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La réponse de qualité à vos questions

Objet perdu d'un non juif

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Jackske
Messages: 2
On prétend:
exemple: je trouve un portefeuille appartenant à un non-juif.
J'ai son nom, son adresse, son tel.
Je ne suis pas obligé de le lui restituer et je garde l'argent pour moi.
Qu'en est-il ?
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6685
Ne vous fiez pas à « ce qu'on prétend ». Ceux qui prétendent cela se basent sur un texte du Talmud qu'ils ont mal compris - d'après moi du moins.

Si vous trouvez un portefeuille - ou un autre objet - appartenant à un non-juif, vous devez le lui rendre !

Je me permets de l'affirmer car c'est ainsi que je comprends ce que dit le Talmud et je pense avoir pour cela assez de raisons et preuves, de telle sorte que les écrits d'illustres auteurs qui n'iraient - à première vue - pas dans ce sens, ne m'en découragent pas.

Je vous le demande: Trouveriez-vous juste de ne pas le rendre ?
Ne voyez-vous pas que c'est injuste, méchant et malhonnête de garder cet argent ?

Si vous comprenez que c'est « mal », que cela va à l'encontre du bon sens et des bonnes midot, comment croire que c'est ce que la Torah souhaiterait ?

Le Ibn Ezra écrit (Shemot XX, 2) « 'Halila ! 'halila ! (~=D.ieu préserve) qu'il y ait une mitsva de la torah qui contredise le bon sens ».

Rav Shakh répétait sans cesse que la plus grande aveira est …d'être bête.
On ne doit pas se contenter d'être « bête et méchant », il faut faire usage de jugeote même dans la Torah.

(et c'est assurément ce que vous avez fait en posant la question car cela devait vous paraître bizarre et vous avez donc très bien fait. Félicitations. D'autres auraient pu se contenter d'appliquer cette « injonction » rentable.)

Même dans le cadre de l'accomplissement d'une mitsva, il faut savoir faire preuve de bon sens.Nous le voyons souligné par le Talmud (Brakhot 55a) et cité par Rashi dans Shemot (XXXVIII, 22), lorsque D.ieu dit à Moïse de dire à Betsalel de confectionner le Mishkan, l'Arche et les autres Kelim, Moïse le dit à Betsalel mais sans respecter l'ordre (et citant le Mishkan en dernier).
Alors Betsalel lui fit remarquer qu'il n'est pas logique de fabriquer les « meubles » avant de construire la « maison » et lui demanda si par hasard D.ieu ne lui aurait pas donné cet ordre (tsivouy) dans un autre ordre (seder), etc.

Nous voyons que Betsalel ne s'est pas dit « c'est une gzéra, un décret divin, je dois agir sans réfléchir » , mais il a questionné son rav avant de faire quelque chose qui ne lui semblait pas opportun et qui allait à l'encontre du bon sens.
(il eût été possible que D.ieu donnât l'ordre de construire les kelim en premier. Ce n'est pas impossible, car il peut y avoir à cela une raison qui aurait échappé à Betsalel ou même à l'intelligence humaine, mais ce n'est pas pour autant que Betsalel se priverait de demander confirmation avant d'agir à l'encontre du bon sens.)

Voir aussi le Or Ha'haim Hakadosh (Bereshit XXIII, 4) selon qui toute notre torah est inspirée du bon sens, surtout en ce qui concerne la conduite entre les hommes.

De manière générale, il faut bien comprendre et assimiler ce qu'écrit le Radak (Bereshit XX, 6) : Le cerveau est l'envoyé de D.ieu (à l'homme) et tout ce que le cerveau (sain) indique à l'homme sera donc considéré comme la volonté de D.ieu qui a « programmé » ce cerveau.

[Je parle de bien comprendre et d'assimiler cette phrase car l'imbécile aura vite fait de décréter que ses délires lui sont commandés par D.ieu et avec ce genre d'idées, on glisse vite dans le drame des islamistes du XXIème siècle qui tuent des infidèles pour accomplir la volonté d'Allah.]

