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Yechivot de Volozhin et du Hatam Sofer

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aralé
Messages: 150
Kvod Harav Wattenberg

Il semble que la Yéchiva de Volozhin et celle du Hatam Sofer sont contemporaines. Quelles différences y a-t-il entre elles ?

Celle de Volozhin est surnommée "mère des yéchivot lituaniennes". Elle a des successeurs. Et celle du Hatam Sofer ?

Kol Tov.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6882
Citation:
Il semble que la Yéchiva de Volozhin et celle du Hatam Sofer sont contemporaines. Quelles différences y a-t-il entre elles ?
Celle de Volozhin est surnommée "mère des yéchivot lituaniennes". Elle a des successeurs. Et celle du Hatam Sofer ?


La particularité de la Yeshiva de Volozhyn, ce qui la distingue de toutes les autres Yeshivot qui existaient déjà avant, c’est que les élèves y étaient en pension complète.
La Yeshiva fournissait le gîte et le couvert.
Alors que les précédentes Yeshivot, ou celle du ‘Hatam Sofer et de centaines d’autres Rabanim, étaient en fait des Batei Midrash dirigés par les rabbins des communautés/villes et les élèves étaient nourris et logés chez des particuliers.
Les fils de familles riches pouvaient payer pour être nourris et logés chez des particuliers, les moins fortunés obtenaient ce service soit en contrepartie de cours particuliers qu’ils donnaient aux enfants de leurs hôtes, soit gracieusement afin de soutenir leur étude [voir à ce propos la lettre du ‘Hatam Sofer datée du 23 mai 1826 (§9), imprimée dans Otsar Ne’hmad (Greenwald) (p.75)].

Les grandes Kehilot étaient fières d’entretenir ainsi tant ou tant de Ba’hourim étudiant à la Yeshiva locale. Un riche Baal Habayit ayant une grande maison, pouvait héberger et nourrir quatre ou cinq élèves, les moins fortunés en entretenaient parfois tout de même un, soit en contrepartie de cours particuliers à leurs enfants, soit à titre gracieux.

La nouveauté de la Yeshiva de Volozhyn consistait en cela que les élèves soient entretenus par la Yeshiva, elle-même subventionnée par des donateurs.

Au lieu d’accueillir les élèves chez eux à la maison, les Baalei Batim donnaient de l’argent à la yeshiva qui hébergeait et nourrissait les élèves. Un des avantages de ce système, c’est que la Yeshiva n’est plus limitée aux ressources locales ni dépendante de l’enthousiasme des Baalei Batim locaux.

Elle peut récolter des fonds dans d’autres villes et s’agrandir en fonction de l’attractivité du Rosh Yeshiva.

Aujourd’hui, toutes les Yeshivot (classiques) reprennent ce format, alors que l’ancien système a été abandonné.

Il y avait tout de même des aspects positifs dans l'ancienne organisation et que nous avons plus ou moins perdu de nos jours avec les Yeshivot modernes, les grandes yeshivot, comportant de très nombreux élèves, ne permettent plus le même lien avec le Rav (sauf Rav exceptionnel).
Il y avait aussi de très grandes Yeshivot avant celle de Volozhyn mais c'était beaucoup moins fréquent.

Puisque vous parliez de celle du 'Hatam Sofer, elle en faisait justement partie, il y avait des centaines d'élèves dans sa yeshiva. C’était la plus grande de son époque.

Voyez dans le Igrot Sofrim (II, §77) une liste de plus de 100 élèves.
Voir aussi Minhaguei Baal Ha'hatam Sofer (§1, note 15 -Erloy 1950, p.3) et dans ‘Hout Hameshoulash (Jér.2000, p.92) où il est question de "centaines d'élèves". Idem dans le Toldot ‘Hatam Sofer (Feigelstock -N.Y. 1953, daf 28a).

Le ‘Hatam Sofer lui-même écrit dans son Sefer Zikaron (Jérusalem 1952-1964, p.50) qu’il y avait parfois dans sa Yeshiva jusqu’à 150 élèves. Mais c’était en 1809, deux ou trois ans seulement après son arrivée à Pressburg.
En 1821, il écrit (‘Hout Hameshoulash -Jér.2000, p.89) dans sa lettre à la communauté de Fürth, que sa Yeshiva comporte 250 élèves. Toutefois, il semble que le manuscrit d’origine indique 150 (et non 250), voir Hayeshiva Harama BeFürth (Bnei Brak 2010, III, p.21) où figure la photocopie de cette lettre et il ne fait pas vraiment de doute que le ‘Hatam Sofer a écrit ק"ן (et non ר"ן comme retranscrit dans le ‘Hout Hameshoulash par erreur). Ce qui signifie qu’apparemment sa Yeshiva comportait 150 élèves durant les années 1809-1821.

Quelques années plus tard, après son décès, son fils, le Mikhtav Sofer, témoigne (Avnei Beit Hayotser -Paks 1900, daf 52b) que la Yeshiva de son père comptait 300 élèves.

