Hachem, après l’épisode de la tour de Babel, ne fit pas que disperser les humains à travers les continents, mais Il « confondit leur langage » (Berèchith 11, 9), introduisant ainsi l’extrême diversité des langues parlées dans le monde, en même temps que l’impossibilité pour les hommes de retrouver la langue unique qu’ils connaissaient jusqu’alors.
Il est vrai que notre tradition affirme que l’hébreu a été la langue originelle de toutes celles que parle l’humanité. C’est ainsi que Rachi indique que le monde a été créé avec la langue « sainte », c’est-à-dire l’hébreu de la Tora (ad Berèchith 2, 23), puis que cette langue sainte était parlée sur toute la terre (ad Berèchith 11, 1).
Mais cette différenciation entre les langues n’en a pas moins entraîné une incompréhension générale entre les hommes, et créé entre eux des fossés parfois infranchissables.
De plus, elle a contribué à façonner les différences culturelles entre les civilisations. C’est ainsi que les langues indo-européennes, et notamment celles qui sont issues du latin, connaissent le verbe « avoir ». Lorsque quelqu’un affirme, par exemple : « J’ai une maison », il déclare par là que le lien qui le relie à sa maison est de nature réelle, et que rien ne s’interpose entre le possédant et ce qui est possédé.
En hébreu cependant, ainsi que dans l’ensemble des langues sémitiques, le verbe « avoir » n’existe pas, et l’idée de propriété est rendue par « est à ». L’hébraïsant ne dit pas : « J’ai une maison », mais : « Une maison est à moi ». Cette affirmation signifie que s’est interposé entre le possédant et ce qui est possédé un lien personnel, apte à exprimer toutes les formes de spiritualité, ce que le verbe « avoir » est incapable de traduire.