Cette idée de considérer le cerveau humain comme l'envoyé/shalia'h de D.ieu et comme lien qui unit l'homme à son créateur, est reprise par plusieurs auteurs, même à l'époque des Rishonim ou des gdolei haa'haronim, comme le Rambam dans le Guide des égarés (III, §51) ou le Maharal dans Gour Arié (Bereshit IX, 21).

Voir aussi ce qu'écrit à ce sujet Rabbi Na'hman de Breslev (Likoutei Moharan I, §1).

Bref, tout ceci pour dire que si vous entendez dire qu'il faudrait se comporter d'une manière qui vous semble être honteuse, il ne faut pas hésiter à vous renseigner pour savoir s'il n'y a pas une petite erreur de compréhension quelque part…
(et c'est ce que vous avez fait, kol hakavod, je le souligne pour d'autres lecteurs qui pourraient l'ignorer.)

"Il est interdit de laisser notre (pseudo-) Yirat Shamayim évincer la morale humaine". C'est ce qu'écrit Rav Kook (Orot Hakodesh III, hakdama 11) (et aussi 8 kvatsim, I, §75)


Maintenant passons à votre question.

Le Méiri (Sanhedrin 76b) (Baba Metsia 24a et 27a) (Avoda Zara 26a) écrit que ce n'est interdit que lorsque le non-juif en question est un Akoum, c'est-à-dire en langage moderne, un terroriste, un assassin.
Mais l'objet d’un gentil gentil sera restitué, bien entendu.

Le Rambam semble de cet avis lorsqu'il écrit (Gzeila Veaveida §XI, 3) la raison de l'interdit de restituer l'objet perdu à un Akoum « car on soutient en cela les criminels (rishei olam) ».

Le Shoul'han Aroukh ('Hoshen Mishpat §266, 1) aussi, explique cette halakha de la même manière…

Il est bien entendu impensable de supposer que l'expression Rishei Olam puisse se rapporter à tout non-juif de par sa seule qualité de non-juif. Il ne s'agirait plus uniquement d'une absurdité mais d'une insanité relevant de la xénophobie digne des pires crapules que le monde ait connues.

Il est établi sans l'ombre d'un doute qu'un non-juif qui se comporte bien est digne d'honneur et a sa part dans le monde futur.
Voir Tossefta Sanhedrin (§XIII, 1) et Rambam Hilkhot Tshouva (§III, 5) , Hilkhot Melakhim (§VIII, 11) et dans sa lettre à R. 'Hisday Halévi (Igrot daf 24a dans l’éd. de Leipzig).

J'ai même vu qu'un grand sage m'avait devancé concernant cette déduction à partir de l'explication que donnent le Rambam et le Shoul'han Aroukh. C'est le Beèr Hagola ('Hoshen Mishpat §266, 2) pour qui cette explication indique que l'interdit ne concerne que les idolâtres barbares fréquents à l'époque des 'Hazal.

Plus encore, un autre Rishon, Rabbi Yehouda He'hassid écrit dans son Sefer 'Hassidim (§358) concernant le non-juif qui respecte les 7 lois noa'hides (en d'autres termes « qui se comporte bien, un humaniste »), qu'on lui rend son objet perdu et qu'on le respecte PLUS QU'UN JUIF QUI NE S'IMPLIQUE PAS DANS L'ETUDE DE LA TORAH.

Dans la halakha, le Knesset Hagdola (H’’M §266, Hag. Beth Yossef 1) cite ce siman du Sefer 'Hassidim.

Voir aussi Smag (M.E. §74).

Ainsi, Rav Feinstein dans Igrot Moshé (Y"D 1 , §150) écrit que cette idée de ne pas rendre l'objet égaré par un idolâtre, s'appliquera aussi aux juifs idolâtres : on ne leur rendra pas l'objet qu'ils auraient perdu pour la même raison qu'on ne le rend pas à l'idolâtre non-juif.

