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Miroir de Tefiline

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Si j’ai oublié mon miroir de téfiline, c’est obligé de demander à un ami de la syna de vérifier si c’est bien au milieu ou c’est que une khoumra ?
Rav Binyamin Wattenberg
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Citation:
Si j’ai oublié mon miroir de téfiline, c’est obligé de demander à un ami de la syna de vérifier si c’est bien au milieu ou c’est que une khoumra ?



Non, ce n’est pas obligatoire.

Le Divrei ‘Haïm (II, §6) écrit que même si on possède un miroir, c’est de la « borout » (acte stupide, qui prouve la stupidité) de l’utiliser pour vérifier l’emplacement des Tfilines car on sait qu’il y a assez de place sur la tête pour y poser deux Tfilines (ce qu’il interprète comme voulant dire assez de place en largeur, d’autres disent qu’il s’agit seulement de place en « profondeur »), donc il n’est pas indispensable de placer ses Tfilines exactement au milieu, il suffit que le boitier soit (au-dessus de l’emplacement situé) entre les deux yeux, s’il est préférable de viser le milieu, cela n’invalide pas la Mitsva a posteriori.

Si le Divrei ‘Haïm qualifie la vérification par un miroir de « Borout », il faut comprendre cette véhémence (car il aurait pu se contenter de dire que c’est superflu) en raison de l’interdit considéré par certains ‘hassidim de se regarder dans un miroir (pour un homme, Lo Yilbash).

Bien que l’on pourrait dire que dans la mesure où « les hommes » regardent le miroir pour vérifier les Tfilines, on ne peut plus parler d’interdit au titre d’attitude féminine, malgré tout cela reste(rait) inconvenable, cf. Darkhei Tshouva (Y’’D §156, sk.7) au nom du Erekh Lé’hem. Voir aussi Shout Divrei Yoel (I, §4) qui s’oppose au placement d’un miroir à la synagogue.

Voir aussi le Minhag Israel Torah (o’’h 1, p.87 §27,5) qui cite le Shout Ma’hazé Avraham (§6) pour qui le placement face à la région d’entre les deux yeux, ne serait pas rédhibitoire.

Pourtant, de nombreux Rabanim vérifiaient leurs Tfilines avec un miroir, le Baal Hatanya utilisait pour cela une petite boite en métal argenté pour tabac à priser et il écrit dans son Sidour (p.12) qu’il faudra veiller à ce que les Tfilines soient exactement au milieu dans la largeur (ויזהר שתהא באמצע רוחב הראש ממש).

Nous savons aussi que le Brisker Rov utilisait un miroir et faisait attention que ses Tfilines soient exactement au milieu (cf. Shout Mishné Halakhot V, §8).
Lorsqu’on lui a indiqué ce qu’a écrit le Divrei ‘Haïm (que c’est de la « Borout »), il a répondu en paraphrasant Akavia ben Mehalalel (Edouyot 5,6) : je préfère être traité de fou toute ma vie plutôt que d’être Rasha ne serait-ce qu’un instant. מוטב לי להקרא שוטה כל ימי, ולא לעשות שעה אחת רשע לפני המקום

Le Brisker Rov considérait donc, à l’opposé du Divrei ‘Haïm, que celui qui se passe de miroir (=de s’assurer avoir les Tfilines précisément au centre) serait un Rasha !
Ce qui nous laisse dans un difficile choix entre Borout et Rishout…

Le Pri Megadim (Eshel Avraham o’’h §156) parle aussi d’un milieu qui doit être très précis.

Le Beer Moshé (Yeroushalaïmsky) (Varsovie 1901, daf 138c, §10) cite le Divrei ‘Haïm et s’en étonne grandement, car il affirme qu’il sait, à propos de plusieurs Gdolim, qu’ils avaient un petit miroir pour vérifier si les Tfilines étaient bien au centre (cité aussi par le Piskei Tshouva (Pietrkowsky) tome 1, Hashmatot imprimées au début du tome, §12).
Et comment dire que c’est un acte stupide alors que le Shoul’han Aroukh (o’’h §27,10) indique de les placer au milieu (צריך לכוין הקציצה שתהא באמצע כדי שתהא כנגד בין העינים) etc.

