La tribu d’Efrayim, mécontente de n’avoir pas participé aux combats menés par Jephté contre les Ammonites, a reproché à celui-ci de n’avoir pas fait appel à elle, et elle l’a menacé de le brûler, ainsi que sa maison (Choftim 12, 1). Selon Rachi et Metsoudath David, l’origine de ce conflit tenait à ce qu’Efrayim méprisait Guil‘ad, clan d’origine de Jephté.
Si celui-ci avait su déployer des dons de diplomate dans ses négociations avec le roi des Ammonites, il ne les a pas retrouvés avec Efrayim. Et pourtant, il aurait suffi de peu de chose : Gédéon, rappelons-nous, avait su, en son temps, calmer les ardeurs querelleuses de la même tribu d’Efrayim, qui lui avait adressé le même reproche : « Pourquoi ne nous as-tu pas appelés lorsque tu es allé faire la guerre contre Midyan ? » (Choftim 8, 1) Par d’habiles flatteries, lui qui était issu, tout comme Jephté, de la tribu de Manassé, il avait ramené ses contradicteurs à la raison.
Mais Jephté, loin de calmer les esprits, jeta de l’huile sur le feu : « Je vous ai appelés, et vous n’êtes pas venus. Pourquoi ne m’avez-vous pas assisté pendant que je me battais contre les Ammonites ? » (Choftim 12, 2 et 3)
Une guerre fratricide éclata entre les hommes de Jephté et la tribu d’Efrayim. Lorsque les membres de celle-ci, en déroute, voulurent traverser le Jourdain, ils se heurtèrent à leurs adversaires qui en avaient barré les gués.
Lorsqu’un voyageur voulait passer, les gens de Guil‘ad lui demandaient s’il était de la tribu d’Efrayim. S’il répondait par la négative, on l’invitait à prononcer le mot chiboleth, mot signifiant « torrent d’eau » (Voir Metsoudath Tsion ad 12, 6, qui rattache le mot à Psaumes 69, 3).
Or, les membres de la tribu d’Efrayim étaient tous affligés d’un même défaut de prononciation. Comme ils étaient incapables d’articuler le mot chiboleth, ils répondaient siboleth, et ils étaient aussitôt égorgés (Choftim 12, 6).
Le nombre des victimes de cette guerre intertribale s’est élevé à quarante-deux mille.
Signalons que, pour Radaq, ce défaut de prononciation était le même que celui dont étaient affligés les Français de son époque : Ils ne pouvaient prononcer le son « ch », qu’ils remplaçaient par un « t » articulé de façon relâchée, probablement comme un « th » anglais.
Il n’existe pas, à ma connaissance, dans la littérature rabbinique, d’autre explication de ce funeste défaut de prononciation.