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Faux Kivrei Tsadikim ?

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OAPerez
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Chalom Rav.

J'ai entendu qu'il y a certaines tombes de figures importantes du Judaïsme qui ne sont pas forcément authentiques.
C'est-à-dire qu'il y a des tombes, comme celles de Chmouël Hanavi, de David Hamélekh, de Rabbi Chim'on bar Yo'hay, du Rambam (etc. ?), sur lesquelles j'ai entendu dire que ce n'est peut-être pas leurs vraies tombes respectives, et qu'il s'agit en fait de tombes de paysans ou de bédouins inconnu (par exemple).

Sans parler de la tombe de Rachi dont on ne sais même pas où elle se trouve, ou encore celle d'un autre Rav dont on dit de lui qu'il a deux tombes (je ne sais plus s'il s'agit du Ben Ich 'Hay ou de Rabbi 'Ezra 'Attia ou d'un autre Rav).


Et puis, j'ai également appris (mais je ne sais pas si c'est vrai) que la coutume de faire des tombes avec des pierres tombale à commencé à se répandre - dans le Peuple Juif, mais aussi chez les Non-juifs - que très tardivement dans l'Histoire (peut-être vers le XVe siècle).

Sachant de plus que le Talmud de Jérusalem nous enseigne (Chékalim, chap. 2, Halakha 5) :
רבן שמעון בן גמליאל אומר אין עושין נפשות לצדיקים דבריהם הן הן זכרונן

Ceci renforce la question, car si l'on ne fait pas de tombes (= « Néfachot ») pour les Tsadikim et que la coutume des pierres tombales est très tardive dans l'Histoire, il m'est un peu difficile d'admettre que l'on ait identifié ces tombes de Tsadikim à travers l'Histoire à l'aide de pierres tombales ou de choses du même genre.

Et à partir de là, on peut étendre la question sur d'autre tombes, comme celles du « Tombeau des Rois » par exemple.


D'un autre côté, j'ai appris que la tombe de Rabbi Chim'on bar Yo'hay, on sait que c'est vraiment sa tombe car on a une tradition qui nous l'atteste, et que c'est le cas aussi de la tombe du Rambam …


Ma question est : est-ce vrai que certaines tombes de Tsadikim (comme celles que j'ai citées) ne sont pas véritablement celles de ces Tsadikim en question, et que ce sont des individus inconnus qui y seraient enterrés ?


Merci d'avance.
Kol Touv.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
Citation:
J'ai entendu qu'il y a certaines tombes de figures importantes du Judaïsme qui ne sont pas forcément authentiques.
C'est-à-dire qu'il y a des tombes, comme celles de Chmouël Hanavi, de David Hamélekh, de Rabbi Chim'on bar Yo'hay, du Rambam (etc. ?), sur lesquelles j'ai entendu dire que ce n'est peut-être pas leurs vraies tombes respectives, et qu'il s'agit en fait de tombes de paysans ou de bédouins inconnu (par exemple).
Sans parler de la tombe de Rachi dont on ne sais même pas où elle se trouve, ou encore celle d'un autre Rav dont on dit de lui qu'il a deux tombes (je ne sais plus s'il s'agit du Ben Ich 'Hay ou de Rabbi 'Ezra 'Attia ou d'un autre Rav).
Et puis, j'ai également appris (mais je ne sais pas si c'est vrai) que la coutume de faire des tombes avec des pierres tombale à commencé à se répandre - dans le Peuple Juif, mais aussi chez les Non-juifs - que très tardivement dans l'Histoire (peut-être vers le XVe siècle).
Sachant de plus que le Talmud de Jérusalem nous enseigne (Chékalim, chap. 2, Halakha 5) :
רבן שמעון בן גמליאל אומר אין עושין נפשות לצדיקים דבריהם הן הן זכרונן
Ceci renforce la question, car si l'on ne fait pas de tombes (= « Néfachot ») pour les Tsadikim et que la coutume des pierres tombales est très tardive dans l'Histoire, il m'est un peu difficile d'admettre que l'on ait identifié ces tombes de Tsadikim à travers l'Histoire à l'aide de pierres tombales ou de choses du même genre.
Et à partir de là, on peut étendre la question sur d'autre tombes, comme celles du « Tombeau des Rois » par exemple.
D'un autre côté, j'ai appris que la tombe de Rabbi Chim'on bar Yo'hay, on sait que c'est vraiment sa tombe car on a une tradition qui nous l'atteste, et que c'est le cas aussi de la tombe du Rambam …



