (sur argumentation, bien entendu) et
Mendelssohn se plia à la pensée de son maître qu’il savait pétri de
shimoush talmidei ‘ha’hamim.
Certains orthodoxes lui reprochent de manquer d’intégrité, selon moi ils se trompent.
D’autres ont mené la guerre à cet homme à cause du danger qu’il représentait, l’Histoire a prouvé qu’ils avaient raison de voir un danger pour le judaïsme dans les propositions et les ashkafot de
Mendelssohn.
Les deux tiers de ses propres enfants ont abandonné le judaïsme et se sont convertis (4 sur 6 je crois). Malgré qu'il fût profondément religieux et que sa femme
Frumette l'était aussi (comme son nom l'indique!).
Je ne sais pas s’il a un seul descendant juif aujourd’hui
(car il y a eu d'autres conversions chez les petits-enfants, et des mariages mixtes à profusion), et si oui, ce descendant lui-même ne doit pas savoir qu’il est juif.
En tout cas la grande majorité (et probablement la totalité ?) de ses descendants est très très loin de l’idéal que leur ancêtre espérait.
Les « laïcs » aussi ont trouvé à reprocher certaines choses à
Mendelssohn comme
Elazar Shulman (voir
Mimekor Israel I, 36) et
Peretz Smolenskin pour son manque de sionisme et autres « crimes » inventés (voir
Atoé bedarkei a’haim IV, 12).
Et j'en passe...
C'est souvent ce qui arrive aux personnes brillantes qui veulent bousculer ce qui est bien en place.
Citation:
La plupart du temps, même en demandant à des gens sérieux et de bonne foi (!), les arguments avancés sont souvent caricaturaux et ne répondent pas vraiment à la question, se contentant d'un plaidoyer pro domo caricaturant la position de l'autre....
Bon, hé bien j'espère que ma réponse vous conviendra.
Par contre je vous demande pardon pour les éventuelles fautes de frappe ou d'orthographe, mais je n'ai pas la force de me relire et il est déjà un peu tard.