Citation:
J'ai l'impression, peut être à tort, que le Rama va à l'encontre du projet du Choulhan Arouh.
Rav Yossef Karo voyant la diversité qui s'est installée en matière de Halacha a le projet de faire une synthèse valable pour tous les Juifs. Il tranche en fonction des 3 piliers : le Rif , possek représentant l'Espagne et l'Afrique du nord, le Rambam , possek représentant le moyen orient, le Roch , possek représentant l'Europe. Ainsi il couvre l'ensemble des Juifs de l'époque.
Le Rama en ramenant les particularités achkénaze, va à l'encontre du projet de synthèse. Sans doute estime -t-il l'abandon des particularités achkénazes trop dures à mettre en œuvre ?
Non, non, détrompez-vous, le
Rama ne cherchait pas à contrer le projet du
Shoul’han Aroukh, qui n’était pas celui que vous croyez.
Rav Yossef Karo n’avait pas l’ambition d’unifier le Psak Halakha, là vous confondez avec
Rav Ovadia Yossef.
Rav Karo voulait, en écrivant le
Shoul’han Aroukh, produire un livre de synthèse des décisions halakhiques à suivre, selon lui, telles que tranchées dans son
Beit Yossef. Il savait bien que de nombreuses halakhot dépendent aussi des minhaguim et habitudes de psak de chaque pays et insistait pour dire qu’il ne venait pas pour faire changer la halakha pratiquée, que chaque communauté ayant un minhag et un Psak particulier continue à suivre ses habitudes, et qu’il ne propose son psak qu’à ceux qui n’ont pas de décision halakhique claire transmise sur un sujet.
Disons que sa volonté d’unification du Psak ne concernait que les communautés hésitantes sur certains points, il ne voulait pas « contraindre » les communautés à se plier à un seul Psak en abandonnant leur Minhag (différemment de ce qu’espérait faire
ROY), il proposait seulement d’unifier les communautés « errantes » ou celles « hésitantes » sur un ou quelques points. Mais les Minhaguim ancrés avaient vocation à subsister.
Quant aux 3 « piliers », ils ne représentent pas du tout l’ensemble des juifs du monde. Je crois qu’il y a encore une majorité d’ashkenazim sur terre, en tout cas, avant la seconde guerre mondiale, les ashkenazim représentaient une écrasante majorité (je crois 85 ou 90%) des juifs du monde. Les Sfaradim étaient très peu nombreux par rapport aux ashkenazim.
Le Psak Ashkenaze (aujourd’hui représenté par le
Rama) tient compte des Rishonim allemands et français (comme les très nombreux Tossafistes). Le
Rosh en est aussi issu, mais ses Psakim ne symbolisent pas à eux seuls les habitudes ashkenazes.
Le
Maharshal (XVIème s.) [dans sa préface au
Yam Shel Shlomo (‘Houlin)] reprochait justement au
Rav Yossef Karo la partialité de son choix qui délaisse
Rashi, Rabénou Tam, les Tossafistes, le Mordekhaï, le Maharam, et tant d’autres au profit des Poskim suivis au Moyen Orient.
Effectivement, cette méthode de Psak basée sur ces 3 rabanim
(Rif, Rosh, Rambam) était déjà pratiquée au Moyen Orient avant le
Rav Karo. Voyez
Radbaz (§1140).
Elle n’est pas du tout représentative du Psak des autres régions du monde en cela qu’il s’agit de trois rabanim qui allaient peu ou prou dans le même sens ; le
Rambam était élève de son père qui était élève du
Ri Megas qui était élève du
Rif et transmettait ses vues et positions. Les cas où le
Rambam est en désaccord avec le
Rif sont très rares. Donc considérer un tribunal fictif avec ces trois dayanim pour trancher selon la majorité, revient grosso modo à trancher comme le
Rambam (puisque le
Rif et lui disent quasiment toujours pareil). C’est effectivement le psak du
Shoul’han Aroukh qui suit majoritairement ce que dit le
Rambam et reprend même parfois ses formulations au mot près.
Quant au
Rosh, ayant vécu en Espagne (après avoir fui l’Allemagne), et ayant au départ rédigé ses Halakhot sur la base du
Rif, il en est lui aussi grandement inspiré.
Voyez encore ce que j’ai écrit à propos de ce choix du
Rav Karo, ici :
https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=59542#59542