Vous soulignez (Shkalim II, 5) « אין עושין נפשות לצדיקים. דבריהן הן זכרונן ».
(~On ne construit pas de Nefesh (mausolée/tombeau/…) sur la tombe d’un Tsadik pour se souvenir de lui, car ses paroles nous le rappellent déjà.)

Le Rambam (Avel IV, 4) écrit lui aussi :
ומציינין את כל בית הקברות ובונין נפש על הקבר. והצדיקים אין בונים להם נפש על קברותיהם שדבריהם הם זכרונם. ולא יפנה אדם לבקר הקברות
C-à-d que l’on construit un Nefesh pour un homme simple, mais pas pour un Tsadik, car ses paroles sont son souvenir. Et un homme ne doit pas aller visiter le cimetière.

La fin ( un homme ne doit pas aller visiter le cimetière ולא יפנה אדם לבקר הקברות) laisse entendre que le Rambam n’était pas marocain.

Le Rivash (§421) en parle et rejette plusieurs interprétations de cette dernière phrase du Rambam, pour retenir celle-ci :
כלומר שאין להביט אל בית הקברות ולבנין שעל קבריהם כי אם למעשיהם
(~Il ne faut pas aller voir le cimetière et y regarder les constructions mortuaires, ce qu’il faut regarder ce sont les Mitsvot des Tsadikim.)

Ce qui reste tout de même en décalage avec la coutume de certains Sfaradim qui visitent beaucoup les cimetières pour se « connecter » aux Tsadikim et s’imprégner de leur grandeur.

[Dans le Shas (Taanit 16a) nous trouvons la notion de visite du cimetière en cas de sécheresse, et l’on discute si l’idée est de nous rappeler la mort (pour mieux faire Tshouva), ou alors d’éveiller la compassion des morts pour qu’ils s’associent (de là où ils sont) à nos prières.
La Gmara indique une Nafka Mina (incidence pratique dépendante de l’interprétation que l’on donnera à cette visite) : d’après l’opinion qui y voit un rappel de la mort, il n’est pas nécessaire d’aller au cimetière juif, un cimetière de non-juifs fera aussi l’affaire.

Mais même d’après l’autre opinion qui parle de visiter un cimetière juif, c’est uniquement en cas de sécheresse/danger/grande peur, sans cela, les juifs ne semblaient pas aller au cimetière.

Nous trouvons aussi Kalev qui est allé prier sur la tombe des Avot (Sotah 34b), mais c’était là encore en situation de grande peur (« que je sois sauvé de Atsat Meraglim ») et non une "visite de courtoisie", et dans tous les cas, il semble qu’on allait sur les tombes familiales, celles de nos ancêtres (pas d’un illustre rabbin qui n‘est pas de la famille).

Même Kalev est allé sur le Kever des Avot, ses ancêtres.
Idem dans Taanit (23b) où R. Mani, en situation de souffrance, est allé sur le Kever de son père, toujours ces deux composantes : peur/souffrance/angoisse ET tombes familiales.

Sinon, il y a une autre catégorie de "visite tombale", c’est lorsqu’il faut demander Me’hila à une personne décédée envers qui on aurait fauté, voir Makot (5b), Yoma (87a), et ‘Haguiga (22b), mais c’est autre chose.]


Le ‘Hatam Sofer (Shout Y’’D §338) n’est pas d’accord avec le Rivash et conclut :
דאין לפנות לבקר בבית הקברות כלל משום דרכי האמורי
(~il ne faut pas du tout aller au cimetière car c’est une habitude des peuples idolâtres « Darkhei Haémori ».)

