Hachem a accordé aux êtres humains la grâce de l’oubli. C’est cette grâce qui leur permet notamment de surmonter, le fil du temps aidant, la douleur causée par la perte d’un être cher.
On en trouve la trace, a contrario, dans le récit de la Tora. En effet, lorsque Joseph a été vendu par ses frères, son père, Jacob, a refusé d’être consolé (Berèchith 37, 35).
Commentaire de Rachi : « On n’accueille pas de consolation pour une personne en vie, en pensant qu’elle est morte (Beréchith raba 84, 21). Car c’est aux morts que s’applique le décret divin qui les fait tomber dans l’oubli, pas aux vivants (Pessa‘him 54b). »
En d’autres termes, ce n’est pas un excès de douleur qui a empêché notre Patriarche de se laisser consoler. C’est, bien au contraire, sa conviction, dictée par le roua‘h ha-qodèch (« esprit saint »), que Joseph, malgré les apparences contraires, était toujours vivant.
Il existe par conséquent deux sortes d’oublis : un oubli « bénéfique », grâce auquel le temps qui s’écoule nous fait venir au bout de nos chagrins et de nos peines, et un oubli « néfaste » qui ôte de notre mémoire ce qui devrait y rester bien ancré.
C’est à ces deux sortes d’oublis que fait allusion notre verset.
Tsour yeladekha téchi (Rachi : téchi égale tichka‘h [« tu oublieras »]) : « Le Rocher qui t’a enfanté t’a pourvu d’une faveur, celle de pouvoir oublier.
Mais wa-tichka‘h Qèl me‘hollalékha (« tu as employé cette faculté d’oublier pour délaisser également Hachem »).
Il n’y a donc dans ce verset aucune redondance, puisque ses deux hémistiches signalent deux sortes d’oublis, à ne pas confondre l’un avec l’autre.