Citation:
On lit dans les séfarim que de par le passé les gens faisait Tikoune H'atsot, pas uniquement les tsadiquim.
Les gens normaux arrivaient à se lever chaque nuits et nous on pense que c’est impossible pour nous et que c’est uniquement les tsadiquim qui y arrivent.
Comment l'expliquez-vous? Est-ce la yéridate adorote ou autre chose ?
J’ai l’impression globale et générale qu’on est des gros fainéants sachant que les rabbanims se lève très tôt pour étudier longtemps avant d'aller prier et restaient réveiller jusqu'à très tard le soir pour étudier encore.
Comment faisaient-ils pour avoir cette force ? Comment comprendre ?
Avant la diffusion de l’électricité, nos ancêtres vivaient à la cadence du soleil, se couchaient peu après la tombée de la nuit et commençaient la journée suivante dès l’aube.
Dans les pays du Nord comme la France et plus haut, ça leur faisait des nuits très inégales en longueur entre l’été et l’hiver, en même temps, on reste plus longtemps au chaud lorsqu’il fait froid…
Mais il y a à ce sujet
une information capitale que quasiment tout le monde ignore (et que j’ai découverte fortuitement à travers des lectures qui en attestent involontairement) : jusqu’à assez récemment,
les gens (pas spécifiquement les juifs, ni non plus pour des raisons religieuses) faisaient souvent leurs nuits en deux parties, en faisant une pause (d’à peu près une heure) au milieu de leur sommeil, à minuit (ou plutôt à mi-nuit).
C’est assez impensable pour nous qui n’avons pas cette habitude, mais c’est ainsi qu’il était aisé de se réguler le sommeil, c’est une pratique qui était très répandue à ce que j’ai pu lire, car elle est mentionnée par différents auteurs (non-juifs) qui en parlent comme si c’était évident,
Messi’him Lefi Toumam en parlant de premier somme et second somme.
J’ai longtemps
(naïvement) cru être le seul à avoir découvert cette bizarrerie à notre époque car je ne trouvais personne qui en fasse mention ni personne qui en soit au courant, jusqu’à ce que je trouve un livre
(qui n'a rien de juif) qui en parle clairement : «
At day’s close, night in times past » de
Roger Ekirch (publié en 2005), c’est dans le
12ème chapitre (p.300 et suivantes).
On constate dans différents écrits d'époque que ce temps était mis à profit parfois pour des tâches ménagères, mais le plus souvent pour la méditation, l’introspection et la prière.
Ekirch qui a fait une étude sur ce sujet montre aussi que le moment était considéré propice pour ces prières nocturnes …comme pour d’autres choses
[que je préfère ne pas mentionner ici, mais pour lesquelles nous retrouvons un parallèle dans le Zohar (III, 49b et 81b), le Talmud (Nedarim 20b) et jusqu’au Shoul’han Aroukh (O’’H §240, 7)].
Ainsi, prier en pleine nuit à ‘Hatsot a été l’habitude de millions de Goyim sans que leur religion ne le leur impose ni même ne le leur demande.
Ça a été l’habitude parce que les gens se réveillaient au milieu de la nuit pour un moment et faisaient deux moitiés de nuit.
Ce moment était idéal pour faire le point de sa journée et méditer tranquillement, et comme ils étaient croyants, ils en profitaient -entre autre- pour prier.
A partir de là, il faut comprendre que si nos ancêtres faisaient beaucoup plus que nous Tikoun ‘Hatsot, c’est aussi parce que la chose se présentait à eux avec facilité et évidence.
[Je sais qu'il est plus "politiquement correct" de dire que nous sommes des vandales, des tire-au-flanc et des fainéants, que la Yeridat Hadorot ne pourra plus tomber plus bas tellement nous sommes à des années lumières de la Avodat Hashem de nos ancêtres et qu'on devrait avoir honte etc. Je ne viens pas le nier, quoiqu'il y ait des précisions à faire, globalement, je trouve que notre génération gâtée (B"H) est affaiblie face aux difficultés et au besoin de luxe.
Cependant, je préfère être politiquement incorrect mais ne pas mentir et ne pas tromper mes lecteurs. Il faut savoir comprendre et apprécier l'importance et la puissance de la vérité, du Emet.]
Pour nous, c’est insupportable de devoir se réveiller au milieu de notre nuit et casser ainsi notre sommeil pour prier alors qu’on est épuisé, mais pour eux c’était agréable, bon et souhaitable au point que même celui qui ne s’en sentait pas tenu du tout par sa religion le faisait de son propre chef.
Et même l’athée qui ne priait pas et n’avait personne à qui adresser ses prières, se levait à ‘Hatsot Layla durant un petit moment avant de retourner se coucher pour la seconde mi-temps.
C’est aussi parce qu’ils se couchaient beaucoup plus tôt que nous.
Et ceux qui ne se levaient pas à ‘Hatsot
(et faisaient une nuit d’une traite), généralement se levaient très tôt, à deux ou trois heures du matin.