[Cette attitude rigoriste me rappelle ce que m’a rapporté un ami descendant du ‘Hatam Sofer : après son décès, personne n’avait l’habitude d’aller sur le Kever du ‘Hatam Sofer, ni les gens de sa kehila ni les voyageurs de passage.
Cependant, j’ai quelques doutes sur cette information, car son fils dans le Shout Ktav Sofer (Y’’D §178) explique qu’on met une Matseva sur la tombe du Tsadik bien que le Yeroushalmi dise que ce ne soit pas nécessaire, car l’intention de Rashbag dans le Yeroushalmi est de dire que ce n’est pas nécessaire POUR LE TSADIK lui-même, mais nous le faisons pour les vivants, ceux qui voudront venir prier sur la tombe du Tsadik.
Et il écrit qu’il a exprimé cette idée lors de la pose de la Matseva sur le Kever de son père le ‘Hatam Sofer…]

Le fait est que nous construisons quand même des « Nefashot » sur les tombes des Tsadikim, il y a plusieurs explications à cela (à part celle du Ktav Sofer op cit), Rav Wozner (Shevet Halévy III, §162) propose de dire que cette injonction (אין עושין נפשות לצדיקים) concernerait uniquement les tombes des grands Tsadikim qui sont considérés comme vivants même après leur mort, comme ce qu’on nous raconte au sujet de Rabbi dans Ktouvot (103a).
C’est difficile, il faudrait dire que Rashbag (dans Shkalim) ne parlait que de quelques rares cas, sans l’avoir précisé…

Le Torah Tmima (Bereshit XXXV, 20, note 16) propose de dire que l’avis de Rashbag serait une opinion isolée et la Halakha ne l’aurait pas retenue, d’ailleurs, le Shoul’han Aroukh ne mentionne pas cette Halakha.
(Cependant, le Rambam la mentionne…)

Il est clair que le Minhag Haolam semble indiquer que cette Halakha n'est pas retenue, car nous plaçons des Matsevot et même plus sur les Kivrei Tsadikim, et ce depuis bien longtemps.
Mais par la suite, il (le Torah Tmima) repousse cette idée et propose de dire que le problème ne concerne que le fait de mettre une construction sur le kever du Tsadik dans le but de rappeler le Tsadik aux vivants, mais si l’intention est de permettre à ceux qui souhaitent venir y prier de trouver facilement la tombe, c’est autorisé (ça rejoint le Ktav Sofer).

Voilà pourquoi Yaakov a placé une Matseva sur la tombe de Ra’hel, pour en indiquer l’emplacement à ses descendants (comme dit le Midrash).

[Juste avant cela, le Torah Tmima s’étonne à propos de la Gmara Moed Katan (5a) qui cherche une source dans la Torah au Tsiyoun Kvarot, pourquoi ne pas l’apporter de Matsevat Ra’hel ?
Le Si’ha Tmima (p.11), dans sa colère
(il en voulait personnellement au Torah Tmima), se moque du Torah Tmima en indiquant qu’il n’y a aucun rapport entre les deux…]

Concernant la Matseva sur le Kever Ra’hel, le Igrot Moshé (Y’’D IV, §57, 1) écrit que c’était assurément « al pi hadibour », sur ordre divin, que Yaakov a placé une Matseva. Il ne l’aurait pas fait de lui-même.
Voir encore le Shout Dovev Meisharim (I, §19) et Divrei Yatsiv (Y’’D §227).

Quoi qu’il en soit, l’étonnement des Mefarshim sur notre habitude de placer une Matseva même sur les tombes des Tsadikim a apporté diverses réponses et explications justifiant notre Minhag.

D’aucuns (Igrot Moshé Y’’D III, §154, 3) l’expliquent en disant que nous n’aurions pas, de nos jours ainsi que dans les derniers siècles, le statut de Talmid ‘Hakham par rapport à ce point du moins.

