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La réponse de qualité à vos questions

bitahon et somekh al haness

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Yoav Chetrit
Messages: 61
Bonjour rav
J’ai vu hier dans le sefer du Hidouchei Harim un Midrash que le Rav ramenait sur l'épisode où hagar s’est retrouvée seule dans l'entrée désert avec son fils et a prié hachem pour avoir de l'eau. Le Midrash dit que « vatemale ete ahemete » vient nous apprendre que Hagar avait une petite emouna car elle n'aurait pas dû faire de réserve. Le rav expliquait de ce midrash un yessod sur le bitahon que plus on a de bitahon moins on a besoin de ichtadlout pour avoir ce qu'on a besoin (si j'ai bien compris) ce qu'il explique que si Hagar a fait des « réserves ». D'où mes questions.
Comment comprendre de reprocher ça à Hagar qui était dans le désert ?
Normalement on peut pas être someh al aness ?
J'ai essayé d'être concis, excusez-moi si c'est pas clair.

Merci beaucoup pour votre temps que où se nous ça accordez.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6640
Citation:
J’ai vu hier dans le sefer du hidouchei arim un midrash que le rav ramenait sur l’épisode où hagar c’est retrouver seul dans l’entrée désert avec son fils et à prier hachem pour avoir de l’eau . Le midrash dit que « vatemale ete ahemete » vient nous apprendre que hagar avait une petite emouna car elle n’aurait pas du faire de réserve . Le rav expliquait de ce midrash un yessod sur le bitahon que plus on a de bitahon moins on a besoin de ichtadlout pour avoir ce qu’on a besoin (si j’ai bien compris ) ce qu’il explique que si hagar a fait des « réserves » D’ou Mes questions ?
Comment comprendre de reprocher ça à Agar qui était dans le désert ?
Normalement on peut pas être someh al aness ?


Excellente question.
Elle nous amène à un point capital de Hashkafa qui nécessite une certaine maturité afin d’être compris convenablement :
Certains A’haronim ont élaboré des idées et même des Maarakhot de Hashkafot sur des bases parfois très discutables, voire même erronées.

Ce cas en fait, selon moi, partie.
S’ils s’étaient donné la peine de vérifier les explications données par les Mefarshim, ils auraient au moins compris que leur base ne tient pas.

Si vous regardez les Mefarshim classiques du Midrash (Bereshit Raba LIII, 14 -ou 19 selon les éditions), tous suivent le Yefei Toar qui exclut la lecture rapportée dans le ‘Hidoushei Harim que vous indiquez.

Le Yefé Toar explique que le manque de Emouna de Hagar est souligné parce qu’elle est allée remplir l’outre (pour mettre de côté) AVANT de donner à boire à Yishmael qui était agonisant, elle craignait que cette source disparaisse (puisqu’elle ne l’avait pas vue avant) ou se tarisse (Radal et Imrei Yosher) alors que le Malakh lui a dit qu’elle y trouverait l’eau qu’il lui faut.

C’est aussi la lecture du Ets Yossef, du Radal et du Imrei Yosher, voir aussi Yedei Moshé.
Ou encore dans le Maharazou nous trouvons une explication similaire en soulignant que le manque d’Emouna en ne donnant pas à boire tout de suite à son fils est conséquent, car D.ieu avait promis qu’il serait un grand peuple, elle aurait donc dû lui donner à boire tranquillement et savoir qu’il y aurait encore de l’eau pour la suite, qu’ils ne mourront pas dans le désert.

En tout cas, toutes ces lectures s’opposent à l’explication donnée dans le ‘Hidoushei Harim, qui reprend une Hashkafa qu’on ne retrouve QUE chez des A’haronim, à l’opposé des Rishonim qui se sont exprimés sur le sujet du Bita’hon en général.

Si vous voulez une synthèse claire et explicite de ce qu’est le Bita’hon à l’époque des Rishonim, dans leur Torah qui ne connaissait pas les « nouvelles hashkafot élaborées par certains A’haronim », voyez le Rabénou Be’hayei dans sa préface à Parshat Shla’h.
Il y dit très clairement que la Torah IMPOSE à l’homme de faire TOUT ce qui est normal de faire « Bederekh Hatéva », c’est seulement ENSUITE qu’intervient le Bita’hon en D.ieu.

