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Messages: 44
Bonjour,
J'avais une fois entendu dire que nos fautes étaient pardonnées lorsqu'on se marie, ou bien lorsqu'on atteint 20 ans, je me souviens plus.
Qu'est ce que cela signifie ?! Un homme peut librement fauter avant ?! C'est assez peu probable me semble-t-il...

Shabat Shalom.

______________________________
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Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
Les deux idées existent, mais on ne peut pas fauter librement avant ces dates pour autant.

L’idée des 20 ans trouve sa source dans un texte agadique du Talmud (Shabbat 89b) et est extraordinairement discutée au niveau ala’hique.

Tous s’accordent à expliquer que cela ne concerne qu’une punition divine et non terrestre par le beth din qui pourra assurément être infligée dès l’âge de 13 ans.

Le Maaral de Prague objecte à partir d’un passage ala’hique du Talmud (Psa’him 91 et 93) duquel on voit bien que dès l’âge de 13 ans , un homme encoure la peine de Karet s’il mange du ‘hamets à Pessa’h, [malgré que le Karet ne soit pas appliqué par le beth din terrestre, mais bien par « le ciel »] puisqu’il est tenu d’offrir un sacrifice ‘hatat en cas de transgression involontaire.

Le ‘Ha’ham Tsvi dans son responsa (§49) mentionne cette question du Maaral et y répond de plusieurs manières.

L’une d’entre elles consiste à dire qu’il s’agît de paroles agadiques (dans shabbat 89b) et que l’on ne peut rien déduire d’un texte agadique puisqu’on n’est pas certain de pouvoir distinguer avec assurance la part d’allégorie de la part « ala’hique ».

(je ne me souviens plus si la mention de la gmara psa’him (daf 93) est du ‘Ha’ham Tsvi ou du Maaral lui-même –mais ce n’est pas difficile à vérifier.
Je me souviens juste qu’il cite Psa’him 93 et que je crois qu’il aurait aussi pu citer Psa’him 91, deux pages avant.)

L’idée de rattacher cette notion (d’impunité sur les années qui précèdent les 20 ans de la personne) à la punition entrainée par les explorateurs d’Israel qui ne concernait pas les moins de 20 ans est tout autant insolite puisque selon cette logique on devrait exempter de punition céleste les plus de 60 ans (qui n’étaient pas non plus concernés par la « gzeirat meraglim »), ce qui n’apparait nulle part selon le ‘Ha’ham Tsvi.
De plus on trouve des moins de 20 ans qui ont été punis « par le ciel » comme Er et Onan les fils de Yehouda.

Le ‘Ha’ham Tsvi ajoute encore que si l’on apprend de cet enseignement qu’il n’y a pas de punition avant 20 ans, il s’agira uniquement d’exclure une punition CELESTE qui s’appliquerait DANS CE MONDE CI (mais dans l’autre, après 120 ans, le Karet s’appliquerait de toute façon).

On pourrait encore ajouter que ce n’est qu’avant les 20 ans que la punition ne viendra pas du « ciel », mais même quelqu’un qui aurait fauté de 13 à 20 ans pourrait être puni DANS CE MONDE, d’une punition CELESTE, mais APRES ses 20 ans (même si ce n’est pas ce qui ressort des Meraglim, ni de la gmara Shabbat 89b, ça a été proposé par certains).
(et même ceci semble impossible étant donné Er et Onan qui ont été punis avant leur 20 ans)

Bref, ala’hiquement, il demeure interdit ET répressible de fauter avant 20 ans.


Pour ce qui est de l’annulation des fautes par le mariage, c’est aussi un texte difficile à cerner en profondeur.

Nous trouvons dans le Talmud Sanhedrin 14a ein adam olé ligdoula éla im ken mo’hlin lo kol avonotav.

Cela semble indiquer que toute personne qui accède à un poste/niveau plus élevé se voit pardonner de ses fautes.

Le Maaral de Prague explique pourquoi le ‘Hatan se fait pardonner de ses fautes le jour du mariage en comparant le célibataire à une demie personne qui devient « comme quelqu’un d’autre » en se mariant, une personne entière.
Donc on ne pourrait reprocher à ce nouveau personnage les fautes de l’autre (qui a disparu).