Certains (j’ai lu ça au nom du Sidrei Taharot sur Ohalot) disent que l’interdit n’est qu’en Erets Israel mais en ‘houl c’est Moutar (reste que nous avons des tas de Matsevot en erets Israel aussi…).

D’autres (dont le Igrot Moshé Y’’D IV § 57,5) disent que Rashbag ne vient pas interdire mais seulement souligner que ce n’est pas obligatoire pour un Tsadik (voir aussi Igrot Moshé Y’’D III, §154, 3) [c’est ce que l’on comprend aussi des mots du Méiri (Shkalim II, 5 -éd. Zikhron Yaakov 1977, p.456) (que le Igrot Moshé ne cite pas à l’appui, il n’a pas dû le voir) הצדיקים המפורסמים והחכמים המובהקים אין צרך לבנות נפש על קבריהם
Il dit qu’il n’est pas nécessaire de leur construire un Nefesh, mais pas que ce soit interdit].

Il y a encore d’autres réponses [Cf. Shout Min’hat Elazar (III, §37)]. Mais en ce qui me concerne, il me semble que l’explication est très simple et tout autre.
Lorsqu’on voit une telle bizarrerie, il ne faut pas se contenter d’analyser une phrase extraite de son contexte, il fait relire le sujet dans le Yeroushalmi, il faut se remettre dans le contexte de Massekhet Shkalim : La mishna dit que si un pauvre est décédé et qu’on n’a pas de quoi l’enterrer, on sollicite les gens de la ville pour de la Tsedaka.
S’il reste de l’argent après avoir payé l’enterrement, que fait-on de cette somme ? Pour Tana Kama elle revient aux héritiers, selon Rabbi Nathan on ne la donne pas aux héritiers puisqu’elle a été récoltée pour le mort -pas pour eux, donc on construira un Nefesh (un mausolée ou une construction en l’honneur du mort). Et Rabbi Méir hésitait entre ces opinions et disait qu’on garde la somme de côté jusqu’à ce que vienne Eliahou nous en indiquer la destination. ça c'est la Mishna.
Puis, dans la Gmara, on rapporte une Brayta à propos des dires de Rabbi Nathan (qui préconise de construire un Nefesh), en citant Rashbag qui disait qu’on ne construit pas de Nefesh pour les Tsadikim etc.

Nous voyons donc qu’il ne s’agit pas d’un simple conseil, ni d’un interdit concernant la construction elle-même, mais d’un interdit LORSQUE la somme provient de la Tsedaka.
C-à-d que si l’on a ramassé de l’argent de Tsedaka pour enterrer un mort et qu’il reste une somme, Rabbi Nathan dit d’en faire un Nefesh et Rashbag dit que si c’est un Tsadik on ne construira pas de Nefesh sur sa tombe, car c’est superflu (puisque son Kavod et sa renommée persisteront grâce à ses actions et enseignements) et, dès lors, on ne peut pas utiliser l’argent de la Tsedaka pour cela !

Il en résulte que lorsque les frais de Matseva/Nefesh ne proviennent pas de la Tsedaka (récoltée pour l’enterrement), il n’y a aucun interdit à construire un Nefesh sur la tombe du Tsadik.

J’aurais souhaité rechercher dans les Sfarim si je trouve cette explication qui me semble évidente, mais je manque de temps ce matin…

Citation:
Ma question est : est-ce vrai que certaines tombes de Tsadikim (comme celles que j'ai citées) ne sont pas véritablement celles de ces Tsadikim en question, et que ce sont des individus inconnus qui y seraient enterrés ?


Oui, effectivement, nous n’avons pas de réelle certitude sur l’identification de nombreuses tombes de Tsadikim.

Vous écrivez « que la coutume de faire des tombes avec des pierres tombale a commencé à se répandre… peut-être vers le XVe siècle », non, c’est exagéré, il y en avait déjà avant, et la tombe bien connue du Maharam de Rothenburg vous le prouve (si elle date d’époque, of course, mais il semble que ce soit le cas).

