Je dirais que c'est faux
et que si c'est vrai, ça ne l'est que parce qu'on vous a dit que ça l'était.
C'est le fait d'y croire et de le penser qui l'entraîne.
Je veux dire que vous pouvez être assuré que celui qui n'a jamais entendu parler de cette Lilith, peut prononcer son nom sans souci aucun.
Si vous souhaitez entrer dans ce monde des kabbalistes, sachez qu'ils interdisent de prononcer son nom même en journée, tout comme il ne faut pas dire: Satan, Samael, etc.
Rabbi Haim Vital écrit (Shaar Hakavanot 52d, Shaar Hamitsvot, par. Mishpatim) que le verset "Veshem elohim a'hérim lo tazkirou" (Shemot XXIII, 13) vient essentiellement interdire de prononcer le nom de Samael (!) ou tout autre nom de démons, même dire "le diable" (El diablo dans le texte).
Mais c'est "assurément" plus risqué la nuit (cf. Kaf Ha'haim §237, sk.8).
Toujours selon Rabbi Haim Vital, puisqu'il faut éviter de prononcer ces noms, le Arizal disait "samekh mem" pour dire Samael.
Prononcer leur nom leur donnerait du pouvoir et les renforcerait.
Il y a aussi ceux qui se gardent de dire "la Sitra A'hra" (alors que c'est déjà une circonlocution tenant de l'antonomase) ou "les Klipot" etc.
Ces gens évitent donc bien entendu de dire "Lilit" qu'ils remplaceront par "Plonit" (=unetelle).
Je doute fort de l'utilité de souscrire à ces pratiques, j'ai le sentiment que c'est justement en créant ce type de névrose autour de la mention de ces noms qu'on fait tout ce qu'il faut pour leur donner du pouvoir (au moins dans nos esprits).
De plus, nous trouvons dans la Bible ces noms tabous et si cette mention risque de les renforcer, il est assez étonnant que les versets ne s'en inquiètent pas.
Satan est mentionné maintes fois dans Zekharia et dans Iyov, et Lilit dans Yeshaya (XXXIV, 14).
Faut-il sauter ces mots lorsqu'on lit ces psoukim?
Il est vrai que le 'Hayei Adam (§V, 27) écrit que ces inquiétudes ne concernent que celui qui prononce ces noms dans le cadre d'un propos futile.
Ainsi, lors de Divrei Torah, lecture biblique, ou tout propos sérieux, il n'y aurait rien à craindre.
J'aurais même tendance à ajouter que la mention de ces noms dans le cadre de l'étude de la Torah ne saurait être néfaste, car le mérite de l'étude protège et si Shomer Mitsva Lo Yeda Davar Ra, à plus forte raison ici.
En considérant le problème d'un œil neutre, on peut se demander de quelle manière cette crainte échappe au problème de Emouna dénoncé par le Reshit 'Hokhma (Shaar Hayira 42b, §XIV) "On craindra seulement et uniquement D.ieu, mais aucun ange/séraphin/...car aucune créature ne peut nous faire du mal si ce n'est par la volonté de D.ieu... et celui qui craint un ange ou autre force similaire, indique par-là qu'il lui confère un pouvoir autonome indépendant de D.ieu".
Il faut savoir qu'au départ (bien avant le Arizal), ces noms effrayaient les gens, ils n'avaient donc aucune envie de les entendre.
Au mieux on pouvait les mentionner dans le but de terroriser un voisin coupable de tapage nocturne ou d'enrayer la myoclonie phrénoglottique persistante d'un ami.
Dès lors, rien d'étonnant que cette habitude d'éviter de mentionner ces noms se soit répandue lorsque le Arizal évitait lui aussi des les prononcer.
Il est fort probable que dans une société où les démons en tout genre font partie de la vie, la mention de leur nom terrorise assez pour risquer -au mieux- un cauchemar.
L'imagination galope et dès qu'il fait noir, on est promptement emmené à imaginer des Shédim avec des pattes de coq, un diable aux yeux innombrables ou autre coquecigrue armée d'un trident, prêts à nous pourfendre dès qu'on ferme l’œil ou tourne le dos.