Un peu comme dans le converti (guer) qui est considéré « kekatan shénolad damei »/ comme un bébé qui vient de naitre, donc propre de tout péché.

Cette interprétation originale se trouvera quelque peu confortée et grandement dérangée par un autre texte qui se trouve dans le Yeroushalmi;
dans le Talmud Yeroushalmi (Bikourim III, 3) des exemples de personnes qui bénéficient de la me’hilat avonot au titre de « olé ligdoula » sont cités et nous y trouvons le ‘hatan, le converti, le Rav…

Le converti conforte les dires du Maaral, mais que dire du Rav ? en quel honneur serait-il considéré comme un bébé qui vient de naitre.

Logiquement on s’attendrait à ce qu’il y ait une raison commune aux exemples cités qui tous sont supposés illustrer « ein adam olé ligdoula… ».

De plus, je me suis toujours demandé –selon ce Maaral- pourquoi ne pourrait-on pas aussi dire l’inverse ; celui qui DIVORCE devrait être pardonné de ses fautes, en effet, comment reprocher les fautes de cette personne (mariée et donc complète) à cette autre personne (divorcée, donc revenue au stade de célibataire initial), si le changement dans le sens du mariage suffit pour ne plus pouvoir considérer que c’est la même personne, pourquoi pas le changement du divorce aussi ?

J’ai une explication personnelle (différente de celle du Maaral) pour expliquer le pardon des fautes du ‘Hatan, qui aura l’avantage d’expliquer le ‘Hatan, le Guer et le Rav (Parnass etc…) mais elle est assez longue, je vais donc me contenter d’en donner simplement l’idée sans l’étayer de preuves et d’explications.

La notion de Tshouva consiste à regretter sa faute et décider de ne plus fauter.

Si le vidouy peut être nécessaire c’est pour bien prendre conscience de ce regret qui pourrait être factice.

Une personne qui regrette ses fautes est une personne qui ne veut pas fauter même si on lui présente sur un plateau d’argent une occasion rêvée de fauter.

Si il est clair que cette personne ne fauterait pas lorsqu’on lui présenterait la possibilité de fauter (Yaïd alav yodéa taaloumot…), alors c’est qu’elle a fait tshouva et est pardonnée.
Le fait de ne plus vouloir fauter, c’est ça la tshouva.

Un ‘hatan –digne de ce nom- le jour de son mariage, lorsqu’il se trouve sous la ‘houpa, se sent tellement proche de D… et est tellement plein de bonne volonté et bonnes résolutions, que même si on lui présentait une aveira habituellement « appétissante » sur un plateau d’argent avec assurance que personne de l’assemblée ne le verrait fauter etc…, il n’en veut pas.

Le sentiment d’importance et de proximité à D… durant ce court instant dans la vie élève le ‘Hatan à un niveau spirituel tel qu’il ne désire aucune aveira.
C’est ça la Tshouva, c’est se sentir loin et écœuré du péché.

Donc le ‘hatan fait en fait une véritable tshouva sous la ‘houpa et est pardonné de toutes ses fautes pas par magie, mais par tshouva.

Il en va de même pour celui qui accède à un niveau élevé dans la kdousha, celui qui se converti, le jour de sa conversion, au moment de sa conversion, il ne désire aucun péché.

Idem pour celui qui est nommé Rav, au moment de sa nomination, aucun péché ne le tente… (et après oui ?)

Voilà selon moi l’explication du pardon des fautes du ‘hatan.

D’après cela il faut comprendre que pas TOUT ‘hatan pourra bénéficier de cette remise ; un ‘hatan qui n’est en rien animé d’intention pures lors de son mariage, n’est pas en position de tshouva.

Il en résulte, toujours selon mon explication, que se permettre de fauter avant le mariage dans l’espoir d’être pardonné par le mariage (-s’il a lieu un jour), empêchera le pardon car ce dernier doit être le fruit d’une tshouva et ça correspond au cas de celui qui se dit « je vais fauter et je ferai tshouva plus tard » sur lequel les Sages nous disent (Yoma 85b) ein maspikin beyado laassot tshouva (« le ciel » ne lui permettra pas de faire tshouva).

