Citation:
J’ai vu hier dans le sefer du hidouchei arim un midrash que le rav ramenait sur l’épisode où hagar c’est retrouver seul dans l’entrée désert avec son fils et à prier hachem pour avoir de l’eau . Le midrash dit que « vatemale ete ahemete » vient nous apprendre que hagar avait une petite emouna car elle n’aurait pas du faire de réserve . Le rav expliquait de ce midrash un yessod sur le bitahon que plus on a de bitahon moins on a besoin de ichtadlout pour avoir ce qu’on a besoin (si j’ai bien compris ) ce qu’il explique que si hagar a fait des « réserves » D’ou Mes questions ?
Comment comprendre de reprocher ça à Agar qui était dans le désert ?
Normalement on peut pas être someh al aness ?
Excellente question.
Elle nous amène à un point capital de Hashkafa qui nécessite une certaine maturité afin d’être compris convenablement :
Certains A’haronim ont élaboré des idées et même des Maarakhot de Hashkafot sur des bases parfois très discutables, voire même erronées.
Ce cas en fait, selon moi, partie.
S’ils s’étaient donné la peine de vérifier les explications données par les Mefarshim, ils auraient au moins compris que leur base ne tient pas.
Si vous regardez les Mefarshim classiques du Midrash
(Bereshit Raba LIII, 14 -ou 19 selon les éditions), tous suivent le
Yefei Toar qui exclut la lecture rapportée dans le
‘Hidoushei Harim que vous indiquez.
Le
Yefé Toar explique que le manque de Emouna de Hagar est souligné parce qu’elle est allée remplir l’outre (pour mettre de côté) AVANT de donner à boire à Yishmael qui était agonisant, elle craignait que cette source disparaisse (puisqu’elle ne l’avait pas vue avant) ou se tarisse
(Radal et Imrei Yosher) alors que le Malakh lui a dit qu’elle y trouverait l’eau qu’il lui faut.
C’est aussi la lecture du
Ets Yossef, du Radal et du Imrei Yosher, voir aussi
Yedei Moshé.
Ou encore dans le
Maharazou nous trouvons une explication similaire en soulignant que le manque d’Emouna en ne donnant pas à boire tout de suite à son fils est conséquent, car D.ieu avait promis qu’il serait un grand peuple, elle aurait donc dû lui donner à boire tranquillement et savoir qu’il y aurait encore de l’eau pour la suite, qu’ils ne mourront pas dans le désert.
En tout cas, toutes ces lectures s’opposent à l’explication donnée dans le
‘Hidoushei Harim, qui reprend une Hashkafa qu’on ne retrouve QUE chez des A’haronim, à l’opposé des Rishonim qui se sont exprimés sur le sujet du Bita’hon en général.
Si vous voulez une synthèse claire et explicite de ce qu’est le Bita’hon à l’époque des Rishonim, dans leur Torah qui ne connaissait pas les « nouvelles hashkafot élaborées par certains A’haronim », voyez le
Rabénou Be’hayei dans sa
préface à Parshat Shla’h.
Il y dit très clairement que la Torah IMPOSE à l’homme de faire TOUT ce qui est normal de faire « Bederekh Hatéva », c’est seulement ENSUITE qu’intervient le Bita’hon en D.ieu.
Par exemple, lorsque l’homme part en guerre, il doit s’armer (etc.) et c’est ensuite qu’entre en jeu le Bita’hon, car il arrive que celui qui est parfaitement armé perde et que celui qui n’est pas armé convenablement gagne. Idem pour le malade, il faudra lui faire des soins, lui cuisiner des plats adaptés, mais on ne mettra sa confiance qu’en D.ieu car il arrive qu’un malade décède en dépit de tous les soins et qu’un autre malade qui n’a bénéficié d’aucun soin guérisse quand même.
C’est la Hashkafa qu’on retrouve chez les Rishonim qui imposent de faire une Hishtadlout « normale », à l’encontre de ce que certains A’haronim ont dit qu’il faudrait minimiser la Hishtadlout et vivre en étant Somekh Al Haness.
[Précision : certains apportent le
Ramban qui s’oppose aux médicaments, il serait donc lui aussi, opposé à la Hishtadlout.
Mais il faut comprendre que le
Ramban dit qu'il ne faut pas faire de Hishtadlout QUE parce qu'il y a une promesse divine (Vahassiroti ma'hala mikirbekha), mais pas qu'il s'oppose systématiquement à la Hishtadlout.
Voir encore ici :
https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=46535#46535 au nom de
Rav Wolbe.
D’autres encore citent le
Rabénou Yona (Mishlei III, 26), mais une lecture attentive de ce qu’il écrit permet de comprendre que cela ne contredit pas le
‘Hazon Ish (qui dénonce cette hashkafa « moderne » chez certains A’haronim, voir plus bas). D’ailleurs, il est cité par
Rabénou Be’hayei dans
Kad hakema’h (Bita’hon, sv. Inian, Mossad Harav Kook, p.72), sans que celui-ci n’y voie de contradiction à sa vision rapportée plus haut
(préface de Shla’h).]
