Bonjour,
la fin de votre message manque.
Je ne sais donc pas ce à quoi vous pensez, mais il y a des tas de choses qu'il faut savoir ou qu'il serait bon de savoir et qui peuvent se bouquiner aux WC (en faisant attention de ne pas y traîner bêtement -malgré l'annonce de
rav Yehouda dans
Bra'hot 54b concernant le
maari'h bebeth akissé).
Mon maître
rabbi 'Haim Yaakov Rottenberg rentabilisait ces moments perdus en lisant un dictionnaire de la langue française.
Une fois le petit Robert digéré, on peut passer à une encyclopédie...
Il était très pointilleux sur les subtilités du langage et considérait qu'un ben thora doit savoir s'exprimer clairement dans les langues qu'il utilise, comme disait
Reb 'Haim Brisker:אז עס פעלט אין הסברה פעלט אין הבנה
Ce qui correspondrait en français à: Ce qui se conçoit bien s'énonce bien.
En fait, une incapacité à exprimer clairement sa pensée dénote d'une difficulté à la concevoir clairement.
Disposer d'un vocabulaire varié peut aider à la compréhension de finesses et de subtilités dans un raisonnement.
Ce même maître soutenait qu'il est une mitsva min athora d'apprendre l'Histoire (et pas seulement l'Histoire juive, d'ailleurs) comme l'indique le passouk dans
Dvarim (XXXII, 7).
Il est donc possible d'accomplir cette mitsva aux toilettes.
L'avantage du dictionnaire est qu'on risque moins la perte de temps en souhaitant terminer son chapitre...
Sinon, un autre de mes maîtres,
Rabbi Guedalia Nadel, lisait des revues scientifiques.
Ses connaissances dans différents domaines scientifiques étaient étonnantes. Ce qui est extraordinairement rare chez un gaon en Thora de son calibre.
Il y a énormément de choses intéressantes. Il est absolument impossible de s'ennuyer sur terre, à chacun de faire un choix en fonction de ce qui l'intéresse, que ce soit la médecine, les mathématiques, la botanique, la chimie, la géologie ou mille autres thèmes. Il y a de quoi bouquiner pour 120 ans sans sortir des WC !
C'est pourquoi, je pense qu'il est bon de donner la préférence aux ouvrages composés de petits chapitres, sans quoi on risque d'y perdre du temps qui aurait pu être consacré à de meilleures choses.
Rav Eliahou Abitbol de Strasbourg - à ce qu'on m'a dit - y lisait à une époque des ouvrages de philosophie.
Concernant l'étude de l'Histoire juive, certains ouvrages sont parsemés de maamarei 'hazal, et il ne conviendra pas de les lire dans ces endroits.
Pour ce qui est des livres du style de ceux de
Flavius Josèphe, c'est délicat. J'avais posé la question au grand
Rav Dovid Kohn de Flatbush il y a un peu plus de dix ans, qui penchait pour interdire seulement à un ben thora qui en viendrait nécessairement à penser à des divrei Thora. (comme la question est posée en mentionnant "pour un avre'h", je devais le préciser.)
Cet "interdit" est discutable, mais ce n'est pas le sujet.
Quant à l'étude du moussar, la question n'est que théorique car la quasi-totalité des sifrei moussar citent des maamarei 'hazal. Mais en supposant un sefer moussar sans divrei thora, personnellement je penche pour permettre sans problème, même si certains s'y opposent (en mentionnant le
Bartenora du début de pirkei Avot, mais je ne veux pas m'allonger).
Bref, un livre de morale comme on en trouvait avant, peut - selon moi - être lu aux WC.
Il y a même un sefer moussar "purement goy", le
'Heshbon Anéfesh de
rav Mendel Léfin-Satanover (imprimé en 1845 à Vilna) qui ne fait que reprendre un livre de morale de
Benjamin Franklin!
Bizarrement ce livre a été imprimé suite aux vives recommandations de
rav Israel Salanter.
(cf.
Tnouat amoussar I, p.260 note 15 et aussi
Making of a Godol p.XXI dans la note)
Je ne dis pas que c'est bizarre car l'auteur d'origine n'est pas juif, je n'y vois pas de problème, comme on dit
"Kabel [/shema] aémet mimi shéomro" (accepte la vérité de celui qui la dit) (Cf.
Rambam dans les 8 prakim -préface de Avot et repris par d'autres auteurs)
Voir aussi ce qu'écrit un autre rishon,
rabbi Yaakov bar Abba Mari bar Shimon bar Anatole (au passage, Anatole, cf: http://www.techouvot.com/prenom_en_hebreu-vt17478.html?highlight= ) dans son livre
Malmad atalmidim (Lyck 1866- vers la fin de la akdama, l'avant dernière page)
אין לבחון הדבר רק מצד עצמו ולא מצד אומרו
(Il écrit cela pour ne pas qu'on lui reproche de citer dans son sefer les interprétations du sage
Mickaël qu'il cite allègrement alors qu'il n'est pas juif.)
