La Guemara (Chabbath 135a) pose comme un principe irréfragable qu’un enfant né dans le huitième mois de la grossesse de sa mère ne peut survivre, de sorte qu’il n’est pas permis de transgresser le Chabbath pour le sauver.
Le texte dans Sanhédrin 84b ne fait que tirer certaines des conséquences de ce principe.
La science moderne tient pour acquis, en revanche, que l’enfant né dans le huitième mois est viable.
Selon le ‘Hazon ich (Yoré dé‘a 155, 4), les Sages avaient observé, à l’époque de la Guemara, que les enfants nés le septième mois survivaient rarement, et que le taux de viabilité diminuait encore pour ceux qui naissaient le huitième mois.
Tel était d’ailleurs le point de vue des médecins de l’époque comme Hippocrate et Galien (voir J. Preuss, Biblical and Talmudic Medicine, 14, 14).
En ce temps-là, le taux de mortalité chez les nouveaux-nés était très élevé, et beaucoup de nourrissons ne survivaient pas au-delà de leur premier mois. Passé ce premier mois, leurs chances de survie allaient en augmentant.
Selon le Choul‘han ‘aroukh (Ora‘h ‘hayim 330, 7 et 8 ; Yoré dé‘a 266, 11), un enfant né pendant le huitième mois mais qui porte des ongles et des cheveux est considéré comme viable au regard des lois sur le Chabbath.
Observons que la non-viabilité d’un enfant né dans le huitième mois comporte des conséquences halakhiques. C’est ainsi qu’une veuve dont le seul enfant est né dans ce mois-là est considérée comme n’ayant pas eu d’enfant au regard des lois sur le lévirat (Yebamoth 80a et b).
Beaucoup de rabbins considèrent aujourd’hui que la nature a changé depuis l’époque de la Guemara (voir notamment ‘Hazon ich, loc. cit.). Sans se prononcer sur les causes de ce changement (meilleure surveillance prénatale, alimentation plus saine…), ils estiment que les enfants nés dans le huitième mois sont viables, avec toutes les conséquences que cela comporte (possibilité de transgresser les lois du Chabbath afin de les sauver, et maternité tenue pour acquise chez une veuve sans autre enfant).
D’autres autorités comme le Min‘hath Yits‘haq ne partagent pas ce point de vue. Celui-ci n’accepte pas que l’on puisse dire que la thèse de la Guemara a cessé d’être exacte. L’enfant né à huit mois est fondamentalement moins viable que les autres, mais il est de fait que la science médicale moderne peut l’aider à survivre. Ce n’est pas que la nature ait changé, mais c’est la médecine moderne qui a découvert les moyens d’aider à survivre ceux qui ne sont pas viables.