On dit souvent que la Tora contient en elle l’intégralité des connaissances humaines. Comment pourrait-on expliquer autrement que Moïse ait triomphé des savants égyptiens convoqués par Pharaon, que Joseph et Daniel soient devenus les conseillers écoutés des rois d’Egypte et de Babylone ? Et plus récemment, le savoir d’un Abarbanel, mentor des rois d’Espagne et du Portugal, ou celui d’un ‘Hazon Ich, qui conseillait les chirurgiens dans la pratique de leur art, ne sont-ils pas la preuve étonnante de cette universalité de la Tora ?
De la même façon, on nous apprend que Hachem, lorsqu’Il a créé le monde, a commencé par regarder dans la Tora comme l’architecte consulte ses plans avant d’entreprendre la construction d’un immeuble (Berèchith rabba 1, 1).
Il convient cependant de nuancer cette affirmation quelque peu péremptoire, dont nos Sages se sont parfois eux-mêmes dégagés.
Nous trouvons dans la Guemara un certain nombre de récits où de grands Maîtres ont abandonné leur étude de la Tora pour se livrer à des recherches d’ordre scientifique :
Rav, l’un des plus éminents amoraïm, déclare avoir passé dix-huit mois en compagnie d’un berger, pour bien savoir quels défauts (pouvant rendre une bête inapte à être offerte en sacrifice) sont définitifs et lesquels ne sont que passagers (Sanhédrin 5b).
De même, Rabbi Chim‘on ben ‘Halafta s’est livré à de multiples expériences avant de pouvoir décider si une volaille ayant perdu ses plumes est néanmoins cachère (‘Houlin 57b).
Et la Guemara Bekhoroth 45a de rapporter dans le détail les autopsies qui ont été pratiquées sur des animaux afin d’en mesurer le degré d’impureté.
Ces anecdotes sont d’autant plus significatives quand on sait l’aversion des Sages en Tora pour tout gaspillage du temps consacré à l’étude (bitoul zeman). Ce gaspillage aurait été impardonnable aux yeux de ces Sages s’ils avaient pu se référer à leur propre savoir et à celui que leur avaient trasnmis leurs maîtres.
Force est donc d’admettre qu’ils sont allés chercher ailleurs un savoir que ne pouvait pas leur procurer la Tora.
On peut observer, au surplus, dans le cas de Rav et dans celui rapporté dans la Guemara Bekhoroth, que les recherches effectuées étaient dépourvues de tout intérêt pratique, les sacrifices et les problèmes d’impureté n’étant plus à l’ordre du jour depuis la destruction du Temple.
Aussi bien, l’affirmation selon laquelle la Tora contient la somme de la connaissance humaine ne doit-elle pas être prise dans un sens dogmatique et absolu, mais comme une métaphore. C’est sur un plan spirituel que la Tora contient la science, et plus généralement l’ensemble du savoir humain. Elle représente un savoir éternel, par opposition à ce que l’on appelle la ‘hokhma ‘hitsonith (« sagesse extérieure »), qui n’est, elle, que transitoire et discontinue.