Je sais qu'il y a des poskim (surtout chez les 'hassidim, ce n'est pas un hasard) qui pensent autrement, mais j'écris-là ce que je considère être la halakha par rapport à un « goy civilisé » comme le non-juif français classique (cf. aussi Mekor 'Hessed §358, 2)

[pour ce qui est des poskim 'hassidiques qui « pensent autrement », voir par exemple le Mishné Halakhot (IX §371) qui s'oppose en cela au Shout Melamed Lehoïl - sans argument - ainsi qu'au Torah Tmima [en déclarant qu'on ne doit pas lui faire confiance mais sans repousser ses arguments], pour déclarer qu'on ne rendra pas la Aveida d'un goy, bon ou mauvais.

Il écrit aussi que de toute façon il n'y a pas un seul non-juif qui respecte les 7 lois noa'hides (voir plus loin §381 pour plus de clarté, il écrit que même des non-juifs qui auraient décidé de respecter ces mitsvot sans aucun lien avec D.ieu, il n'en existe pas un seul sur terre ! Voir aussi tome VII, §271), ce qui est tout bonnement ridicule.
S'il n'en connaissait pas, pourquoi décider qu'il n'en existe pas ?
[il cite aussi (VII, siman Ra §270) l'interdit de Lo Te'honem qui - selon lui - entre aussi en jeu.
Je considère que c'est une erreur supplémentaire.Voir ce que j'écris ici:
http://techouvot.com/lo_tehonem-vt18423.html

Il serait beaucoup trop long et difficile d'expliquer ici comment a-t-il pu en arriver-là.
D'ailleurs, à partir de nombreux poskim, nous voyons qu'ils n’étaient pas d'accord avec lui sur ce point, par exemple le Igrot Moshé (Y’’D 1 , §150) qui considère que les non-juifs d'aujourd'hui ne sont pas comparables aux idolâtres de l'époque talmudique.

Rav Moché Feinstein pense vraisemblablement comme Rav Kook dans Shout Mishpat Cohen (§58) qui écrit qu'il n'est pas nécessaire d'obtenir le statut officiel de guer toshav pour être à l'abri de ce type de discrimination.Il suffit de ne pas être concerné par l'idolâtrie -qui représente en fait la criminalité
[C'est aussi ce que prouve le Shout Mishnat R. Eliezer (H’’M §8) cité par le Birkat Avot (p.184) selon qui le non-juif qui respecte les 7 mitsvot, même sans s'y être engagé devant un beth din, mérite déjà qu'on lui rende son objet perdu].

C'est d’ailleurs la position des rishonim comme le Méiri (sanhedrin 56b et autres) et le Rashba et d'autres, voir aussi
Sefer Haïkarim (III, §25)
,
Rabenou Yona (Sanhedrin 57a),
Sefer Yeréim (§233 et Toafot Reèm ad loc)
,
voir encore le Kessef Mishné (Maakhalot Assourot §XI, 7) qui écrit qu'il n'est pas toujours nécessaire de passer par kabalat mitsvot etc.

voir aussi 'Hemdat israel (Plotzki) kountras Bnei Noa'h (§35) qu'il n'est nécessaire de rejeter officiellement la Avoda zara uniquement pour un non-juif venant d'un peuple officiellement idolâtre.C'est aussi l'opinion d'autres A'haronim, voir Rav Kook (Mishpat Cohen §61)(Igrot I, §89),
Rav Klatzkin (Imrei Shéfer §92),
Rav Elia Ba'hour (2ème Hakdama du Messoret Hamassoret)
Rav Margulies (Mishpat Guer Toshav p.76 et plus explicitement dans Margaliot Hayam 76b, 4)
(voir encore le Tshouvot Vehanhagot II, §770 au nom du Rabbi de Belz…),
Maharats 'Hayes (Tiferet Israel p.489),
Shout Sia'h Na'houm (§93),
Rav Herzog (Te'houka LeIsrael Al Pi Hatorah (I, p.12 et suiv. et III, p.278),
Rav H.D. Halévy (Assé lekha rav IX, §32)
.]

Ne perdez pas de vue que selon ceux qui pensent comme moi, que l'on doit rendre l'objet, celui qui le garderait serait un rasha.
Alors que selon ceux qui s’opposent à cette idée (et ne distinguent pas entre les non-juifs), il sera toujours permis de rendre l'objet puisque cela constituera un kidoush Hashem.