La Hashkafa des Rishonim transparait dans tous les Psoukim.
Déjà dans
Mishlei (XXI, 31) qui est le verset sur lequel
Rabénou Be’hayei (op cit) s’appuie, mais aussi la lecture de tout le Tanakh la confirme à maintes reprises.
Les Bnei Israel qui (avaient la promesse de D.ieu qu’ils) allaient conquérir Erets Kenaan ne se sont pas dit qu’il suffirait de marcher tranquillou les mains dans les poches sans être armés.
Pareil pour les armées de David Hamelekh.
Pourquoi Yaakov a travaillé durement ? Ne savait-il pas qu’en restant assis les bras croisés et en s’armant de plein de « Bita’hon », D.ieu lui enverrait tout ce qu’il pourrait obtenir par le travail (parnassa et les femmes qui lui sont destinées) ?
Pourquoi Noa’h doit construire un bateau demande
Rabénou Be’hayei, pourtant si D.ieu souhaitait le faire marcher sur l’eau rien ne s’y serait opposé. Etc.
La notion de Bita’hon a été réinventée (pour ne pas dire défigurée) par certains A’haronim, à l’encontre des Rishonim qu’ils n’ont pas vus ou qu’ils ont mal compris. Cette « déviation » a déjà été dénoncée par le
‘Hazon Ish (voyez
Emouna Oubita’hon, début de §2) en écrivant : טעות נושנת נתאזרחה בלב רבים במושג בטחון
Il y dénonce l’interprétation du Bita’hon comme un devoir de croire que tout ira bien. Ce qui est (selon lui) faux, rien ne permet de dire que tout ira bien si l’on n’a pas un prophète qui nous l’annonce.
Le Bita’hon c’est seulement le fait de croire qu’il n’y a rien qui serait le fruit du hasard (non voulu par D.ieu), mais tout est voulu et « validé » par D.ieu.
Les A’haronim que le
‘Hazon Ish dénonce ont élaboré une nouvelle lecture du concept de Bita’hon, c’est souvent sous influence ‘Hassidique, il n’est pas anecdotique que vous ayez trouvé ça dans le
‘Hidoushei Harim (premier Rabbi de Gur), c’est très présent aussi chez ‘Habad, c’est le fameux « Trakht Gut, Vet Zein Gut » (~pense positif et ça ira bien), mais ça se retrouve aussi chez le
Brisker Rov et d’autres Litvaks.
La position du
‘Hazon Ish n’implique pas forcément l’absence de toute force psychique qui établirait une corrélation entre la pensée positive et un résultat plus positif, mais elle stipule tout de même que ce n’est PAS la notion de Bita’hon du judaïsme.
Le Bitah’on ne promet pas que ce qui arrivera te plaira, mais qu’il est voulu par D.ieu.
Alors que selon les A’haronim dénoncés, le Bita’hon implique que j’aurais ma parnassa et tout le reste.
Cette Hashkafa « moderne » a nécessairement amené les mêmes Rabbanim à voir une sorte de contradiction, ou plutôt de confrontation, entre le Bita’hon et la Hishtadlout
(vous remarquerez que cette difficulté n’a pas été soulignée ni remarquée par les Rishonim, c’est bien parce qu’elle n’existait pas à leurs yeux).
Il fallait donc réconcilier ces deux notions du judaïsme qui paraissaient désormais en contradiction Et c’est là qu’ils ont prolongé leur nouvelle Hashkafa en expliquant que la Hishtadlout n’est nécessaire qu’en fonction du manque de Bita’hon de la personne.
Mais pour le
‘Hazon Ish (et les Rishonim), ces deux notions ne se contredisent pas ; il faut faire une Hishtadlout « humaine », normale, et en même temps avoir Bita’hon que ce qui nous arrivera est voulu par D.ieu.
En appliquant ceci à Hagar, il ne convient pas de lui reprocher d’avoir rempli son outre. Outre le fait que le danger fut évident, il aurait fallu être vraiment gourde pour ne pas la remplir et se dire que son Bita’hon lui garantirait de s’en sortir même en délaissant la source qui se présentait à elle.
A ce compte, elle aurait tout aussi bien pu se dire qu’il n’est pas nécessaire de boire ni de donner à boire à son fils, mais se contenter de Bita’hon qu’ils vivront.
Citation:
Je ai essayer d’etre Concis . Excusez moi si c’est pas clair .
Merci pour la concision, ça suffit amplement, la question était très claire, bravo.
Citation:
Merci beaucoup pour votre temps que où se nous ça accordez
Là pour le coup c’est un peu moins clair («
que où se nous ça accordez » ??), mais je devine l’intention 😊
En tout cas, bravo pour votre question car elle vient mettre le doigt sur un point important, un Yessod capital en Hashkafa, même si ce n’est pas celui qui est présenté dans le ‘Hidoushei Harim.
PS: je ne me relis pas, veuillez excuser les fautes.