« …Hachem assécha la mer, et les eaux se fendirent » (Chemoth 14, 21).
La séparation des eaux de la Mer des Joncs fut un miracle extraordinaire. Mais cette séparation des eaux s’est-elle produite en d’autres circonstances dans l’histoire juive ?
La Guemara (‘Houlin 7a) rapporte l’anecdote suivante : Rabbi Pin‘has ben Yaïr s’était mis en route pour aller accomplir la mitswa du rachat de prisonniers. Arrivé au bord d’une rivière, il constata qu’elle était infranchissable.
Il demanda alors à la rivière : « Sépare tes eaux, afin que je puisse te traverser ! »
La rivière lui répondit : « Tu t’apprêtes à obéir à la volonté de ton Maître, ce que je fais moi aussi. Peut-être réussiras-tu dans ta mission, peut-être pas. Tandis que moi, il ne fait aucun doute que je réussis dans la mienne. »
Rabbi Pin‘has ben Yaïr répondit à la rivière : « Si tu ne sépares pas tes eaux, je t’assécherai pour toujours. »
Aussitôt, la rivière lui obéit et lui permit de la traverser en toute sécurité.
Conclusion de nos Maîtres : Le pouvoir de rabbi Pin‘has ben Yaïr équivalait à celui de Moïse et de la communauté d’Israël.
En quoi, se demande le Sefath émeth, la séparation des eaux de la Mer des Joncs atteste-t-elle de la grandeur de la communauté d’Israël, alors que le même miracle est intervenu au bénéfice de rabbi Pin‘has ben Yaïr, qui était un individu isolé ?
Il est certain, répond ce commentaire, que Hachem peut changer les lois de la nature au bénéfice d’un tsaddiq individuel comme rabbi Pin‘has ben Yaïr, car le mérite des Justes leur donne accès aux miracles. Mais la séparation des eaux de la Mer a été destiné à démontrer au monde la sainteté de la communauté d’Israël tout entière, et pas seulement celle d’un individu isolé.
Rabbi Tsadoq ha-kohen de Lublin complète cette explication : Il arrive chaque jour que des miracles soient accomplis au profit d’un individu isolé, comme cela a été le cas pour rabbi ‘Hanina ben Dossa (« Que Celui qui a ordonné à l’huile de brûler ordonne également au vinaigre de brûler ! » – Ta‘anith 25a). Mais les plus grands miracles sont ceux qui révèlent au monde la sainteté intérieure des enfants d’Israël. Il est vrai qu’ils avaient régressé en Egypte jusqu’au quarante-neuvième degré d’impureté, et qu’ils n’étaient pas moins idolâtres que les Egyptiens. Ils n’en ont pas moins conservé en eux-mêmes leur intériorité profonde, d’une sainteté indiscutable, et c’est elle qui leur a fait mériter que les eaux de la Mer se séparent.