Par exemple, lorsque l’homme part en guerre, il doit s’armer (etc.) et c’est ensuite qu’entre en jeu le Bita’hon, car il arrive que celui qui est parfaitement armé perde et que celui qui n’est pas armé convenablement gagne. Idem pour le malade, il faudra lui faire des soins, lui cuisiner des plats adaptés, mais on ne mettra sa confiance qu’en D.ieu car il arrive qu’un malade décède en dépit de tous les soins et qu’un autre malade qui n’a bénéficié d’aucun soin guérisse quand même.

C’est la Hashkafa qu’on retrouve chez les Rishonim qui imposent de faire une Hishtadlout « normale », à l’encontre de ce que certains A’haronim ont dit qu’il faudrait minimiser la Hishtadlout et vivre en étant Somekh Al Haness.

[Précision : certains apportent le Ramban qui s’oppose aux médicaments, il serait donc lui aussi, opposé à la Hishtadlout.
Mais il faut comprendre que le Ramban dit qu'il ne faut pas faire de Hishtadlout QUE parce qu'il y a une promesse divine (Vahassiroti ma'hala mikirbekha), mais pas qu'il s'oppose systématiquement à la Hishtadlout.
Voir encore ici : https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=46535#46535 au nom de Rav Wolbe.

D’autres encore citent le Rabénou Yona (Mishlei III, 26), mais une lecture attentive de ce qu’il écrit permet de comprendre que cela ne contredit pas le ‘Hazon Ish (qui dénonce cette hashkafa « moderne » chez certains A’haronim, voir plus bas). D’ailleurs, il est cité par Rabénou Be’hayei dans Kad hakema’h (Bita’hon, sv. Inian, Mossad Harav Kook, p.72), sans que celui-ci n’y voie de contradiction à sa vision rapportée plus haut (préface de Shla’h).]

La Hashkafa des Rishonim transparait dans tous les Psoukim.
Déjà dans Mishlei (XXI, 31) qui est le verset sur lequel Rabénou Be’hayei (op cit) s’appuie, mais aussi la lecture de tout le Tanakh la confirme à maintes reprises.
Les Bnei Israel qui (avaient la promesse de D.ieu qu’ils) allaient conquérir Erets Kenaan ne se sont pas dit qu’il suffirait de marcher tranquillou les mains dans les poches sans être armés.
Pareil pour les armées de David Hamelekh.
Pourquoi Yaakov a travaillé durement ? Ne savait-il pas qu’en restant assis les bras croisés et en s’armant de plein de « Bita’hon », D.ieu lui enverrait tout ce qu’il pourrait obtenir par le travail (parnassa et les femmes qui lui sont destinées) ?
Pourquoi Noa’h doit construire un bateau demande Rabénou Be’hayei, pourtant si D.ieu souhaitait le faire marcher sur l’eau rien ne s’y serait opposé. Etc.

La notion de Bita’hon a été réinventée (pour ne pas dire défigurée) par certains A’haronim, à l’encontre des Rishonim qu’ils n’ont pas vus ou qu’ils ont mal compris. Cette « déviation » a déjà été dénoncée par le ‘Hazon Ish (voyez Emouna Oubita’hon, début de §2) en écrivant : טעות נושנת נתאזרחה בלב רבים במושג בטחון

Il y dénonce l’interprétation du Bita’hon comme un devoir de croire que tout ira bien. Ce qui est (selon lui) faux, rien ne permet de dire que tout ira bien si l’on n’a pas un prophète qui nous l’annonce.
Le Bita’hon c’est seulement le fait de croire qu’il n’y a rien qui serait le fruit du hasard (non voulu par D.ieu), mais tout est voulu et « validé » par D.ieu.

Les A’haronim que le ‘Hazon Ish dénonce ont élaboré une nouvelle lecture du concept de Bita’hon, c’est souvent sous influence ‘Hassidique, il n’est pas anecdotique que vous ayez trouvé ça dans le ‘Hidoushei Harim (premier Rabbi de Gur), c’est très présent aussi chez ‘Habad, c’est le fameux « Trakht Gut, Vet Zein Gut » (~pense positif et ça ira bien), mais ça se retrouve aussi chez le Brisker Rov et d’autres Litvaks.