Voir aussi le Piskei Tshouvot (§27,18, tome 1 p.256 note 169) qui souligne que le Mishna Broura (§32, sk.182) déduit du Levoush (§32,38) que les quatre compartiments des Tfilines de la tête ne doivent pas impérativement avoir la même largeur. Il en résulterait donc que même en plaçant les Tfilines exactement au milieu, nous n’obtiendrons pas nécessairement deux Parshiot à droite et deux à gauche, ce qui renforce et prouve la position du Divrei ‘Haïm.

[NDLR. La preuve pourrait se discuter ; peut-être que l’impératif d’avoir les Tfilines exactement au milieu n’a pas pour vocation de placer deux parshiot de chaque côté (bien que l’on puisse le comprendre des mots de la Brayta), ou encore, peut-être que lorsqu’on a un compartiment plus large que les autres, il faudrait justement ne pas placer les Tfilines exactement au milieu, mais plutôt de sorte que deux Parshiot soit à droite et deux à gauche…]

Il y a donc des Rabanim qui trouvaient indispensable que les Tfilines soient exactement au milieu avec grande précision, ils utilisaient donc un miroir, tandis que d’autres se contentaient d’un milieu approximatif et se passaient volontiers (ou religieusement) de miroir.

Je crois que ce qui les distingue, c’est la compréhension qu’ils ont eu de l’injonction de placer les Tfilines « au milieu » (באמצע). Le Brisker Rov a compris que ça veut dire exactement au milieu, équidistant des deux extrémités. Alors que le Divrei ‘Haïm a compris באמצע dans le sens de « au milieu » qui n’est pas « au centre », comme on pourrait dire « au milieu de la journée », « au milieu de la rue », en ne voulant qu’exclure les extrémités mais sans vouloir dire « équidistant des deux extrémités ».

Nous trouvons que le Rambam (Hil. Tfila XI,3) écrive que la Bima devra être placée « au milieu » (באמצע) de la synagogue. Pourtant, personne n’ira s’imaginer qu’il y ait une nécessite d’équidistance des murs à la Bima… On préfèrera même parfois qu’elle soit placée plus d’un côté que de l’autre (de manière ostentatoire) lorsque cela s’avèrera bénéfique en fonction de la taille de la pièce (cf. Kessef Mishné ad loc. Et Zéra Emet I, §26). Voir encore Rambam (Hil. Shofar VII, 23).

[Je souligne toutefois que nous trouvons aussi un phénomène inverse, où le terme imprécis se veut être très précis ; dans Bereshit (2,9) "בתוך הגן" est interprété par certains comme voulant dire exactement au centre du Gan. Cf. Rashi, Onkelos et Ramban.]

Dans le Rama (o’’h §94,2) nous lisons אין עושים מקום הארון וצד התפלה נגד זריחת השמש ממש כי זהו דרך המינים רק מכוונים נגד אמצע היום
c-à-d qu’on ne placera pas le Aron exactement du côté du lever du soleil, car c’est ce que font les Minim, mais on décalera un peu en visant le côté où me soleil se trouve « au milieu » de la journée.
Il semble, là encore, assez évident que ce « milieu » ne signifie pas le milieu équidistant des deux extrémités. C’est d’ailleurs souligné par le Mishna Broura qui trouve nécessaire de qualifier l’expression du Rama de maladroite (« Lav Davka »). Mais selon notre explication, il n’y a pas de difficulté à expliquer que ce « milieu » vient seulement exclure les extrémités.

Le Divrei Malkiel apporte une preuve (à partir de Sanhédrin daf 18) que « au milieu » (באמצע) ne signifie pas nécessairement « exactement au centre ».
Voir aussi Kehilot Yaakov (Algazi) (Leshon ‘Hakhamim §42), Hadrash Vehaïyoun (Bereshit §66) au nom du Maharit (E’’H §8).
Voir encore Shout Rashban (O’’H §39) et Na’hal Eitan (§12,3, sk.3).