Définir avec précision à partir de quand on a pris l’habitude d’ériger des Matsevot et à partir de quand on a commencé à inscrire des choses dessus, prendrait trop de temps maintenant, mais ça « tombe » bien, j’ai parlé de cela il y a 10 ans dans un Shiour (du 6 octobre 2012) que vous trouverez ici : https://www.centre-alef.fr/1900/

On pourrait même retrouver la trace de Matsevot bien plus anciennes dans nos textes, mais cela reste discutable.
Par exemple, dans la Gmara Sanhedrin (106b) il est dit que quelqu’un a vu inscrit dans le « carnet » (pinkas) de Bilam qu’il était mort à 33 ans. Or, dans le commentaire Rashi sur massekhet Avot (V, 19) il est écrit qu’il s’agissait du KEVER (et non du carnet) de Bilam.
Il y aurait donc eu un Kever, avec Matseva (pierre tombale) et épitaphe, depuis cette époque (il y a 33 siècles) (certes Bilam n'était pas juif, mais à son époque le peuple "juif" était à ses débuts).

Cependant, je pense qu’il s’agit d’une erreur de copiste et que le mot Kever doit être corrigé en Sefer, au lieu de
והוה כתיב על קבר בלעם , il faut lire
והוה כתיב על ספר בלעם ,
ce qui aurait l’avantage de correspondre à ce qui est écrit dans la Gmara.

[D’autant qu’il convient de souligner ce que dit le Zohar Balak (III, 194b) à propos de Bilam qu’il n’a jamais été enterré ולא אתקביר לעלמין… ce qui rend difficile la lecture de son épitaphe.]

Parmi ceux que vous auriez encore pu citer, il y a Mordekhaï et Esther, le fameux tombeau pourrait être vide, ou pire… voyez ce que j’ai écrit ici : https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=55367#55367

Et ‘Houlda Hanevia, car il y a un désaccord à propos de sa tombe connue sur le Har Hazeitim, certains pensent qu’elle ne s’y trouve pas et il semble y avoir des preuves que le Har Hazeitim n’était pas un cimetière à son époque !

Pourtant de nombreux auteurs (dont le Radbaz, le Aroukh Laner, le Seder Hadorot, le Maharit, le Maharam ‘Hagiz, etc.), écrivent qu’elle y est enterrée, voyez les références et détails et ce que j’ai écrit ici : https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=55676#55676

Pour le Ben Ish ‘Haï qui est « enterré à deux endroits » (et non Rav Ezra Attia qui est décédé en 1970 seulement et est enterré à Jérusalem au Har Hamenou’hot), ce n’est pas le seul dans ce cas, il y aussi le Rambam (j’en ai déjà parlé longuement dans un shiour) et d’autres…

Même lorsqu’on sait que c’est plus ou moins proche, l’emplacement ne correspond pas toujours.
Par exemple les tombeaux des patriarches à Mearat Hamakhpela sont évidemment des cénotaphes (puisque la tradition rapporte qu’ils sont enterrés proches les uns des autres, voire les uns au-dessus des autres).

Le Ben Ish ‘Haï a été enterré à Bagdad et selon d’autres, à Jérusalem (Har Hazeitim), en se basant sur le rêve d’un kabbaliste !
De nos jours, il a même une pierre tombale à Jérusalem et sur laquelle l’origine de cette localisation est contée (mais plus en détail dans la Hakdama du Pri Ets Hagan).
C’est Rabbi Avraham Ades, cabaliste hiérosolymitain, qui s’est endormi en plein jour et a rêvé de Rabbi Avraham Laniado (déjà décédé) lui disant qu’il se rendait à Bagdad sur ordre divin car Rabbi Yossef ‘Haim (le Ben Ish ‘Haï) est décédé et qu’il devait emporter son corps à Jérusalem pour l’y enterrer.
Il se réveilla, puis se rendormit, et là, il vit dans son rêve, le cercueil du Ben Ish ‘Haï apporté à Jérusalem pour y être enterré…