[Voir encore à ce sujet
Tossefet Bra'ha Bamidbar p.184 qui cite le
Malmad atalmidim (avec inexactitude -kedarko) et amène plusieurs preuves des 'hazal (plus de 20) qu'il n'y a pas de mal ni de honte à citer des non-juifs comme source.]
Je ne dis pas non plus que c'est bizarre étant donné le lien entre cet auteur et
Moses Mendelssohn. Seulement je trouve bizarre que
rav Israel Salanter ait été séduit à ce point par ce livre car personnellement je le trouve très très décevant - pour ne pas dire inquiétant.
En dehors du fait que la grande majorité des informations qui en ressortent ne sont pas intéressantes (elles n'amènent ni à la yira, ni à la ahava, ni à la tshouva, ni à la yedia), encore fallait-il que ces maigres informations soient disséminées au compte goutte parmi des phrases et des paragraphes mi-superflus mi-absurdes.
Les
Simanim 24 ou 26 par exemple devraient suffire à inquiéter un lecteur normalement constitué.
Le seul lien avec la tshouva que l'on pourrait y voir, c'est la kapara que doit procurer la souffrance de lire ce livre.
Personnellement, je n'aime pas lire qu'une partie d'un livre, je préfère le lire du début à la fin, mais pour celui-ci, j'ai dû faire exception (après m'être fait violence pour arriver jusqu'au §130) car je craignais sérieusement le bitoul Thora.
C'est surtout ses phrases extrêmement longues sans apporter de nouveaux éléments (au point de se demander s'il était payé au mot lors de la rédaction) qui me rendent ces lectures impossibles.
C'est aussi la raison pour laquelle je n'arrive pas à lire le
Pa'had Its'hak de
rav Hutner. Il mérite peut-être la palme d'or du sefer le plus mal rédigé - en fait ce n'est pas
rav Hutner qui l'a écrit (en hébreu) mais sa fille la
rabanit David - ou faut-il dire le
Dr Bruria David.
En sefer moussar d'un goy il y a aussi le
Sefer Amidot d'Aristote (je dis goy malgré que certains soutiennent qu'il se soit converti en fin de parcours, ce qui m'a l'air totalement farfelu même si de grands tsadikim ont cru en cette fable) traduit et imprimé à
Lemberg en 1877 par
Moshé Schulbaum.
Le très fameux
'Hovot Alevavot, bien que n'étant pas une traduction de livres d'auteurs non-juifs, il en est néanmoins fortement inspiré (d'auteurs arabes).
Il y a aussi le
Tsema'h Tsadik de
Rabbi Yehouda Arié de Modène (l'auteur du commentaire
Aboné sur le Ein Yaakov) qui n'est en fait qu'une traduction de
Fior di Virtù (la Fleur de la vertu) du moine
Thomas!
Les références au
Nouveau Testament ont été remplacées par des sources similaires parmi les
divrei 'hazal, le tout traduit en hébreu, imprimé à
Venise en 1600 et présenté comme sefer moussar.
(Ce livre a été réimprimé en
1899 à New York avec indications et références des sources par
Yaakov Druckerman, décédé à 52 ans juste avant la parution de ce livre sur lequel il avait travaillé.)
La page de garde laisse entendre que
Rabbi Y.A. en est l'auteur, mais il écrit lui-même dans
'Hayei Yehouda (p.42) qu'il n'en est que le traducteur.
Bon, je constate qu'une fois de plus je m'égare et sors totalement du sujet, je m'arrête donc là. Il y a encore d'autres sfarim qui se basent sur des enseignements de non-juifs, voir encore tout ce qu'écrit
rabbi Azaria dei Rossi dans son
Meor Enayim ('helek Imrei Bina §2) pour se justifier d'avoir cité tant de non-juifs (faut dire qu'il ne radine pas, il doit en citer une bonne centaine en tout !).
Je conclus donc en conseillant de lire en ces moments condamnés:
- de l'Histoire (en chapitres courts)
- un dictionnaire
- des revues scientifiques
- et éventuellement du moussar dépourvu de maamarei 'hazal.
J'ajoute encore que ceci était pour répondre à la question "que lire", mais l'on peut aussi mettre à profit ces moments de "bedidout" (comme on dit à
Novhardok) pour faire un petit 'heshbon anéfesh (introspection).
PS: je ne me relis pas, sorry pour les fautes et je prie le lecteur offusqué par ma critique du livre de
Benjamin Franklin (avec amlatsa de
rav Israel Salanter) ou du
Pa'had Its'hak, de bien noter que je n'entends nullement imposer mon opinion.
Je ne fais que la partager avec ceux qui y seraient sensibles (positivement), mais je respecte les fans du
Pa'had Its'hak qui trouvent qu'il ne comporte pas un seul mot superflu et que chaque phrase est pesée et construite avec sagesse.