J’ai vu dans le Shout Tsits Eliezer (XII, §6) qu’il explique, comme je l’ai fait, que la véhémence du Divrei ‘Haïm dans son expression contre les utilisateurs de miroir s’explique en regard de l’interdit de Lo Yilbash, considérant qu’il serait stupide de transgresser Lo Yilbash afin d’avoir les Tfilines bien au centre, mais à la différence de ce que j’expliquais, le Tsits Eliezer comprend que le Divrei ‘Haïm s’accorde à voir une nécessité de placer les Tfilines exactement au milieu, seulement que cela doit se faire à la main, sans besoin de regarder un miroir.

Je ne le comprends pas vraiment ; à part le fait que cet interdit de Lo Yilbash devient de moins en moins évident avec le temps (car dans la mesure où les hommes auraient eux aussi l’habitude de se regarder dans le miroir, l’interdit disparaitrait, et il semble assez évident que ce soit le cas au XXIème siècle dans les pays civilisés), si l’intention du Divrei ‘Haïm était telle qu’il la présente, pourquoi mentionner qu’il y a de la place sur la tête pour deux Tfilines shel Rosh ? Il me semble donc évident que la volonté du Divrei ‘Haïm n’était pas de dire qu’il est obligatoire de bien placer au milieu ses Tfilines (mais sans utiliser de miroir), au contraire il voulait vraisemblablement dire qu’il n’est pas nécessaire de se soucier d’avoir les Tfilines précisément au milieu, d’où l’absurdité d’avoir recours à un miroir qui confine au Issour Lo Yilbash.

Ce qui pousse le Tsits Eliezer à cette interprétation est qu’il lui semble impossible d’imaginer le Divrei ‘Haïm qualifiant de Divrei Borout la recommandation du Shoul’han Aroukh, en effet, ce dernier (o’’h §27,10) précise צריך לכוין הקציצה שתהא באמצע כדי שתהא כנגד בין העינים
Toutefois, comme expliqué plus haut, je pense qu’on peut répondre très simplement à cette difficulté sans avoir besoin de faire dire au Divrei ‘Haïm l’inverse de ce qu’il dit. Il suffit d’interpréter le באמצע comme voulant dire « au milieu » sans signifier « l’exact centre ».

Tout autant étonnant, le Tsits Eliezer répond à l’argument du Beèr Moshé qui rappelle que de nombreux Tsadikim utilisaient un miroir ou similaire pour vérifier leurs Tfilines, en paraphrasant la Gmara (Shabbat 121b) ואתן חסידים אין רוח חכמים נוחה מהם. Je n'aurais pas osé...

Je note aussi que le Tsits Eliezer (en fin de Tshouva) considère que regarder son reflet dans une vitre de bibliothèque (afin de placer les Tfilines convenablement) reste assimilable à se regarder dans le miroir et serait interdit. On pourrait pourtant établir une distinction dans la mesure où cela permet que de voir les formes mais pas les détails du visage, cela ne ressemble plus du tout au Issour Lo Yilbash.

Voir encore le Ibn Ezra (Shemot 26,12) qui dit que l’expression « moitié » (‘Hatsi) dans la Torah, ne veut pas forcément signifier l’exacte moitié, mais une partie.
Voir aussi Hadrash Vehaïyoun (Bamidbar II, §89) qui apporte des preuves que ‘Hatsi ne veut pas forcément dire la moitié avec précision.

Je m’arrête là avec le sentiment qu’il y aurait encore à dire à ce sujet, et surtout que j’aurais peut-être pu agencer ma réponse de manière un peu plus ordonnée, mais comme je compte de toute manière sur votre indulgence pour les fautes de frappe et d’orthographe/conjugaison (car je n’ai pas le temps de me relire), je me dis qu’elle s’étendra certainement aussi à cet autre défaut.
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