J'espère que tout est clair, je n'ai pas le temps de vérifier les références sur lesquelles j'ai un doute, ni de me relire, ce qui est souvent nécessaire pour un long message, désolé.
Hanania26
Messages: 2
Bonsoir,

Votre explication personnelle relative au pardon des fautes du Hatan est originale et intéressante, mais je voudrais savoir comment vous vous arrangez avec ce que dit Rachi, dans Vayichla’h (36,3) au sujet de Essaw ?

A savoir, que Rachi citant le midrach sur Chemouel (chap 17) qui énonce 3 catégories de personnes dont les péchés sont pardonnés : le païen qui se convertit, celui qui est jugé digne d’accéder à une position élevée et celui qui se marie.

Et Rachi précise que c’est d’ici, c'est-à-dire de Essav et Bassemath que l’on déduit le troisième cas : cette même femme a été appelée précédemment dans la tora Ma’halath parce que, lorsqu’il s’est marié avec elle, ses péchés ont été pardonnés.

Et l’on ne peut pas vraiment dire que Essaw soit un personnage dont les qualités morales soient très estimées dans la tora ! (à l’exception sans doute de son respect parental).

Comment comprendre, que c’est justement d’Essaw que l’on apprenne cette chose là ?

Et comment la réconciliez avec votre explication personnelle, à savoir que le pardon du hatan est corrélé avec la techouva ?

On pourrait certes imaginer, que Essaw ait pu faire techouva, au moins au moment de son mariage, de la même manière qu’il a été sincère au moment de son accolade avec Yaakov.

Mais cette tentative d’explication est également rejetée très clairement par Rachi, dans Toledoth (28, 9), lorsque la Tora relate son mariage avec Ma’halath (Bassemath) en précisant qu’il l’a épousé en plus de ses premières femmes qu’il n’a pas répudié (hossif Richaa al Richaato), ce qui est très clairement condamné par Rachi. Dès lors, il n’est guère plus permis d’avoir un doute sur la pureté de ses intentions lors de son mariage.

Et pourtant, Rachi insiste pour nous enseigner que c’est de lui précisément, un impie n’ayant pas fait techouva, que l’on apprend cette chose là.

Merci,
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
Avant de tenter de répondre, permettez-moi de saluer votre clarté qui, liée à votre précision, vous distingue du commun des questionneurs.

A n’en pas douter, vous devez être un fin connaisseur en Talmud.

Ceci étant dit, je tiens à préciser mon étonnement concernant ce Rashi qui cite le Midrash Shmouel au lieu de citer le Talmud Yeroushalmi (Bikourim III, 3) que je mentionnais plus haut qui est la source de cette notion et où nous trouvons ce mekor à partir d’Essav.

Après tout cela, je tenais encore à vous dire que c’est une très bonne question.

Et maintenant que ceci est dit, je passe à votre question.

Tout d’abord, on pourrait dire que c’est ELLE qui a été pardonnée (et non lui), et nous trouvons, bien sûr, l’idée du pardon pour la Kala comme pour le ‘Hatan dans le Rokéa’h (parshat Nitsavim).
Il serait plus facile d’imaginer un « soubresaut » de tshouva de la part de sa femme que de Essav en personne.

Mais dans les mots de Rashi on comprend qu’il parle du ‘hatan (Essav) et c’est aussi ce qui ressort des mots du Midrash Shmouel, sa source.

Donc cette réponse n’est pas bonne.

J’ai pensé à autre chose ;
Le Talmud (Meguila 17a) se basant sur la précision du verset « la fille de Yishamel, la sœur de Nevayot », explique que c’est Yishmael qui a fiancé sa fille à Essav, mais il est mort et le mariage s’est organisé sous la responsabilité du frère, Nevayot.

Or, nous savons que Yishmael a fait tshouva vers la fin de sa vie (du moins selon une opinion, mais c’est discuté. Voir Tosfot Yeshanim Yoma 38b), donc tout porte à croire qu’en mariant sa fille à Essav, il ne l’entrainait pas dans le péché, donc que Essav connaissait une période de tshouva.

