En effet, j'ai écrit ici
http://www.techouvot.com/largue_en_havrouta_et_en_chiour-vt8026573.html
que
Rabbi Yehouda ‘Hassid ne s’oppose pas à l’étude sans ‘havrouta, je m’aperçois que
je n’en ai pas indiqué la source, j'y remédie de ce pas, c’est dans
Siman 940.
(Cependant, cf. éd. Mekitsé Nirdamim §749 qui présente une version différente de ce même texte.)
La Gmara
Taanit (7a) recommande particulièrement d’étudier en ‘havrouta et nous met en garde contre l’étude en solitaire qui n’amènerait qu’à de mauvaises choses.
Voir aussi
Makot (10a) et Brakhot (63b).
C’est ce dont parle la Braïta dans le
6ème chapitre de Avot qui énumère les 48 « kinyanei Torah », parmi lesquels figurent le
Shimoush ‘hakhamim et le
Dibouk ‘havérim.
Nous le retrouvons aussi dans la Gmara
Brakhot (63b) «
ein hatorah niknit éla be’haboura ».
Le
Midrash Kohelet Raba (IV, 8) souligne aussi l’avantage de l’étude en binôme.
Tout le monde se souvient du désespoir de
‘Honi Hameaguel dans la Gmara
Taanit (23a) : «
O ‘Havrouta, o mitouta ». Qu’on traduit brutalement par «
la ‘havrouta ou la mort ».
(Mais à mon sens, dans ce texte, l’idée de ‘havrouta ne signifie pas uniquement un compagnon d’étude, il s’agît plus largement d’un ami.)
L’absence de ’havrouta a aussi eu raison de la santé mentale de
Rabbi Yo’hanan comme cela nous est conté dans un triste épisode de la gmara
Baba Metsia (84b).
Le
Shla (Shaar Haotiot, Ot ‘het, ‘haver tov, 1) écrit «
adam belo ‘haver kesmol belo yamin ».
Mais là encore, il ne faut pas limiter le terme ‘haver au sens de compagnon d’étude.
Voir aussi
Sefer ‘Harédim (tnay 16), le
Maharsha sur
Makot (10a) et des tas de sfarim qui mettent en garde contre l’étude en solitaire, même si elle sera bien entendu tolérée sur une minorité du temps consacré à l’étude (cf.
Alei Shour I, p.24-25 et
Darkei ‘Haim –Lefkovitz- I, p.319), comme par exemple c’est l’habitude dans les Yeshivot pour l’étude du moussar, ça ne se fait pas en ‘havrouta (et
Cf. Alei Shour II, p.175).
[Note historique : il y a bientôt trente ans, vers 1989/1990, la police israélienne recherchait quelques « terroristes » religieux dans les yeshivot, ils avaient fait sauter un kiosque qui vendait des journaux de Pritsout en plein Bnei Brak.
Ce kiosque venait d’y être installé, malgré les mises en garde et même les menaces des habitants de la ville.
Certains jeunes sont passés à l’acte, en faisant exploser le kiosque (!), évidemment en pleine nuit, de telle sorte qu’il n’y ait aucun autre dégât que le kiosque pirate.
C’est bien entendu un acte criminel et interdit par la loi, mais encore fallait-il retrouver les coupables.
Durant les mois qui suivirent, la police mit sur écoute tous les téléphones du réseau des yeshivot en Israël (il n’y avait pas encore de téléphones portables, tous les téléphones étaient fixes à cette époque et il y avait des cabines téléphoniques dans chaque yeshiva) et envoya deux agents infiltrés à la yeshiva de Ponovez.
Ils devaient se fondre dans la masse et étudier au beth hamidrash pour que personne ne se doute de leur réelle identité.
Mais ils ont été très rapidement démasqués par les élèves, notamment parce qu’ils étudiaient en ‘havrouta ensemble au seder moussar…
fin de la page d’histoire.]
Toutefois, d’aucuns soutiennent que de nos jours où les livres sont accessibles et nombreux, ils peuvent pallier au manque de ‘havrouta dans l’étude.
Voyez le
Shout Maharam Mintz (§65) pour qui les mises en garde menaçante du Talmud à ce propos ne sont plus applicables étant donné que l’on peut remplacer le compagnon d’étude par un livre.
Voir aussi le
Min’hat Shmouel (du Talmid de R. Haim de Volozhin, imprimé à la suite du Amarot Tehorot de Rav Tsvi Mikhel Shapira, Jérusalem 1922, maamar Derekh Hayashar §8, daf 32b) qui écrit qu’il vaut mieux étudier avec
Rashi (qui n’est qu’un texte imprimé) qu’avec un ‘haver non-adapté au niveau de l’intelligence.