Un élève du ‘Hatam Sofer (R. Feivel Plaut) parle, lui, de « plus de 200 élèves » (Likoutei ‘Hever ben ‘Haïm II, hakdama).

Et dans Ha'hatam Sofer Vetalmidav (Weingarten -Jérusalem 1945, p.68) il est dit qu'aux moments les plus "pleins" sa Yeshiva comptait 400 élèves!

Sa yeshiva était unanimement la plus grande de son époque (Rabbbi Akiva Eiger ‘Hayav Oupeoulato, Wreschner -Bnei Brak 2018, note 298, p.245) (‘Hout Hameshoulash daf 28a, -Jér.2000, p.91) (Toyzent Yuhr Yiddishe Leben in Ungarn, Columbus Ohio 1945, p.80), mais les conditions matérielles des élèves étaient assez exécrables (la communauté ne pouvant pas soutenir tant d’élèves).
Le ‘Hatam Sofer s’en plaint dans une lettre (‘Hout Hameshoulash -Jér.2000, p.89) et considère la proposition de rabbinat à Fürth s’ils peuvent subvenir aux besoins de ses élèves.
Cette communauté était célèbre pour avoir abrité au XVIIIème siècle la Yeshiva du Zikhron Yossef (Steinhart) qui comptait parfois jusqu’à 600 élèves ! (Finalement, la communauté de Pressburg veillera à garder son Rav.)

Dans la rubrique nécrologique sur le ‘Hatam Sofer, parue dans le journal hebdomadaire Israelitisch Annalen (17 octobre 1839, p.334), il est écrit qu’il y avait toujours au moins 300 élèves dans sa yeshiva et qu’il y a actuellement en vie plus d’un millier de Rabanim issus de sa Yeshiva (« hielt er ununterbrochen eine Jeschibah, die nie weniger als 300 Mitglieder zählte und mehr als tausend größtenteils noch lebender Oberund unterrabbiner sind aus seiner Schule »).

Il m’apparait évident que Rav Yekoutiel Yehouda Greenwald a lu cet article car il reproduit les mêmes informations dans son livre « Toyzent Yuhr Yiddishe Leben in Ungarn» טויזנט יאר אידיש לעבן אין אונגארן (Mille ans de vie juive en Hongrie) (Columbus Ohio 1945, p.80) où il écrit que des milliers d’étudiants et de Guéonim sont issus de sa Yeshiva qui n’a jamais comporté moins de 300 élèves, et souvent 400 ou 500. (Cette dernière précision est un ajout qui n’apparaissait pas dans les Israelitisch Annalen). (די צאל תלמידים איז קיינמאל ניט געווען קלענער פון 300, אבער א סאך מאל פיר און פינפט הונדערט)

Voir encore Ha’hatam Sofer (Katz) (Jér. 1960-2009, p.18).
Voir aussi Zikhronot Oumassorot (Bnei Brak 2014 p.63-64 note 41) qui rapporte plusieurs sources pointant le nombre d’élèves de la Yeshiva du ‘Hatam Sofer, plusieurs de celles que j’ai rapportées ici (mais pas toutes), mais aussi d’autres que je ne connaissais pas (et que je ne reproduis pas ici), et il estime qu’il y a beaucoup d’exagérations dans ces chiffres fantaisistes car si son fils écrit, après le décès du père, que la Yeshiva de son père comportait jusqu’à 300 élèves, il est peu probable qu’elle ait réellement dépassé ce nombre.
Il souligne aussi que son épitaphe indique, qu’à sa mort, 300 élèves de sa yeshiva l’ont accompagné vers sa dernière demeure.
(J’ai vu la photo de sa pierre tombale et le texte n’indique pas cela, il mentionne seulement qu’il a formé des centaines et des milliers d’élèves : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/he/b/b1/%D7%A6%D7%99%D7%95%D7%A0%D7%95_%D7%A9%D7%9C_%D7%94%D7%97%D7%AA%D7%9D_%D7%A1%D7%95%D7%A4%D7%A8.jpg )

De nos jours, les Yeshivot en Israël ont très fréquemment 300 élèves et même beaucoup plus, mais il est rare que ces très grandes Yeshivot permettent un véritable lien entre le Rosh Yeshiva et chaque élève.
Seule une poignée d’élèves qui fait l’effort de se faire remarquer par le Rav arrive à créer un lien, les plus timides restent souvent en marge.
Ce n’est pas idéal.
Comme la mentalité lituanienne est de favoriser l’élite sans trop se soucier des autres, peu s’insurgent contre le manque de lien entre les rabanim et les élèves, les bons et prometteurs sauront, s’ils en éprouvent le besoin, créer ce lien.