Ceci serait contraire au Midrash (Bereshit Raba à la fin de Toldot) (cité par Rashi Bereshit XXVIII,9) selon lequel Essav n’aurait pas eu de pensée de tshouva à cette période prénuptiale.
Mais ce Midrash correspond à l’autre opinion midrashique selon laquelle Yishmael n’a pas fait Tshouva.

Nous avons donc deux ma’hloktot midrashiques :
1) si Yishmael a fait tshouva et
2) si Essav a fait une tshouva momentanée
(et -soit dit au passage, une troisième : si l’accolade était sincère).

Nous pouvons donc les lier et dire que Essav aurait eu un moment de tshouva avant ce mariage, d’après l’opinion qui pense que Yishmael a fait tshouva avant de mourir.

Un autre élément nous pousserait à croire que cette femme de Essav n’était pas du tout mauvaise (et donc ambiance tshouva etc…), c’est que nous trouvons qu’une des filles du roi Salomon portait le nom de Bosmath (Bassemat) (voir Mela’him I, IV, 15).

Or, il est défendu de nommer un enfant d'un nom porté par un impie (Yoma 38b).
Dès lors, comment imaginer que la fille de Shlomo Amele’h portait le nom de la femme impie de Essav ?
Il semble donc que Shlomo pensait que cette dame n’était pas une mauvaise comme [ce que l’est redevenu] son mari.

L’autre prénom de cette dame, Ma’halat, était porté par la cousine de la Bosmath citée plus haut (fille de Shlomo), c’était aussi une petite fille du roi David. (voir Divrei Ayamim II, XI, 18).

Voici donc une proposition d’interprétation qui donnerait que la source du pardon des fautes du ‘hatan à partir de Essav n’a été donnée que selon l’opinion qui pense que Essav a fait tshouva avant ce mariage.

Je comprends parfaitement que vous puissiez trouver mes « inventions » quelque peu hasardeuses et mes preuves relativement faibles.

Même si je ne partagerais pas cet avis pour ce sujet qui nous occupe, afin d’appuyer ma thèse je vous indique un Midrash qui semble dire ce que je dis :
Rabbi Yeoshoua Ben Levi dit dans le Midrash (Bereshit Raba LXVII, 13) qu’au moment qui précède son mariage avec Ma’halat, Essav était dans une dynamique de tshouva (dans les mots : natan daato léitgayer).

Et précisément après ces mots, le Midrash explique le nom Ma’halat : que D… lui a pardonné ses fautes.

Nous voyons donc du Midrash deux points capitaux :
1) Essav a fait une tshouva momentannée.
2) Il semble clair qu’il y ait un lien entre cette tshouva et le pardon de ses fautes au moment de son mariage avec Ma’halat.

Bien entendu, on pourra trouver des opinions divergentes, et certains expliqueront de manière négative le fait que Essav soit allé chercher une femme chez Yishmael.
C’est d’ailleurs ce qui semble être l’opinion de la gmara (Baba Kama 92b).


Tout ceci est au niveau Drash, mais au niveau Pshat on pourrait imaginer qu’il s’agisse de deux sœurs, toutes deux filles de Yishmael (et il n’y aurait donc plus aucune source pour la notion de pardon au mariage).

Il faut encore savoir que même si Bosmath est nommée fille de Yishmael (Bereshit XXXVI, 3), nous trouvons que Bosmath (toujours la femme de Essav) est nommée fille de Eilon A’hiti (Bereshit XXVI, 34) (et on trouve aussi parmi ses femmes une Ada bat Eilon A’hiti ! (Bereshit XXXVI,2).

On pourrait donc dire que Ada est Bosmath qui est Ma’halat !

L’appellation « bat Yishmael » ne correspondrait donc peut-être pas à une réalité historique mais à une sorte d’adjectif qualificatif (on peut supposer plusieurs choses, par exemple, elle ressemblerait à Ma’halat par ses actions et aurait été surnommée « bat Yishmael »… ).

Ainsi, il en va de même pour le nom Bosmath qui sera alternativement interprété positivement ou négativement par nos Sages.