En d'autres termes, celui qui suit ce que j'écris ici, ne peut pas être dans l'erreur, alors que celui-ci qui s'y oppose risque très gros.

Il convient cependant de noter que du Beth Yossef ('Hoshen Mishpat §266) il ressort qu'il n'y a pas de distinction à établir à ce sujet entre les non-juifs, idolâtres ou non, mais cela ne correspond pas à la raison qu'il donnera plus tard dans son propre Shoul’han Aroukh, duquel on comprend –comme l’écrit le Beèr Hagola, que seul l’idolâtre-Akoum est concerné.

Ce qu’écrit le Beth Yossef est d’autant plus étrange que selon lui, on ne devrait pas rendre l’objet perdu du Guer Toshav non plus, ce qui est souligné par certains a’haronim comme impensable étant donné que l’on doit se soucier du bien-être du Guer Toshav, on lui offre même des cadeaux [voir Dvarim (XIV, 21) et Rambam Melakhim (§IX, 2), Zkhia Oumatana (§III, 11), Avoda Zara (§X, 4)], dès lors comment imaginer ne pas pouvoir lui rendre un objet perdu ?
Un cadeau, oui et lui rendre SON objet égaré, non ? Ne serait-ce pas contradictoire ?

La seule explication possible serait de dire que dans son Beth Yossef, le rav Karo ne pensait pas (encore) comme le Rambam concernant l’origine de l’interdit et l’aurait donc compris soit comme Rashi (=ne rendre que lorsque c’est une mitsva etc., mais cela n’indique rien concernant le non-juif qui n’est pas Akoum. Certains expliquent selon l’opinion de Rashi que l’interdit résulte du fait que d’après la loi non-juive de l’époque, il était interdit de rendre un objet perdu, il revenait d’office au trésor royal –cf. Baba metsia 28a et Brakhot 60a- ça ne serait donc plus applicable de nos jours dans les pays où la loi indique de restituer les objets trouvés. Cf. Enayim Lamishpat Sanhedrin 76b), soit comme d’autres commentateurs qui rattachent l’interdit de restituer l’objet à l’interdit de lui donner un cadeau (Avoda Zara 20a).

(Toutefois certains ah’aronim (Or Saméa’h hilkhot Avoda Zara X, 4) considèrent que donner au Akoum un objet Hefker (abandonné) ne rentre pas dans le cadre de l’interdit, à plus forte raison lorsqu’il aurait perdu un objet lui appartenant et le juif ne ferait que le lui rendre.
Si l’on suit l’opinion du Or Saméa’h , il faudra donc expliquer l’interdit de restitution de l’objet perdu comme le fait le Rambam)

Or l’interdit de donner un cadeau ne concerne que le Akoum, pas le non-juif qui se comporte bien, comme le prouvent les commentateurs, voir ce que j’ai écrit ici : http://www.techouvot.com/ici-vp44409.html#44409

La position du Beth Yossef semble donc difficilement soutenable, d’autant qu’il semble s’être ravisé dans son Shoul’han Aroukh.

Je n’ai pas vu d’auteurs qui soulignent explicitement que le Rav Karo aurait changé d’avis en suivant dans son Shoul’han Aroukh l’explication du Rambam, mais c’est ce que la logique indique et c’est aussi ce qui ressort de ce qu’écrit Rabbi Yaakov Abou’hatseira dans son Shout Yorou Mishpateikha Leyaakov (§23) qui s’oppose à un psak du Maté Shimon (§72) en indiquant que l’opinion du Shoul’han Aroukh fait autorité et ce dernier indique la raison du Rambam qui est soulignée par le Beèr Hagola comme établissant une distinction entre le « goy tout court » et le « Goy Akoum ».

Donc selon le Yorou Mishpateikha Leyaakov (§23), la position finale du Rav Karo est bien de suivre le Rambam sur ce point et de n’appliquer ce din qu’envers le « goy akoum », idolâtre et criminel.

