Le sacrifice collectif des habitants de Massada, tombé en l’an 73 aux mains des légions romaines, est devenu le symbole du patriotisme juif, et ce symbole a ressurgi avec éclat après la création de l’Etat d’Israël.
Ce sacrifice, me semble-t-il, si on le considère sous l’angle de la halakha, pose le problème, bien plus vaste que l’épisode lui-même, du suicide envisagé comme un moyen de qiddouch ha-Chem (« sanctification du Nom divin »).
Ce problème s’est posé pour la première fois dans notre histoire lorsque Samson s’est donné la mort dans le Temple de Dagon à Gaza, entraînant dans sa disparition des milliers de Philistins (Choftim 16, 23 à 30). Son suicide, loin d’être considéré comme un acte de désespoir causé par la trahison de Dalila, est approuvé par les Sages (voir Metsoudath David ad Choftim 16, 28).
De même, le suicide du roi Saül (I Samuel 31, 4) est-il accueilli par Malbim comme un acte méritoire.
Il convient cependant de rappeler que l’épisode de Massada n’est mentionné nulle part dans le Talmud.
Il peut y avoir à cela deux raisons :
Pendant que les « zélotes » montaient occuper la forteresse de Massada poyur y poursuivre le combat contre les Romains, Rabbi Yo‘hanan ben Zakaï et ses collègues, avec la permission de ces mêmes envahisseurs, faisaient route vers Yavné pour y rétablir des centres de spiritualité juive et d’enseignement de la Tora (Guitin 56a). Deux projets totalement inconciliables !
D’autre part, à un moment de notre histoire où les rabbins cherchaient désespérément à maintenir un judaïsme qui pût survivre à la destruction du Temple et à la perte de notre souveraineté nationale, il leur était impossible de glorifier un suicide collectif commis par des Juifs qui croyaient quant à eux, que la vie n’avait pas de sens sans cette même souveraineté.