La raison pour laquelle beaucoup de rabbins se soucient de la mention de ces noms trouve sa source dans leur compréhension de certains passages talmudiques qui donnent l'impression au lecteur non averti qu'il y aurait lieu de craindre la force maléfique qui serait en "concurrence" avec les "forces du bien".
(comme "ne pas ouvrir la bouche au Satan" dans Brakhot 19a et beaucoup d'autres)
Il serait long, laborieux et extrêmement ardu d'expliquer chaque maamar autrement que ce que sa simple lecture pousse le lecteur ignorant à le comprendre, mais comme je ne cherche pas à vous convaincre de ce que j'avance, je ne m'y sens heureusement pas tenu.
Et des textes encore plus explicites (parlant des forces positives et négatives répondant aux noms de Hormiz et Ahormiz comme dans Sanhedrin 39a et voir Baba Batra 73a et Guitin 11a) semblent aller dans ce sens.
Ainsi parlait Zarathoustra! -comme dirait l'autre, car ça sent vraiment le zoroastrisme.
Il y a aussi des textes du Midrash et du Zohar qui semblent accorder une force indépendante au "côté obscur", mais je ne pourrais pas les expliquer ici.
Il suffit déjà de considérer l'enjeu de Emouna cité plus haut pour comprendre qu'il est impératif de relativiser l'intention des auteurs de ces textes.
Il faut aussi savoir, que de manière générale, un mal bien plus dangereux que Lilit s'est répandu sur terre, c'est le fait de comprendre les textes agadiques et midrashiques sans aucun recul, les prendre "à la lettre" et les interpréter avec la maturité d'un enfant de 6 ans.
Malheureusement, de nombreux rabbins sont aussi concernés, ce qui ne fait qu'entraîner la propagation du fléau et aucune mesure prophylactique n'a été envisagée à ce jour, à ma connaissance -en dehors du présent message :), encore faudrait-il que le mal soit reconnu en tant que tel...
Des commentaires existent, visant à exclure la compréhension enfantine de certains textes agadiques, mais ils ne sont pas souvent mis en avant.
Il y en a même parmi les kabbalistes, il ne faut pas croire qu'ils prenaient tous ces textes au pied de la lettre, j'indiquerais à titre d'exemple (parmi de très nombreux autres) ce qu'ont dit les Sages que le serpent s'est accouplé avec 'Hava (c'est même cité dans le Zohar I, 37a) et Rabbi Moshé Cordovéro (Pardes Rimonim, Heikhalei Hatmourot, §6) dira 'Halila de comprendre ce texte "kemashmao" (littéralement).
Il faudrait écrire un livre entier sur ce sujet, je n'en ai hélas pas les moyens (manque de temps... -hé oui, le temps c'est de l'argent paraît-il) et si je trouvais le temps, il serait déjà occupé par la rédaction d'autres ouvrages que j'ai commencés.
Il y a peu de rabbins/érudits/talmudistes qui s'intéressent au sujet, une grande partie ne se rend même pas compte de l'erreur et la minorité consciente est composée d'une écrasante majorité de personnes qui ne s'en soucient pas outre-mesure.
Quant à l'infime minorité de cette minorité (dont j'espère ne pas être le seul représentant -?) [qui elle, s'intéresse au sujet et pourrait publier des travaux visant à tenter d'endiguer la dérive], il se trouve qu'ils ne disposent pas du temps nécessaire pour se plonger dans cette souguia et écrire un sefer yessodi sur le sujet.
Hashem Yaazor!
Je conclus donc ainsi:
Si vous voulez vous abstenir de prononcer le mot Lilit, faites.
Vous avez une grande majorité de rabbins qui considère que c'est obligatoire, sans quoi vous donneriez de l'importance et du pouvoir à cette dernière.
Pour ma part, je considère qu'il ne faut pas en faire un plat et j'estime que vous lui donnez encore plus d'importance en faisant l'effort de ne pas prononcer son nom à une époque où personne ne s'en soucierait -n'était-ce une considération d'ordre "religieux".
Etant très nettement en minorité et de surcroît incapable d'expliquer (par écrit) parfaitement et totalement ma position (qui pourrait sembler contredite par des textes, comme vu plus haut), je suppose que le lecteur optera pour suivre l'habitude dite du Arizal, c'est pourquoi je souligne à nouveau que selon le 'Hayei Adam (op cit), le "problème" ne se pose que lors d'une discussion futile.