Citation:
Savez vous si le Hatam Sofer était contre la Hassidout ?
Ou si lui même adhérait à certaines idées de ce courant ?
Le
‘Hatam Sofer n’était pas "‘Hassid", ni favorable à la ‘Hassidout en tant que mouvement.
Il ne s’y est pas opposé avec autant de virulence et de conviction que le
Gaon de Vilna, mais il craignait tout « nouveau derekh », la ‘Hassidout comme la Réforme.
Cf.
Der Chassidismus (Marcus)(1901 §XIV), &
Ha’hassidout (Bnei Brak 1980, p.149).
Plus bas, il raconte encore que
R. Shimon Sofer a raconté avoir demandé à son père, le
‘Hatam Sofer, de lui parler de la grandeur de son Rav (
R. Nathan Adler), et le
‘Hatam Sofer lui a répondu : «
que puis-je te dire ? je ne suis pas ‘hassid et je hais les exagérations (dont ils sont coutumiers à propos de leurs maîtres), mais je vais tout de même te dire une chose : ce qu’il a atteint (comme niveau), aucun ange ni séraphin ne l’a atteint ».
Nous remarquons qu’il était exaspéré par la propension qu’avaient (qu’ont ?) les ‘hassidim à exagérer les Shva’him de leur Rabbi
(pourtant, ce qu’il dit de son Rav est typiquement une appréciation ‘hassidique).
Il y a de la tension autour de ce sujet, par le passé, il a déplu à certains que l’on puisse faire savoir que le
‘Hatam Sofer n’aimait pas la ‘Hassidout…
Mais c’est ainsi.
On peut lire entre les lignes de plusieurs de ses
Tshouvot (O’’H §197 et aussi §15bis, §16, §51 et §145) qu’il ne souscrivait pas à cet élan nouveau.
Comme ce qu’il écrit
(O’’H §15bis) (j’écris 15bis car il y a 2 tshouvot numérotées 15 dans la partie Ora’h ‘Haim du Shout ‘Hatam Sofer) au sujet du Nossa’h Ashkenaz qui ne mérite pas d’être changé en Nossa’h Sfard, qu’il y a assurément autant de « sodot » dans le nossa’h Ashkenaz…
(Au passage : dans cette réponse le
‘Hatam Sofer justifie quelque chose en écrivant que le
Arizal était Sfarade, mais c’est une erreur, le
Arizal était Ashkenaze, de mère Sfarade. Le
‘Hatam Sofer commettra la même erreur, avec plus de superbe, dans le
§197).
Juste après
(§16), il parle d’une éventuelle Takana concernant ceux qui prient Nossa’h Sfard, mais il souligne qu’on n’a pas de source claire sur l’origine de ces « takanot » et que rien n’indique qu’elles aient été prises réellement et par des Gdolei Hador.
Ensuite il rapporte le
Ralba’h (§74 & 75) et écrit, au nom du
Ramban, que nous ne sommes tenus de souscrire qu’à ce qui ressort du Shas Bavli et du Yeroushalmi et des Midrashim, pour le reste
(les injonctions des kabbalistes et similaires) c’est optionnel, celui qui veut y croire le peut, mais ce n’est pas contraignant.
Et plus loin
(§51) il approuve le Rav italien (à qui il répond) pour avoir rétorqué à un autre rabbin apportant une preuve à partir des écrits du
Arizal, que nous n’avons pas à en tenir compte.
Le
‘Hatam Sofer écrit qu’effectivement, selon lui, celui qui intègre des notions de Kabbala dans la Halakha, transgresse Zria Bekilaïm
(semer ensemble des graines incompatibles) (c’est une manière de dire qu’il faut tenir à l’écart la Kabbala du Psak Halakha, ce sont deux choses distinctes et il ne convient pas de les mêler, la Kabbala portant uniquement au niveau philosophique mais non pratique).
[A la suite, il ajoute aussi que celui qui mêle les sciences ‘Hol
(« livres de logique ») aux Divrei Torah, transgresse l’interdit de labourer avec un taureau et un âne ensemble.]
Et enfin et surtout, il écrit
(§197) au
Yisma’h Moshé que ses (propres) maîtres, le
Haflaa et (même)
Rav Nathan Adler, n’ont
jamais mentionné le
Zohar dans leurs Drashot.
Il écrit aussi que si le
Arizal a dévoilé des Sodot dans le Nossa’h Sfard/Sfarade, c’est parce qu’il était lui-même sfarade, mais s’il y avait eu un grand kabbaliste comme lui parmi les ashkenazes, il aurait lui aussi dévoilé des Sodot dans le Nossa’h ashkenaze
(et comme dit plus haut, c’est une erreur). Et encore d’autres éléments ciblés contre les ‘Hassidim.