Mais je crois que la vraie réponse est qu’au niveau pshat, Ma’halat n’est pas Bosmath.

Et elle n’a pas été nommée Ma’halat car elle aurait entrainé le pardon de Essav.

C’est d’ailleurs impensable, sinon, pourquoi seulement cette femme aurait été nommée ainsi ?
Pourtant nous sommes en train de supposer que TOUT mariage procure le pardon des fautes, même sans tshouva…
Essav s’étant marié plusieurs fois, pourquoi ne pas avoir bénéficié d’un pardon marital à chaque fois ?

Je pense que ce Midrash n’est qu’une source « agadique » à cette idée, une sorte de moyen mnémonique que les Sages auraient trouvé en constatant que Bosmath est nommée Ma’halat.

Ils ont donc mentionné cette idée en se rattachant à ce verset, mais l’idée n’est pas « justifiée » par ce passouk.
Le passouk lui sert d’assise seulement.
L’idée se justifie par la svara que l’on trouvera pour l’expliquer, c’est pourquoi j’ai proposé mon explication.


Il se trouve que cette explication se voit confirmée par les décisionnaires ;
le Rama dans le Shoul’han Arou’h (Even Aezer §LXI,1)(-voir encore ora’h ‘haim §573,1) cite la coutume de jeuner le jour du mariage qui est justifiée par les A’haronim (Maaram Mintz §109, Kessef Niv’har ‘hayei Sara XXVI, Beth Shmouel Even Aezer §LXI,6 , Baer Etev even aezer §LXI,5. Voir encore shout Maari Brona §93) par l’idée de pardon des fautes qui s’opère ce jour-là.

Or, si ce pardon n’est pas lié à un sentiment de tshouva, à quoi bon jeuner ? Il suffirait d’attendre que la journée passe !

En espérant que mes réponses vous satisferont, je m’arrête là.


Dernière édition par Rav Binyamin Wattenberg le Mar 28 Février 2023, 13:29; édité 1 fois
Hanania26
Messages: 2
Merci pour votre explication,

Je comprends votre dernier point, le passouk sert d'assise à cette idée, lui est rattaché, mais ne constitue pas sa justification.
On peut seulement regretter que ce procédé semble un peu "misleading"!

Je tiens à préciser que je ne suis pas un fin connaisseur en Talmud. J'ai néanmoins la chance de pouvoir étudier avec un fin connaisseur en Talmud :)
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
Il est vrai que ce procédé porte souvent le lecteur vers une compréhension erronée ou même totalement fausse.

Mais il n’y est pour rien (le procédé).

Le responsable c’est le lecteur qui croit que l’on peut pénétrer le monde talmudique par simple lecture, armé d’un bon dictionnaire d’araméen.

La traduction littérale peut être obtenue par le biais d’un dictionnaire ou d’une gmara traduite, mais on n’a pas encore de garantie d’avoir vraiment saisi le sens du texte si on n’est pas rodé et habitué à comprendre le langage des Sages du Talmud.

Nous en avons ici un exemple qui mérite d’être souligné.

Le seul moyen de percer le sens réel du texte est –à ma connaissance- d’avoir reçu un enseignement talmudique d’un maître en Talmud formé lui-même par un autre maître en Talmud qui lui aussi a été formé par un maître en Talmud (etc, etc…) depuis l’époque des rédacteurs du Talmud.

Il est certain que l’on pourra apprendre certaines choses par le biais de livres, même si leur capacité à remplacer un maître vivant et parlant reste discutée.

Voir Igrot Moshé (ora’h ‘haim IV, §39 –p.54- et yoré déa IV, §32) qui écrit que la notion de shimoush talmidei ‘ha’hamim ne pourra jamais être obtenue par de la lecture même en lisant tous les livres du monde.

Cependant au niveau ala’hique (=savoir si on peut se baser sur le Shoul’han Arou’h sans connaitre la sougya, pour appliquer la ala’ha…) on retrouve des discussions autour de ce sujet.

Là où la lecture sera certainement insuffisante, c’est au niveau « ashkafatique » -qui englobe entre autres la question de comment comprendre un texte agadique.

