Citation:
Le Ben Yehoyada sur Batra 123a explique que Léa était prête à faire faire techouva à Essav mais lorsqu’elle a compris qu'Essav a vécu avec Yaacov qui était tellement tsadik et que ça n'a pas eu d’influence sur lui, Léa se serait découragée, et aurait pleuré.
D’après cette explication, est-ce qu’on peut demander pourquoi Léa n’a pas été punie comme Yaacov sur le fait qu'elle a empêché la techouva d’Essav par sa Tefila ? Ou il faut juste dire que sa Tefila n’est pas une action concrète comme celle d’enfermer Dina ?
À part ça, est-ce que Dîna aurait quelque chose en plus que Léa qui aurait permis de faire faire techouva a Essav et c’est pourquoi le Midrach Raba rapporté par Rachi serait « sévère » dans le cas de Dîna et pas dans celui de Léa ?
Vous demandez pourquoi il y a eu reproche/punition dans le cas de Dina et non dans celui de Léa, étant donné que l’une comme l’autre aurait pu, a priori, faire faire Tshouva à Essav etc.
Tout d’abord je suis tenté de vous rétorquer : qui vous a dit que Léa n’a pas été punie ? N’avez-vous pas vu les versets qui racontent que Léa a été « Snoua », qu’elle n’était pas aimée de son mari et en souffrait ?
Mais, en réalité, il faut analyser un peu plus loin : qu’est-ce que c’est que cet argument contre Yaakov/Dina ?
comment peut-on reprocher à Yaakov de protéger sa fille d’un tel barbare
(Essav) ?
Quel père responsable aurait souhaité avoir Essav pour gendre ?
Le Talmud lui-même
(Psa’him daf 49) compare celui qui marie sa fille à un Am Haarets à celui qui l’attache dans la jungle face à un lion.
(La comparaison indique aussi qu’à l’instar du lion qui piétine ses proies, le Am Haarets est celui qui frappe sa femme.
Les violences conjugales sont une caractéristique propre au Am Haarets et incompatibles avec la Yirat Shamayim.)
[Précision : il y a deux catégories distinctes de personnes qui sont pourtant toutes deux indistinctement qualifiées de Amei Haarets dans le Talmud.
Il y a l’ignorant, et l’ignorant vandale/malotru.
C-à-d qu’en sus de son ignorance/son illettrisme, il cultive aussi de mauvaises Midot.
Cf.
Tosfot Sotah 22a (s.v. kol) qu'il y a plusieurs niveaux de Amei Haarets dans le Talmud. Voyez aussi le
Rif et le
Ran (Psa'him 16a) qui distinguent le Am Haarets simple ignorant du Am aarets ignorant et vandale (voir encore
Saneigor p.76). Ce texte de
Psa’him (49) parle de la seconde catégorie.]
Comment peut-on donc reprocher à Yaakov de protéger Dina ?
Plus encore, l’argument selon lequel «
elle aurait peut-être pu lui faire faire Tshouva » indique à lui seul qu’elle aurait aussi pu y échouer, doit-on ainsi se sacrifier et prendre des risques incommensurables ?
Voici l’explication de
Reb ‘Hatskel Lewinstein, et avant lui du
Saba de Kelm : Yaakov a eu parfaitement raison d’enfermer Dina dans ce coffre
(et aurait mérité punition pour l’inverse), ce qui lui a été reproché c’est qu’en fermant le coffre, il a fermé « à double tour », façon de dire qu’en fermant, il a ressenti une satisfaction qu’ainsi Essav ne pourrait l’avoir (la voir puis l’avoir) et «
bien fait pour lui ! ».
Yaakov aurait certes dû cacher et enfermer Dina mais en ayant un pincement au cœur, un ressenti de tristesse de ne pouvoir marier sa fille à son frère alors qu’elle pourrait, peut-être, l’amener à résipiscence.
[Précision : à cette époque et dans leurs mœurs, il était très classique et même souhaité de se marier ainsi en famille proche.]
Selon cette explication, votre question disparait ; personne ne doit souhaiter se marier à Essav, mais on reproche à Yaakov de le faire joyeusement alors qu’il aurait dû en être triste.