C’est aussi ce qui explique ce que vous pourrez lire au sujet de certains rabbanim qui se levaient à des heures très matinales pour étudier la Torah.
Les non-juifs se levaient aussi très tôt, ça n’était pas lié à la Tsidkout.
(la Tsidkout était d'étudier à ce moment)
Mais remarquez qu’on ne raconte pas sur les mêmes rabbanim qu’ils se levaient tôt et se couchaient tard.
Forcément, les rabbanim qui étudient jusqu’à 3h du matin représentent un groupe, ceux qui se lèvent à deux heures du matin pour commencer à étudier appartiennent nécessairement à un autre groupe, on ne peut pas se réveiller avant d’être allé dormir.
Rav Elyashiv se levait tôt pour étudier avant la Tfila, vers 2h30 ou 3h du matin
[vous trouverez dans le livre biographique sur
Rav Elyashiv édité par
Torah-Box en 2014 plusieurs contradictions à ce sujet,
p.91 il est dit qu’il commençait son étude à 2h30,
p.115 et 143 c’était l’heure à laquelle il se levait
(pas celle du début de son étude), pourtant en
p.223 on nous dit qu’il se levait avant 2h20, et
p.136 c’est à 1h30 qu’il se levait,
p.139 c’est encore à 1h30 qu’il se levait pour commencer son étude à 2h, puis
p.231 on nous dit qu’il se levait à 3h.
Il est donc plus probable qu’il n’avait pas d’heure si fixe comme on le voit en
p.226, où il est dit qu’il se réveillait le matin «
entre 2h30 et 3h ».]
Il ne faisait donc pas partie des rabbanim qui étudiaient jusqu’à 3h du matin tous les soirs…
Il y a plusieurs rabbanim qui étudient beaucoup, en se couchant le soir vers 22h30-23h et en se levant vers 3h du matin, j’en connais encore aujourd’hui
(il est halakhiquement impossible en France de se coucher à 22h30, car ce n’est pas encore l’heure du Shema en été, mais en Israël c’est possible, et en Amérique aussi).
D’autres se couchent très tard et se lèvent forcément moins tôt, on ne peut pas se lever à 3h en n’allant se coucher qu’à 3h30.
S’ils se lèvent parfois assez tôt quand même, ça sera au prix d’une sieste en journée (c’était l’option choisie par
Rav Ovadia Yossef).
Quand on se rend compte de la masse de choses qu’on a encore à apprendre, on n’a plus envie de dormir.
Voilà pourquoi beaucoup de rabbanim dorment relativement peu.
Mais je connais des gens qui sont Amei Haarets, n’étudient pas, et dorment peu pour pouvoir gagner encore plus d’argent.
Le
Steipler conseillait de bien dormir et de bien remplir sa journée, d’éviter au maximum les moments perdus qui deviennent rapidement une grande part de nos journées si on ne veille pas à les rentabiliser.
Lui-même dormait beaucoup et conseillait de dormir beaucoup, il parlait de 8h de sommeil sur 24h.
8h de nuit ou bien 7h et 1h de sieste en journée.
Il ne le conseillait pas qu’aux autres mais le pratiquait lui aussi
(Hasteipler p.37).
[Contrairement à
rav Ovadia Yossef qui lui, conseillait d’aller dormir tard, vers 1h ou 2h du matin et se contenter de 5 ou 6h de sommeil en tout. (cf. la
biographie de ROY traduite en français par
Torah-Box, p.96).]
[
Le Rav Avraham Gurewicz (de Gates Head) aussi est connu pour dormir beaucoup, comme le
Steipler.]
C’est encore dans cet esprit qu’il faut comprendre l’institution des Sages de prier la Amida du matin au lever du soleil, qui pourrait nous paraître dure et brutale, c’est qu’en fait, à leur époque, celui qui priait après ce moment montrait par-là un vrai mépris et une attitude inconséquente, car tout le monde
(même les non-juifs) se levait dès l’aube (Alot hasha’har), la journée commençait avec la lumière naturelle, seul les fainéants et les désœuvrés traînaient au lit après l’aube, jusqu’au lever du soleil ou un peu plus tard.
C’est pourquoi, à cette époque
(dépourvue de lampadaires), prier après hanets Ha’hama était vu un peu comme pour nous aujourd’hui prier à 10h du matin.
Voilà pourquoi de nombreux grands Tsadikim ne prient pas au lever du soleil, bien que la lecture du
Shoul’han Aroukh laisse entendre que ce soit primordial.
Etant donné que ça l’est un peu moins de nos jours, comme expliqué, ces Tsadikim préfèrent parfois d’autres aspects de Avodat Hashem, comme le Seder et la régularité dans leurs horaires de Limoud
(qui ne faisait pas défaut aux Anciens à l’époque où le temps suivait la course du soleil, au contraire, le meilleur rythme était de commencer ses journées à l’aube).