Le Rav Abou’hatseira ne souligne pas que le rav Karo contredit ce qu’il écrivait dans son Beth Yossef, mais c’est bien ce qui ressort de ce qu’il dit.

[à noter au passage : ce rav Yaakov Abou’hatseira est bien le fameux « Abir Yaakob », grand-père de Baba Salé.
Hé oui, ces gens-là étudiaient aussi le Talmud, comme les vrais kabbalistes, pas comme les pseudo-mekoubalim à deux francs qui sont fréquents de nos jours qui ne s’intéressent qu’au Zohar, au Arizal et à la kabbale en pensant la comprendre alors que leur compréhension du Talmud est d’un niveau à peine digne d’un élève de yeshiva ktana.
Rabbi Yaakov Abou’hatseira a étudié le Talmud et a rédigé un responsa halakhique (et d’autres sfarim encore).
Son petit-fils Baba Salé était Rosh Yeshiva à Rissani au Maroc et a étudié (la gmara) en ‘havrouta en Israël avec le grand Rabbi Ezra Attia à Porat Yossef…]


Quoi qu’il en soit, même selon le Beth Yossef, si la restitution de l’objet occasionne un kidoush Hashem, il sera d’accord que l’interdit ne s’applique pas et qu’il convient de rendre l’objet.

De plus, même sans cela, il y a lieu de se demander si Dina demalkhouta n’entrerait pas en jeu (-la question similaire concernant l’objet de l’assassin est nettement moins perturbante).

J’ai lu un grand possek qui considère que Dina demalkhouta impose aussi de rendre l’objet trouvé, c’est Rabbi Khalfon Moshé Hacohen (je sens d’ici tous les lecteurs djerbiens -et aussi tunisiens- frémir et trembler de respect devant la kdousha de ce tsadik) (Shout Shoel Venishal, II, H’’M §13), de plus, il écrit (parmi d’autres raisons) très clairement que cet interdit de rendre l’objet perdu au goy ne concernait que les idolâtres de l’époque qui ne veillaient pas à la justice, mais de nos jours où l’idolâtrie a pratiquement disparu, il n’y a plus de distinction à faire entre juif et non-juif sur ce point et on est tenu par la halakha de rendre l’objet trouvé (il ajoute aussi que le contrevenant causerait du ‘hilloul hashem et plus encore).

J’ajoute encore un élément important :
dans la Mekhilta (messekhta dekaspa, parsha 20) nous trouvons l’opinion d’un rabbin qui interprète « Shor Oyivkha, zéou goy oved élilim ».
Selon lui, il semblerait qu’il y ait une mitsva de Hashavat Aveida même envers un idolâtre (cf. Torah Shleima Mishpatim XXIII, 4 , p.165).

Cet avis n’est nullement mentionné dans le shas Bavli (ni dans le Yeroushalmi), il n’est donc pas retenu.
La Halakha n’est pas comme cet avis qui vient contredire l’opinion majoritaire.

Toutefois, je m’aventure à déduire du fait qu’il ait insisté en disant « goy oved élilim » (expression rare) et ne s’est pas contenté de dire « goy » tout court, qu’il apparaît qu’en l’absence de cet ajout, cela n’aurait pas constitué une manière de se démarquer de ses opposants.

En d’autres termes, ces derniers seraient donc aussi d’accord qu’il faille rendre l’objet perdu d’un « goy tout court », le désaccord ne porterait que sur un goy idolâtre « goy oved élilim ».

Je sais qu’il y a une version dans le Yalkout Shimoni (shemot §352) qui cite cette Mekhilta sans l’ajout « oved élilim » (Oyivkha, zé goy), mais elle me parait erronée en raison de la censure, d’ailleurs dans la version classique (et non moderne) du Yalkout Shimoni (shemot §352, daf 103c) le texte porte « kouti » au lieu de « goy », bien entendu « kouti » a été écrit pour dire « goy » et éviter les soucis de censure, la nouvelle édition avait donc raison d’écrire « goy » à la place, mais je pense qu’à l’origine, le texte était identique à celui de la Mekhilta et portait « goy oved élilim ».