Nous savons par exemple que le
Gaon de Vilna a beaucoup étudié seul, même dans sa jeunesse.
La question a été posée au
Rav Sonnenfeld et il y répond
(Shout Salmat ‘Haim IV, §67 ou dans une autre édition
§506 –au passage : je trouve déplorable ce désordre dans l’agencement des simanim de ce livre, chaque édition restructure l’ordre des Tshouvot à son goût et il en résulte une véritable pagaille, ce n’est pas pratique du tout, on ne retrouve jamais ce qu’on y a vu. En fait, il faut se fixer sur une seule et même édition si on veut s’y retrouver) en expliquant que le
Gaon aurait bien voulu un ‘haver mais n’en avait pas trouvé (d’adéquat) et que toute personne ressentant qu’elle progressera mieux seule, peut suivre son exemple si elle a l’intention de confronter son étude ultérieurement avec des amis.
[Une idée voisine se trouve dans le
Noam Megadim (Horovitz) (parshat Bamidbar daf 90c), il écrit qu’un grand Tsadik peut étudier seul. (voir aussi
parshat Pekoudei, §2, daf 48a.)
Et à vrai dire, je crois que même sans être un grand Tsadik, celui qui pénètre bien et profondément le monde du limoud se trouve nécessairement dans le besoin de
–parfois au moins- s’isoler dans son étude et ne pas la partager avec un ‘haver.
C’est ce qu’écrivait déjà
Rabénou Be’hayei (R. Ba’hya Ben Asher) dans son
Kad Hakéma’h (érekh Torah, p.427 dans l’éd. Mossad harav Kook) , en voici une traduction libre : «
L’étude de la Torah nécessite de s’isoler… celui qui a une réelle envie de Torah recherchera la solitude et l’isolement… et s’il arrive à s’isoler pour étudier, il deviendra un grand érudit… ».
Même ce Tsadik ou cet amoureux de la Torah pourra parfois partager une étude en ‘havrouta, mais il étudiera beaucoup plus en solitaire.
]
Un peu après
(IV §70), le
Rav Sonnenfeld écrit que le problème se posait surtout à l’époque de ‘Hazal où l’étude se faisait essentiellement au Beth Hamidrash, par les discussions entre étudiants
(mais de nos jours, les livres permettent un peu plus l’étude en solitaire).
Rabbi Avraham Dayan écrit aussi dans son
Holekh Tamim (Livourne 1850, daf 9a) que ce que dit la gmara concernant l’étudiant solitaire est spécifique à leur époque où l’on étudiait à l’oral, sans livres.
Le
Pélé Yoets dans son livre
Orot Elim (sur Brakhot daf 63, soit daf 2a dans l’édition de Salonique 1828) souligne l’éventuelle possibilité de considérer les sfarim comme un ‘haver.
Il n’en est pas persuadé, mais ne l’exclut pas.
C’est aussi ce qui ressort du
Nehora Deorayta (III, §6, daf 48c) qui écrit qu’il est possible que les choses aient changé de nos jours –l’étude se faisant avec des livres.
Ce qui annulerait l’interdit prononcé par les Sages d’étudier seul.
R. ‘Haim Pallagi dans
Guinzei ‘Haim (lettre ‘het, §61, daf 76b/c) écrit lui aussi que –grâce aux sfarim- l’interdiction qui était
de mise est désormais
démise.
C’est encore écrit par l’excellent
Min’hat Yehouda (Epstein) (daf 100d, sur Taanit 7a).
Ainsi que par le
rav Klein dans
Mishné Halakhot (X, §156), par le
Rav Shamaï Kehat Gross dans son
Shevet Hakehati (I, §364) et par le
Rav Sternbuch dans
Tshouvot Vehanhagot (I, §542).
Nous trouvons aussi cette idée dans le
Ohel Yesharim (Entebe) (nouvelle édition, Jérusalem 1981, p.70) pour qui, de nos jours, les sfarim valent bien le ‘haver d’étude et les mises en garde de la Gmara
Taanit (7a) ne sont donc plus applicables.
Il y en a aussi mention –au nom du
Zekher Natan, dans le
Or Haner (daf 15a) de Rav MM de Rimanov (c’est la deuxième partie de son Ilana De’hayei).
Une idée différente mais qui va dans le même sens se trouve dans le
Birkat Avraham (daf 12a), au sujet de
Botshatsher Rouv, l’auteur du
Eshel Avraham Botshatsh, Rabbi Avraham David Wahrman, qui s’inquiétait de ne pas trouver de ‘Havrouta adaptée pour son étude alors que les Sages nous mettent en garde contre l’étude isolée. Jusqu’à ce qu’il trouve dans le
Shla qui interprète
Oukné Lekha ‘Haver comme s’il était écrit
Vekané lekha ‘haver, c-à-d que celui qui n’a pas de ‘haver d’étude pourra le remplacer par un stylo, en écrivant tous ses ‘hidoushim.
