Citation:
Pouvez-vous svp m’indiquer un ah'arone connu ou autre avis qui reprend à son compte la chita des tossafot sur Mayime Ah'aronime, qu'on n'est pas obligé de le faire quand il n’y a pas de mélah sédomit (sel).
Les achkénazimes ne font pas Mayime Ah'aronime en se reposant sur cet avis des tossafot et je pense qu’il y a aussi des aharonime mais je cherche au moins un nom.
Vous parlez des
Tosfot Brakhot (53b), Erouvin (17b) et ‘Houlin (105b), et me demandez quel Possek retiendrait leur avis.
Eh bien il y a déjà le
Rama qui tranche comme
Tosfot (cf.
Darkhei Moshé o’’h §181,1).
Je vous citerais aussi volontiers le
Yaabets (Mor Ouktsia §181) qui écrit que l’obligation de Mayim A’haronim ne concernait que leur époque -où ils mangeaient avec les doigts- mais de nos jours, nous mangeons avec des couverts et ce n’est donc pas nécessaire. Ainsi, celui qui sait qu’il n’a pas touché la nourriture avec ses mains n’a pas besoin de faire Mayim A’haronim.
Cependant, le
Yaabets étant un champion pour se contredire, il écrit exactement l’inverse dans son
Sidour (Daf 117c, chapitre sur Mayim A’haronim §2), soutenant que ceux qui exemptent les mains propres de Mayim A’haronim sont dans l’erreur puisque la Takana n’établit pas de distinction et ne s’annule pas en raison d’une apparente suppression de sa raison d’être.
Cette idée existe dans une Gzeira, qui devient une Mitsva Derabanan, elle ne s’annulera pas suite à l’annulation de sa raison, mais le
Ba’h (§181) écrivait déjà (pour expliquer les
Tosfot) qu’étant donné que Mayim A’haronim n’est pas une « mitsva » mais seulement une « ‘hova » car le sens de la Takana est pour les besoins de l’homme (pour lui éviter un accident de Méla’h Sedomit), si l’homme n’en a plus besoin (car il n’y aurait plus de Méla’h Sedomit), il n’est plus nécessaire de faire Mayim A’haronim.
C’est aussi ce qu’écrivent le
Shibolei Haléket (§149) et le
Maté Moshé (§306) au nom de
Rabbi Klonimus, qui considère donc que cette Halakha de Mayim A’haronim ne serait plus d’actualité.
Toutefois, ces explications selon lesquelles la raison aurait disparu, ne convainquent pas les kabbalistes, car le
Zohar (II, 154b) parle de terribles « secrets » dans Mayim A’haronim (qui permettent de repousser les démons qui chercheraient sans cela à lui causer du tort etc.) et le
Shout Min Hashamayim (§57) annonce que négliger Mayim A’haronim est mauvais pour la longévité.
C’est pourquoi ces kabbalistes considèrent qu’en dépit de la disparition de toutes les raisons, il est indispensable de continuer à faire Mayim A’haronim (voir encore
Kav Hayashar §13).
Nous trouvons aussi des Poskim qui suivent cette voie, parmi eux le
Maharshal, le
Maguen Avraham, le
Gaon de Vilna et le
Birkhei Yossef cités par le
Mishna Broura (§181, sk.22).
Je précise tout de même qu’un grand kabbaliste, le
Yaabets (Mor Ouktsia §181), écrit que
même d’après la kabbala, si l’on a les mains propres, il n’est pas nécessaire de faire Mayim A’haronim.
Il existe encore une idée dans les Rishonim, le
Mordekhaï (Brakhot VIII, §207) explique que même si, à l’époque de ‘Hazal, se passer de faire Mayim A’haronim était considéré comme faire le Birkat Hamazon avec les « mains sales », c’était parce que tout le monde se lavait les mains après le repas, donc ne pas se les laver équivalait à avoir les mains sales même si elles étaient propres ce jour-là. Mais de nos jours où l’on ne se lave plus les mains en fin de repas, les mains ne seront pas considérées comme sales (sauf si elles le sont objectivement). Voir aussi
Tour (§181), Levoush (§181), Maguen Avraham (§181, sk.8).
Il faut aussi noter qu’à part la disparition du Méla’h Sedomit de nos tables, nos ancêtres avaient l’habitude de prendre un peu de sel après chaque consommation
(Brakhot 40a) et c’est pourquoi ils avaient toujours les doigts « salés » en fin de repas, d’où la nécessite des Mayim A’haronim
(Rashi Erouvin 17b).
C’est ce qui amène le
Tosfot (Erouvin 17b) à donner deux raisons pour nous dispenser de Mayim A’haronim, d’une part car il n’y a plus de Méla’h Sedomit et d’autre part car nous ne nous trempons pas les doigts dans le sel en fin de repas.
Le
Shibolei Haléket (§149) et le
Maté Moshé (§310) donne aussi une autre raison : cette Halakha (Mayim A’haronim) serait tombée en désuétude car le risque de roua’h raa en cas de renversement aurait découragé les gens de la maintenir.