Nous lisons dans Bamidbar 32, 1 et suivants les circonstances dans lesquelles les tribus de Reouvèn et de Gad ont été autorisées par Moïse à s’installer dans les territoires que les enfants d’Israël avaient conquis au-delà du Jourdain. Cette autorisation leur a été accordée moyennant la promesse de participer, aux côtés des autres tribus, à la conquête d’Erets Yisrael.
Plus tard, lorsque Josué rappela leur promesse à ces tribus, elles lui répondirent qu’elles n’y manqueraient pas, ajoutant à ce renouvellement de leur engagement la phrase suivante : « Tout homme qui sera rebelle à ton commandement, et qui n’écoutera pas tes paroles en tout ce que tu nous commanderas, sera mis à mort ; seulement fortifie-toi et sois ferme » (Josué 1, 18).
Pourquoi un tel avertissement, avec tout ce qu’il a d’excessif, de la part de ces deux tribus ? N’est-il pas d’autant plus surabondant que celles-ci avaient obtenu les territoires qu’elles convoitaient, et qu’il ne leur restait plus qu’à s’acquitter de leur promesse ?
Rabbi Naftali Tsevi Yehouda Berlin, le Netsiv (1817-1893), explique à ce sujet que les tribus de Reouvèn et de Gad considéraient que si elles ne participaient pas à la guerre qui se préparait, leur inaction aurait un effet dévastateur sur le moral des autres tribus, qui seraient prises de panique en voyant qu’une partie d’entre elles aurait déserté. Aussi se sont-elles obstinément attachées à leur promesse, invitant Josué à mettre à mort quiconque manquerait à son devoir.
Rav Waldenberg (1911-2006) cite à ce sujet un commentaire d’Abarbanel sur le comportement de Débora lors de la guerre contre Sissera (Choftim 4, 4 et suivants). Selon ce commentateur, c’est contre son gré qu’elle a participé à la bataille, et elle ne l’a fait que dans le dessein d’y encourager Baraq, le général en chef, et parce que « les enfants d’Israël étaient terrifiés devant l’armée et les chars de Sissera, de sorte qu’elle s’est jointe à eux pour renforcer leurs cœurs et les rassurer par la présence parmi eux d’une prophétesse. »
Ce commentaire ne peut que nous encourager à une réflexion sur l’influence que peut avoir sur les soldats et leurs familles la non-participation à leurs opérations de membres d’autres couches de la population qui ne partagent pas leur fardeau ni les risques qu’il comporte.