Je ne sais pas si c’est toujours le cas, ça l’était encore il y a un peu plus de trente ans, mais à la Yeshiva de Rav Its’hak Hutner (Yeshivas « Reb Chaim Berlin » de Flatbush), la règle était qu’il n’y avait pas de repas servis par la Yeshiva le shabbat afin que les élèves se fassent systématiquement inviter parmi les Baalei Batim de la communauté (et apprennent à vivre en bon juifs à leur contact).
Rav Hutner voyait une valeur éducative à ce système d’invitations, sa Yeshiva était donc un peu entre le système classique (Volozhyn) et l’ancien.

Les autres Rabanim considéraient que la Yeshiva est comme un bateau duquel on ne peut pas sortir durant le voyage (le Zman), on y prie, on y mange, on y dort, on y étudie mais on n’en sort pas, ni le shabbat, ni la semaine.
aralé
Messages: 150
Kvod Harav Wattenberg,

Merci pour vos explications.

Je pensais que la différence résidait entre yéchivot qui mettaient l'accent sur l'étude pour l'étude et celles qui mettaient l'accent sur la halaha. Est-ce le cas aujourd'hui ?

Dans votre tableau détaillé des yéchivot comment situer les yéchivot babyloniennes ?

Merci de nous faire partager vos connaissances encyclopédiques.
modo
Messages: 112
Lorsque vous parlez de valeur éducative pour Rav Hutner, il s'agit d'apprendre aux élèves à se faire inviter, ou bien aux Baalei Batim d'inviter les Bahourims ?
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6882
A Modo :

Citation:
Lorsque vous parlez de valeur éducative pour Rav Hutner, il s'agit d'apprendre aux élèves à se faire inviter, ou bien aux Baalei Batim d'inviter les Bahourims ?

Ni l’un ni l’autre (mais c’est plus proche de la réponse A).
Relisez-moi, je l’écrivais être parenthèses : « afin que les élèves se fassent systématiquement inviter parmi les Baalei Batim de la communauté (et apprennent à vivre en bon juifs à leur contact). »

L’idée est que les jeunes voient comment vivent des Baalei Batim investis dans le Limoud, qui ne se laissent pas happer par le travail et le monde ‘hol.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6882
A Aralé :

Citation:
Merci pour vos explications.
Je pensais que la différence résidait entre yéchivot qui mettaient l'accent sur l'étude pour l'étude et celles qui mettaient l'accent sur la halaha. Est-ce le cas aujourd'hui ?
Dans votre tableau détaillé des yéchivot comment situer les yéchivot babyloniennes ?
Merci de nous faire partager vos connaissances encyclopédiques.

Il y avait aussi, assurément, des différences de Derekh Limoud entre toutes les yeshivot, pour la simple raison que ça dépend de l’enseignant.
Même au sein de la Yeshiva de Volozhyn elle-même il y avait des divergences conséquentes entre les Rabanim enseignants, les cours n’étaient pas semblables, l’enseignement de ces rabanim se différenciait clairement.
L’un étant très porté sur l’approfondissement minutieux, quand l’autre aspirant à brasser et (faire) acquérir un maximum de connaissances talmudiques.

La Yeshiva du ‘Hatam Sofer, s’il fallait la rapprocher de l’un de ces deux styles, c’est plus comme le Netsiv qui cherchait à faire acquérir plus de connaissances.

En réalité, celle du ‘Hatam Sofer était plus dans le style yeshiva de Roumanie-Hongrie, alors que Volozhyn était plus dans le style Lituanie.

Les yeshivot polonaises aussi étaient différentes en cela qu’elles étaient plus tournées vers la Halakha que les yeshivot de Lituanie.

Quant aux yeshivot babyloniennes, ça n’est pas comparable, ça remonte à une époque où il n’y avait pas de commentaires des Rishonim, les juifs habitaient encore « sur place », sur les lieux de la rédaction du Talmud, rédigé dans leur langue. Ils avaient donc encore beaucoup de traditions orales et n’avaient quasiment pas de travail de déchiffrage ni d’interprétation du texte.

Mêmes les yeshivot plus tardives de l’époque des Rishonim ne sont pas comparables aux yeshivot des deux derniers siècles, c’est autre chose.

Ce que l’on appelle, depuis une quarantaine d’années, « l’étude de la Halakha », comme dans tous ces kollelim qui sont axés sur la « halakha », ne pouvait pas se pratiquer à l’époque des Gueonim ni à celle des Rishonim, c’est un phénomène plus récent, inspiré d’un style d’étude pourtant ancien, ça a été revu dans un nouveau mode, selon une nouvelle formule, incluant les décisionnaires récents et leurs visions halakhiques.

L’étude en mode « Tour - Beit Yossef » existait depuis longtemps, chez les Sfaradim mais pas que: le Yaabets aussi enseignait le Tour - Beit Yossef (ce qui l’a amené à la rédaction de son Mor Ouktsia).
Mais de nos jours, la tendance est différente, elle inclut plus de A’haronim et surtout, elle ne remet plus en question le Beit Yossef mais l’accepte comme une "Gzeirat Hakatouv".
Alors que les Anciens s’y intéressaient dans le cadre d’une étude critique où tout était ramené au Shas qui, seul, détient le statut de « législateur imposé ».
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