Avec tout le respect pour ce kabbaliste, un rêve reste un rêve, le corps du Rav est tout de même enterré en Irak et non à Jérusalem.
Le pire, c’est qu’il n’y a de Matseva qu’à Jérusalem, car à Bagdad le cimetière a dû être déménagé à la hâte, en 1961, les juifs n’avaient pas le choix et n’ont pas pu prendre le temps de déplacer les Matsevot etc. du coup, depuis 1961, le Ben Ish ‘Haï est enterré de manière plus ou moins incognito, on ne sait pas exactement où son corps repose.

Pour David Hamelekh, on sait qu’il est à Jérusalem (cf. Melakhim I, II, 10), mais il y est depuis trois millénaires, difficile d’être certain de sa localisation, car la ville a été détruite depuis.

On pourrait se dire que dans son cas, les trois religions monothéistes ayant une tradition que c’est bien le Kever David, c’est que c’est le bon. Mais à l’échelle de 3000 ans, ça ne vaut pas grand-chose ; les chrétiens disent aussi que c’est là le fameux Cénacle de Jérusalem, c-à-d la « Chambre haute » où s’est déroulée la scène de la Cène.
Ça reste assez difficile à vérifier, forcément, et l’immeuble datant d’une époque plus tardive permet d’émettre quelque doute...

Certains (musulmans) pensaient que cette tour contenait un trésor caché, il y a des tas de légendes liées aux vieilles constructions…
Voir encore ce qu’écrit F. de Saulcy dans Jérusalem (Paris 1882, à partir du bas de la page 126).

Rav Ben Tsion Mutsafi dit que lorsque son père, le kabbaliste Rav Salman Mutsafi, est allé au Kever de David, il n’a pas ressenti de Kdousha, mais le contraire ! Il en a déduit que le roi David n’y est pas enterré, mais un Sheikh musulman y serait à sa place ! (désolé pour ceux qui sont allés prier sur ce kever, plus encore pour ceux qui achètent du fil rouge qui a « entouré » le Kever de David…).

Ça ne sera pas la première fois qu'on entend que la tombe officielle d’un Tsadik abrite en réalité un Rasha. Voyez le long Rashi dans Sanhedrin (44b) où il est conté une histoire d’un gentil Tsadik décédé le même jour qu’un « douanier » (ça veut dire un méchant) et leurs cercueils se sont malencontreusement intervertis avant l’enterrement, seul un élève du Tsadik s’en est rendu compte et a tenté d’empêcher cela, mais personne n’a voulu le croire…

Cependant, ce genre de ressenti (du Rav Mutsafi) ne peut pas être fiable à 100%, car nous avons d’autres Tsadikim et kabbalistes qui sont allés sur le Kever de David et n’ont rien remarqué, leur « ressenti » ne les a pas alertés et leur détecteur de Kdousha semblait bien fonctionner.

De toute manière, voyez le Raavia cité dans le Margaliot Hayam (Sanhedrin 26a, §20) qui disait déjà que David n’est pas du tout enterré là-bas, c’est seulement une construction à l’entrée d’un tunnel menant à sa tombe… Donc avec ou sans ressenti… ça sent le roussi.

Il en va de même pour la majorité des tombes de Tanaïm au cimetière de Tsfat, elles n’étaient pas identifiées jusqu’à l’époque des élèves du Arizal qui se sont basés sur leur ressenti personnel pour identifier chaque tombe.
Ça vaut ce que ça vaut, il ne s’agit pas d’une transmission/Massoret de génération en génération.
Voir à ce propos la lettre de Shir imprimée dans Gal Ed (Prague 1856, p.23, §7).

On m’a dit qu’en dévoilant cela, je mettais du plomb dans l’aile des campagnes publicitaires de Vaad Harabanim (et similaires) qui promettent aux donateurs d’envoyer des rabanim prier sur la tombe de Mordekhaï Hatsadik ou de tel Tana ou tel Amora… J’ai répondu que j’en suis bien désolé, mais que je n’estime pas qu’il faille mentir, ne serait-ce que par omission, pour encourager à la Tsedaka.