Il semble clair que le
‘Hatam Sofer n’appréciait pas l’aspect « ‘hidoush » de la ‘Hassidout, mais cela ne l’empêchait pas de suivre lui-même plusieurs pratiques kabbalistico-‘hassidiques, comme le Tikoun les nuits de Shavouot
(Minhaguei Baal Ha’hatam Sofer §11,1) et de Hoshana Raba
(ibidem §8,15), ne pas prononcer le mot « din » la nuit
(ibidem §2,23), Tikoun ‘hatsot le jeudi soir avec sa yeshiva
(ibidem §1,47), Tfilines de R. Tam
(ibidem §1,22), et il allait tous les jours au Mikve
(Zikaron Lemoshé p.96 et Tossefet Minhaguim p.52 §1) [cependant cela semble contredit par
Minhaguei Baal Ha’hatam Sofer (§4,8)].
Il disait aussi des Divrei Torah Al derekh hakabala à Seouda Shlishit
(Minhaguei Baal Ha’hatam Sofer §6, note 8) (mais il a arrêté par la suite, durant ses 16 dernières années de vie ses discours n’étaient plus empreints de kabbale, considérant que ce n’était pas adapté au tsibour).
Il ne se comportait donc pas comme un Rav mitnagued que l’on imagine de nos jours, mais il n’était pas du tout inscrit dans la ‘Hassidout
(et refusait aussi de dire plusieurs prières et ajouts kabbalistiques dans la prière).
Ce à quoi il s’opposait essentiellement dans la ‘Hassidout, c’est ce « renouveau », la rupture avec les Minhaguim anciens.
Il craignait que la création d’un « groupe » à part, les « ‘Hassidim », pourrait créer un schisme dans le Klal Israel, qu’il y ait les ‘hassidim et les non-‘hassidim. Cf.
Zikaron Lemoshé (Schwartz) (Oradea -Grosswardein- 1938, daf 49a).
Il n’était pas hermétique à la dévotion et encore moins à la Kabbala, mais il abhorrait tout changement.
On connait son expression «
‘Hadash Assour Min Hatorah »
(jeu de mots entre le ‘Hadash qui veut dire « la nouvelle récolte », et le ‘Hadash dans le sens « les nouveautés » apportées par les Maskilim).
Tout ce qui se voulait "moderne/nouveau" était à bannir, il fallait faire barrage à toutes les idées modernes des Maskilim afin de préserver l’esprit du judaïsme tel qu’il était vécu par la génération précédente.
[Il me semble pertinent de souligner que les pays européens où l’on a réussi à bloquer la Haskala et éviter une dégradation sur le plan spirituel, sont les pays dépendants de la couronne d’Autriche, comme la Hongrie, et c’est là qu’on
(le ‘Hatam Sofer) a « popularisé » l’idée d’interdire le modernisme (‘Hadash).
Or, il se trouve que le pouvoir autrichien lui-même, craignant l’influence de la Révolution française
(qui se répandait en Europe), a veillé à interdire aux juifs tout courant moderne, refuser de leur donner les droits de citoyen, et même prohiber les sfarim des Maskilim !
Voyez le
Ha’hatam Sofer Vetalmidav (Weingarten) (Jér. 1945, p.20 et note 20) qui nous dit que le
Phédon de
Mendelssohn était interdit par la censure autrichienne ! (voir aussi
Ha’hatam Sofer (Katz) (Jér. 1960-1989, p.11)).
Même le Sanhédrin de
Napoléon à Paris (en 1807) était considéré comme un danger par les autorités autrichiennes qui bloquaient dans le courrier les invitations envoyées aux rabbins de Hongrie et empêchait tout lien épistolaire à ce propos
(REJ 1927, n°183, p.1-21 et 113-145, cité par Ha’hatam Sofer Vetalmidav (Weingarten) (Jér. 1945, p.21 et note 24)).]
Toujours est-il que ceux qui se réclament du
‘Hatam Sofer de nos jours, s’inscrivent dans une optique assez proche de la ‘Hassidout sous plusieurs angles.
Mais il faut bien comprendre qu’être opposé à la ‘hassidout il y a 200 ans ne signifie pas y être opposé de nos jours, et ce, pour différentes raisons. L’une d’elle est que la ‘Hassidout s’est bonifiée depuis et respecte mieux la Halakha.
Une autre est que, de nos jours, pour beaucoup, si ce n’est pas la ‘hassidout, ce sera autre chose…
Il faut être un minimum pragmatique et tenir compte de la réalité du terrain.
Néanmoins, il ne faut pas réécrire l’histoire pour autant ni museler ceux qui dévoilent que le
‘Hatam Sofer ne soutenait pas la ‘hassidout.
[J’indique encore qu’il y a un Maamar «
Ha’hatam Sofer Veha’hassidout » dans
Sinaï (tome 69 p.159) mais je ne possède pas ce texte.]