Il y a aussi quelques auteurs pour qui la mise en garde contre l’étude en solitaire ne s’applique pas en Israël puisque le danger serait –selon
Taanit (7a)- «
velo od éla shemitapshin », autrement dit, celui qui étudie seul deviendrait stupide, or, la Gmara
(Baba Batra 158b) dit aussi que «
Avira Deerets Israel Ma’hkim »
(traduction libre : le climat d’erets Israel est favorable à l’acquisition de la sagesse).
C’est ce qu’écrivent le
Yaabets (Hakdama du Sidour daf 33a) et
R. ‘Haim Pallagi dans
Artsot Ha’haim (IV, §11 -daf 24a) [il cite aussi un autre auteur qui l’a devancé en cela. Et il indique encore d’aller voir ce qu’écrit le
Darash Avraham (I, daf 44a), j’ai suivi son conseil et y ai vu que selon cet auteur,
R. Nissim Avraham Ashkenazi, après la venue du Mashia’h, il n’y aura plus de problème à étudier seul.]
Mais il y a plusieurs difficultés à admettre cette différence géographique, la première étant que quelques textes talmudiques indiquent bien que cette mise en garde valait aussi pour Erets Israel.
Je n’entre pas dans le débat des preuves, cela allongerait considérablement mon message.
Le
Steipler était dérangé du fait que son illustre beau-frère –le
‘Hazon Ish- puisse étudier seul
(il étudiait généralement seul), jusqu’à ce qu’il lise dans le
Sefer ‘Hassidim (§940) que certains peuvent mieux étudier ainsi.
Cette lecture fut un soulagement pour lui, comme on peut le lire dans
Bnei ‘Hayil (II, p.500).
Voir aussi
Tshouvot Vehanhagot (I, §542) qui écrit avoir entendu que la question avait été posée au
‘Hazon Ish ; pourquoi étudiait-il seul si les Sages le déconseillent ? Il aurait répondu que les Sfarim sont à considérer comme des compagnons d’étude.
Il n’était pas le seul géant en Torah qui étudiait seul, il y avait
le
Gaon de Vilna (comme mentionné plus haut),
Rav Elyashiv,
Rav Shakh,
R.M. Feinstein,
R. Ovadia Yossef (oui, on dit qu’il était en ‘havrouta avec R. BT Aba Shaoul, c’est vrai, à la yeshiva, mais pas toute la vie. Cf. Or Letsion – ‘Hokhma Oumoussar, p.36),
R. ‘Haim Kanievsky
et encore une ribambelle de Gueonim qui avaient des moments « d’étude en solitaire ».
Nous savons même que le
Le’hem Mishné étudiait sans ‘Havrouta (cf.
Shout Maharitats §271).
Le
Minhag Israel Torah (Y’’D §246, 16) cite le
Maharshag (préface du Shout, ‘helek II) qui disait qu’on peut voir la différence entre les différents livres de responsa et savoir quels sont les auteurs qui ont étudié seuls, sans confronter leurs idées à autrui…
Il semblerait donc qu’il ne soit pas tout à fait d’accord avec cette idée de remplacer la ‘havrouta par des livres.
(Je précise tout de même que je n’ai rien vu de tel dans aucun des trois tomes du Shout Maharshag. Il y a peut-être une erreur ?)
En tout cas, il ressort clairement des auteurs A’haronim qui citent la Gmara
Taanit (7a) sur l’importance de la ‘havrouta, qu’ils ne sont pas parfaitement d’accord avec ce qui précède.
Le
Baal Hatanya cite cela dans son
Shoul’han Aroukh (Hil. Tal. Torah ), Le
‘Harédim aussi
(Hakdama, Tnay 16) et d’autres encore.
On trouve même dans le
Rivash (§445), qu’il s’oppose au fait de se contenter de l’étude « avec des sfarim » sans ‘haboura.
R. Tsadok hacohen dans
Tsidkat Hatsadik (§25) écrit que lorsqu’on dit qu’il faut étudier « Be’haboura », ça n’est vrai que si on étudie avec un groupe, mais cela ne signifie pas qu’il faille étudier là où il y a du monde même lorsqu’on étudie seul (car le bruit pourrait nous déranger).
Bon, je m'arrête-là car il est tard, je ne prends pas le temps de me relire car le message est long, j'espère qu'il ne comporte pas trop de fautes.