La position du ‘Hazon Ish n’implique pas forcément l’absence de toute force psychique qui établirait une corrélation entre la pensée positive et un résultat plus positif, mais elle stipule tout de même que ce n’est PAS la notion de Bita’hon du judaïsme.

Le Bitah’on ne promet pas que ce qui arrivera te plaira, mais qu’il est voulu par D.ieu.
Alors que selon les A’haronim dénoncés, le Bita’hon implique que j’aurais ma parnassa et tout le reste.

Cette Hashkafa « moderne » a nécessairement amené les mêmes Rabbanim à voir une sorte de contradiction, ou plutôt de confrontation, entre le Bita’hon et la Hishtadlout (vous remarquerez que cette difficulté n’a pas été soulignée ni remarquée par les Rishonim, c’est bien parce qu’elle n’existait pas à leurs yeux).
Il fallait donc réconcilier ces deux notions du judaïsme qui paraissaient désormais en contradiction Et c’est là qu’ils ont prolongé leur nouvelle Hashkafa en expliquant que la Hishtadlout n’est nécessaire qu’en fonction du manque de Bita’hon de la personne.

Mais pour le ‘Hazon Ish (et les Rishonim), ces deux notions ne se contredisent pas ; il faut faire une Hishtadlout « humaine », normale, et en même temps avoir Bita’hon que ce qui nous arrivera est voulu par D.ieu.

En appliquant ceci à Hagar, il ne convient pas de lui reprocher d’avoir rempli son outre. Outre le fait que le danger fut évident, il aurait fallu être vraiment gourde pour ne pas la remplir et se dire que son Bita’hon lui garantirait de s’en sortir même en délaissant la source qui se présentait à elle.
A ce compte, elle aurait tout aussi bien pu se dire qu’il n’est pas nécessaire de boire ni de donner à boire à son fils, mais se contenter de Bita’hon qu’ils vivront.

Citation:
Je ai essayer d’etre Concis . Excusez moi si c’est pas clair .

Merci pour la concision, ça suffit amplement, la question était très claire, bravo.

Citation:
Merci beaucoup pour votre temps que où se nous ça accordez

Là pour le coup c’est un peu moins clair (« que où se nous ça accordez » ??), mais je devine l’intention 😊

En tout cas, bravo pour votre question car elle vient mettre le doigt sur un point important, un Yessod capital en Hashkafa, même si ce n’est pas celui qui est présenté dans le ‘Hidoushei Harim.

PS: je ne me relis pas, veuillez excuser les fautes.
Yoav Chetrit
Messages: 61
Bonjour rav
Merci beaucoup pour votre réponse comme toujours d’une grande clarté.

Je me permet de vous citez. Vous avez mentionné le rabenou behaye en disant que « la Torah IMPOSE à l’homme de faire TOUT ce qui est normal de faire « Bederekh Hatéva », c’est seulement ENSUITE qu’intervient le Bita’hon en D.ieu. »

Si je comprend bien votre explication, la réel démarche de bitahon qu’impose la Torah ne se trouve pas dans les actes de hishtadlout mais dans la pensée de la personne lorsqu’elle va voir le résultat de son effort. Va t-elle alors dire que se sont ses efforts qui lui ont permis d’en arriver la.

Mais à ce moment la comment différencie t-on une personne qui a du bitahon d’une personne qui n’en a pas?
Concrètement dans certaine situation comment définir si jai oui ou non agis avec bitahon ?
Y a t-il un moment ou l’on va dire: attention tu a fais trop de hishtadloute ?

Y a t-il limite dans la hishtadloute ?

Je vais vous donner un exemple concret.