Et -incorrigible que je suis, j’en ai profité pour dénoncer une autre supercherie dans une récente publicité mensongère du même Vaad Harabanim qui m’a été envoyée récemment à l’occasion de ‘Hanouka » (‘hanouka 5783 déc 2022), où ils promettent aux donateurs qu’ils seront bénis par un Minian de cohanim descendants des ‘Hashmonaïm. Voyez ici : https://ibb.co/wszHtv9
Alors que le Talmud (Baba Batra 3b) nous met en garde כל מאן דאתי ואמר מבית חשמונאי קאתינא עבדא הוא. (= Quiconque proclamant être descendant des ‘hashmonaïm, est en réalité un imposteur descendant d’esclave).
Car il n’y a AUCUN descendant des ‘Hashmonaïm, ils sont tous morts (et un esclave a tenté d’usurper le titre, cf. ce qui est conté dans cette Gmara).

C-à-d que ces cohanim ne se rendent pas compte qu'ils s'autoproclament Avadim, ou menteurs. Et dans tous les cas, Amei Haarets.

Ça ne veut pas dire qu’il faille éviter de donner via Vaad Harabanim, non, pas du tout.
Ça veut juste dire que leur publicités, promesses et engagements, ne sont pas fiables.
Les Rabanim ne sont pas derrière chaque campagne et ne vérifient pas chaque publicité, et certains chargés de marketing n’ont (hélas) pas peur de mentir, comme ils l’ont fait dans le présent cas, sans prendre conscience qu’ils nous donnaient la possibilité de les démasquer, grâce à leur ignorance du Talmud.

Si vous vous dites : « mais quoi ? nous prendrait-on vraiment pour des imbéciles ? », la réponse est : oui, effectivement, comme cela saute aux yeux.

Voilà qui renforcera nos mitsvot, car il faut mes accomplir Shelo Al Menat Lekabel Prass (sans espoir de contrepartie).

Ce qu’il faut surtout comprendre (de toute cette histoire de Kvarim vides ou abritant un Rasha en place du Tsadik), c’est que si ces informations déstabilisent quelque peu un lecteur, c’est signe que son judaïsme ne repose pas sur les bonnes bases.

C’est assez récent que les Kivrei Tsadikim (dont nous parlons ici) fassent partie intégrante de la vie des juifs croyants.
Même les marocains les plus taphophiles se bornaient généralement aux Kivrei Tsadikim du Maghreb, ils n’allaient pas en Iran pour péleriner le Kever de Mordekhaï et Esther (ni sur le pseudo-Kever du Ben Ish ‘Haï à Jérusalem), c’est un concept nouveau et moderne.
Et les ashkenazim, n’en parlons pas, souvent ils ne visitaient même pas les Kivrei Tsadikim proches de leurs villes (ils allaient uniquement aux kvarim de leurs ancêtres).
Je parle de ce sujet ici : https://www.centre-alef.fr/3255/

[Note : il est assez étrange que la taphophilie soit plus répandue chez les Sfaradim alors qu’ils ont tendance à s’affoler dès que la mort est mentionnée, au point d’éviter certaines études de Gmara et de Halakha (comme Massekhet Yevamot ou Perek Mi Shemet etc. ainsi que les lois de deuil et similaire), on l’imaginerait plus volontiers chez les Ashkenazim à l’humour parfois macabre.]

Si les tombes de Mordekhaï, Esther, David, etc. ne sont pas réellement la dernière demeure d’un Tsadik, ça ne change rien à la Torah ni aux Mitsvot, ni à la Avodat Hashem dont l’essentiel reste d’étudier le Shas et de parfaire ses Midot.

PS: par manque de temps je ne me relis pas, pourtant, étant long, il est fort probable que mon texte comporte des erreurs, vous m'en voyez désolé.
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