C’est un sujet très délicat et extrêmement délaissé (=comment comprendre les textes agadiques) mais qui est d’une importance capitale pour le maintien d’un judaïsme cohérent et authentique.

J’ai commencé à rédiger un petit ouvrage sur le sujet, mais le manque de temps m’empêche depuis plusieurs mois de mener à bien ce projet et c’est bien dommage.
Raphael-deux
Messages: 2
C'est un sujet qui est très passionnant et j'ai lu avec attention vos commentaires éclairés et documentés.
Je crois que l'idée selon laquelle il s'agirait de deux femmes différentes (Ma‘halath et Basemath) serait contraire à la sémantique biblique. C'est bien la même femme, sous deux noms différents. Rachi explique que "nous n'avons pas de nom fixe. Nos noms changent suivant les missions qui nous sont commandées" (Rachi, commentaire de Genèse du verset 12-30).
"Je vous donne un nom différent et votre destinée sera différente" écrit Rachi.

Ce qui m'intéresse, c'est la portée prophétique du mariage entre Esav et Ma‘halath qui donc devient Basemath. C'est l'annonce d'un processus de guérison par le mariage. Leur histoire personnelle pourrait bien être évocatrice d'un avenir plus large, impliquant Esav en tant que fondateur de l'Occident et Ismael dont il épouse la fille malade et qui guérit par ce mariage. J'y vois une union entre Occident et Islam qui mènerait l'Islam vers une guérison.
Reste à diagnostiquer quelle est la maladie de Basemath.
Cela nous permettrait de comprendre de quoi souffre l'Islam. Car derrière toute la violence exprimée (terrorismes, haines etc) se cache une énorme détresse métaphysique qui pourrait peut-être se guérir si on parvenait à l'identifier.
Je serais heureux d'avoir votre analyse à ce sujet.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
Vous écrivez : « Je crois que l'idée selon laquelle il s'agirait de deux femmes différentes (Ma‘halath et Basemath) serait contraire à la sémantique biblique » mais je ne vois pas trop pourquoi ni comment.

Cela vous amène néanmoins à considérer qu'il s'agirait nécessairement de la même personne et vous en attestez la possibilité en citant un Rashi : « Rachi explique que "nous n'avons pas de nom fixe. Nos noms changent suivant les missions qui nous sont commandées" (Rachi, commentaire de Genèse du verset 12-30). »

Il m'apparaît évident que c'est une faute de frappe et qu'il ne s'agît pas de Genèse 12, 30 mais de Genèse 32, 30.
Rashi y cite en fait ce que disait le Midrash avant lui (Bereshit raba 78, 4).

Cependant, ce Rashi ne nous aide pas vraiment car Rashi écrit cela au sujet des anges, pas des humains.
Cela concerne l’ange d’Esaü, c’est explicite dans le Midrash (op cit) mais aussi très clair dans Rashi si vous lisez son commentaire plus haut (Genèse 32, 25) où il cite encore le Midrash (Bereshit raba 77, 3).

Un ange, n’existant que pour ses missions, n’a pas de nature à proprement parler et ne peut être défini qu’en fonction de sa mission actuelle, ainsi son nom ne peut avoir de signification quant à sa nature propre qui est inexistante. Il changera de nom en fonction de sa mission.

Mais les humains ne sont pas concernés par ce Rashi.

Toutefois, cela ne nous empêche pas d’analyser la portée de la pensée qui identifie Ma‘halat à Bassemat, même si ce n’est qu’au niveau du Drash, de la Agada (alors qu’au niveau Pshat –ou historique, il s’agirait de deux personnes distinctes) et votre proposition semble intéressante : ce « mariage » transformerait l’épouse malade (de ma’hala, maladie) en épouse « odoriférante » (de bossem, parfum)…

Je laisse à chacun le soin d’élaborer une théorie quant à la nature du mal et sa guérison et je me contente de retenir l’idée générale.
Raphael-deux
Messages: 2
Citation:
Rav Binyamin Wattenberg a écrit:
Vous écrivez : « Je crois que l'idée selon laquelle il s'agirait de deux femmes différentes (Ma‘halath et Basemath) serait contraire à la sémantique biblique » mais je ne vois pas trop pourquoi ni comment.