Une personne qui a du s’endetter pour payer des frais médicaux important et qui doit rembourser sa dette. Ils voyagent donc à l’étranger pour essayer de récolter de l’argent mais revient bredouille. Doit il continuer sa hishtadloute ou peut il dire ça yest j’ai fais suffisamment d’effort hachem m’aidera à rembourser ou bien si hachem n’a pas fais réussire cette collecte c’est que il ne voulais pas que j’ai cette argent ou au contraire hachem veut que je fasse plus de hishtadloute ?

Si les hishtadloutes que nous faisons al pi dereh Ateva n’ont pas aboutis à un résultat faut il continuer ?

Si vous connaissez des exemples concret pour étayer votre réponse ça m’aiderai beaucoup.

Merci à vous
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6640
Oui, bien sûr, il y a des situations où l’homme peut pécher par trop de Hishtadlout.

Mais dans le cas dont vous parlez, il se peut aussi que le problème soit ailleurs (les israéliens s’imaginent souvent qu’il suffit de prendre l’avion pour récolter les sous dont on a besoin…).

Il vaut mieux parfois sensibiliser les bonnes personnes plutôt que de "voyager" et venir en Europe ou aux USA pour "récolter" des sous.

Celui qui fait dix fois une Hishtadlout inadaptée, n’arrivera pas à grand-chose.

Le fait de faire Hishtadout n’exempte pas de réfléchir.

J’ai été confronté à plusieurs reprises à des cas plus ou moins similaires, où quelqu’un vient d’Israël sans crier gare ni prévenir, il débarque sans avoir préparé son séjour en France et finalement il s’en tire tout juste avec de quoi rembourser ses frais de voyage.
C’est donc d’une stupidité double: d'abord il a perdu son temps, et en plus il a gaspillé de l’argent de Tsedaka puisque cet effort consenti par les donateurs n’aura servi qu’à « réparer » la bêtise de cette personne qui est venue sans réfléchir avant.

A propos d’une Hishtadlout excessive, le ‘Hazon Ish disait qu’il ne faut pas s’obstiner en Hishtadlout, lorsqu’on frappe au marteau sur un clou pour le faire rentrer dans le mur et que le clou n’entre pas, au bout d’un moment il se tord. (voir Kountras Ouvodot Mimaran Ha’hazon Ish §2) :
יש ליזהר מהשתדלות מרובה, משל לאדם הדופק מסמר בקיר, ככל שממשיך לדפוק המסמר מתעקם.

La règle restera la même : il faut faire une Hishtadlout NORMALE.

La seule difficulté -pour certains- est de savoir ce qui est normal et ce qui ne l’est pas.

Une Hishtadlout normale signifie qu’elle doit être normale en quantité comme en qualité.
En quantité, c’est ne pas en faire trop ni pas assez. Mais « Al Pi Derekh Hatéva, normalement ».
Et en qualité, vient exclure l’israélien qui pense que prendre l’avion pour la France est une Histadlout.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6640
Concernant l’idée selon laquelle il n’y a pas de lien entre la Hishtadlout et la réussite financière, elle ne veut que dire qu’il n’y a pas obligatoirement un rapport proportionnel à la Hishtadlout, mais il est évident qu’il y a tout de même un rapport.

Je veux dire qu’on peut certes être chirurgien et pauvre, ou éboueur et riche, mais dans la majorité des cas c’est l’inverse.

Il est donc faux de dire que « puisqu’on peut devenir riche avec n’importe quel travail », c’est « qu’on a autant de chances de devenir riche avec n’importe quel travail ».

Il est évident que certains métiers permettent plus de devenir riche que d’autres.

C’est dit très clairement dans la Gmara Nida (70b) :

מה יעשה אדם ויתעשר אמר להן ירבה בסחורה וישא ויתן באמונה. אמרו לו הרבה עשו כן ולא הועילו. אלא יבקש רחמים ממי שהעושר שלו וכו' מאי קמ"ל דהא בלא הא לא סגי

On nous dit bien que celui qui veut devenir riche doit travailler beaucoup mais honnêtement, et prier.
On précise même qu’on ne pourra PAS se contenter de prier. CQFD.

Il ressort de cette même Gmara (voir Nida 70b un peu au-dessus) que cette volonté de devenir riche n’est pas compatible avec la volonté de devenir sage, qui elle, impose de diminuer son temps de travail.
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