Réponse : Il me semble que la Torah répète le nom et qu'il s'agit de la même personne, parce que le redoublement est un critère de la sémantique biblique, cela me semble indiqué au Psaume 62/12 : "une fois Dieu a parlé, deux fois j'ai entendu."

Citation:
Rav Binyamin Wattenberg a écrit:
Cela vous amène néanmoins à considérer qu’il s’agirait nécessairement de la même personne et vous en attestez la possibilité en citant un Rashi : « Rachi explique que "nous n'avons pas de nom fixe. Nos noms changent suivant les missions qui nous sont commandées" (Rachi, commentaire de Genèse du verset 12-30). »

Il m’apparaît évident que c’est une faute de frappe et qu’il ne s’agît pas de Genèse 12, 30 mais de Genèse 32, 30.
Rashi y cite en fait ce que disait le Midrash avant lui (Bereshit raba 78, 4).


Réponse : Merci pour la précision et la correction !

Citation:
Rav Binyamin Wattenberg a écrit:
Cependant, ce Rashi ne nous aide pas vraiment car Rashi écrit cela au sujet des anges, pas des humains.
Cela concerne l’ange d’Esaü, c’est explicite dans le Midrash (op cit) mais aussi très clair dans Rashi si vous lisez son commentaire plus haut (Genèse 32, 25) où il cite encore le Midrash (Bereshit raba 77, 3).

Un ange, n’existant que pour ses missions, n’a pas de nature à proprement parler et ne peut être défini qu’en fonction de sa mission actuelle, ainsi son nom ne peut avoir de signification quant à sa nature propre qui est inexistante. Il changera de nom en fonction de sa mission.

Mais les humains ne sont pas concernés par ce Rashi.


Réponse : Je ne partage pas ce point de vue, car il existe de nombreux exemples de personnages bibliques qui changent de nom, en fonction de leur mission, et Jacob est à ce titre emblématique, devenant Israel. Abram devient AbraHam et reçoit une lettre en plus, ce qui modifie son nom. Idem pour Sarah, et ils n'étaient pas des anges. Changer de nom, c'est changer de destin, c'est une chose que les psychanalystes ont vérifiée. Je crois que la leçon de Rachi concerne très précisément les hommes. Car si le verbe est à l'origine de la Création, alors son empreinte est partout, y compris dans les noms, et peut-être surtout dans les noms. A mes yeux, le nom appartient au régime du Verbe qui dirige le réel et la vie. Je rejoins en ce sens Moïse Cordovero pour qui le sens est dans les mots. "Le nom propre de l'homme est une marque, c'est sa première passion", écrit-il dans le "Palmier de Déborah".

Citation:
Rav Binyamin Wattenberg a écrit:
Toutefois, cela ne nous empêche pas d’analyser la portée de la pensée qui identifie Ma‘halat à Bassemat, même si ce n’est qu’au niveau du Drash, de la Agada (alors qu’au niveau Pshat –ou historique, il s’agirait de deux personnes distinctes) et votre proposition semble intéressante : ce « mariage » transformerait l’épouse malade (de ma’hala, maladie) en épouse « odoriférante » (de bossem, parfum)…

Je laisse à chacun le soin d’élaborer une théorie quant à la nature du mal et sa guérison et je me contente de retenir l’idée générale.


Réponse : d'accord avec vous, il est en effet prudent de ne pas s'engager sur ce terrain dès lors qu'il s'agit d'Ismael… Le Maharal a souvent parlé de la nécessité d'unir le Mi et le Ma en vue de créer une union qui aurait sa portée thérapeutique sur l'humanité.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
Citation:
Je ne partage pas ce point de vue, car il existe de nombreux exemples de personnages bibliques qui changent de nom…Changer de nom, c'est changer de destin…


Je ne disais pas qu’un humain ne PEUT pas changer de nom, mais seulement que lorsque Rashi dit « nous n’avons pas de nom fixe », il ne parle QUE des anges qui n’ont pas réellement de noms.

Les humains ont un nom, même s’il peut , parfois, changer et que ce changement serait en mesure d’affecter leur destiné.
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