[Note au passage : Rabenou Be’hayei (pour les intimes Rabenou Ba’hya ben Asher ‘Haliwa) écrit dans son commentaire sur Dvarim (XXII, 1) que les avis sont absolument unanimes : il n’y a pas de mitsva de hashavat Aveida au goy.
Même en considérant qu’il parle d’un goy akoum, il semble avoir oublié cette Mekhilta… (A moins qu’il ne pense comme le Tosfot Baba Metsia 32b). Ce texte a été censuré et n’apparait pas dans les versions classiques du Rabenou Be’hayei.]


En conclusion :


Si vous trouvez un objet, il FAUT le rendre à son propriétaire qu’il soit juif ou non.

C’est une obligation morale, civile et halakhique, celui qui soutiendrait l’inverse est largement contredit par les poskim cités plus haut et critiqué et accusé par certains d’entre eux.


Le seul à qui on ne rend pas un objet perdu, c’est le terroriste/assassin/barbare du type qui existait à l’époque des ‘Hazal et qui existe encore de nos jours par endroits malheureusement.

Donc si vous trouvez le portefeuille d’un des terroristes du Bataclan, ne lui rendez pas, il ne pourrait qu’utiliser cet argent pour assassiner encore plus de monde et faire encore plus de mal.

Mais si c’est le portefeuille d’un non-juif « normal », qui n’est pas terroriste/assassin (etc.), il faut impérativement lui rendre son bien
(même si sa photo d’identité indique que c’est un musulman convaincu et barbu, de nombreux musulmans sont des justes et méritent tout notre respect, ce n’est pas parce que leur religion connait de nombreux fous furieux qu’il faut tous les condamner, un bon musulman est un tsadik.
Idem pour un « français de souche », ce n’est pas parce qu’il a statistiquement de grandes chances d’être le descendant d’un assassin/terroriste crapuleux, que nous devrions nous comporter avec lui comme ce que son ancêtre le mériterait.
On ne doit pas tenir rigueur aux descendants du terroriste, seulement au barbare lui-même).

Pour conclure cette conclusion, je vous indique un shiour audio où je parle de ce sujet parmi d'autres sujets voisins:
http://www.centre-alef.fr/2016/04/le-racisme/

Vous y trouverez encore d'autres sources et informations que je ne cite pas ici et il y a ici des informations dont je ne parle pas dans ce shiour, ils sont donc complémentaires.

Désolé pour les probables fautes, je ne prends pas le temps de me relire.
Jackske
Messages: 2
Merci pour cette réponse détaillée qui éclaircit ce point sensible que certains n'hésitent pas à utiliser à mauvais escient.
reouvenb
Messages: 98
cher rav wattenberg encore une réponse extraordinaire après un cours sur le racisme qui l'est tout autant.

Je me demandais juste, nonobstant la raison de dina demalhuta, pourquoi on devrait rendre l'objet au goy étant donné qu'il y a de fortes chances qu'il ait fait iyoush ? La gmara BB Metsia 24a envisage même de dire que dans rov israel aussi on n'est pas tenu de rendre un objet.

Je vous ai déjà posé la question qui suit ailleurs mais je me permet de la reposer: D'après tout ce que vous dites précédemment, selon ses poskim, le "heter" de frauder les impôts a cause de "taout goy mouteret" ou "hafkaat halvaato" (ran nedarim 28a, rambam gzeila 5, 11 selon le kessef mishne, le gra 369, hout hameshoulash 13) ou bien il a une difference entre hfkaat halvaato et aveida ?

Merci beaucoup.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6685
A Reouvenb :

Pour la seconde question, je crois que j’y réponds ici:

http://techouvot.com/produit_non_facture_estce_du_vol-vt13480.html


Pour la première, la notion de Yeoush existe en effet et même « chez les juifs », mais elle concerne les objets sans signe distinctif (comme une pièce de monnaie par exemple), nous parlons ici d'une personne qui trouve un portefeuille avec nom et coordonnées…
HIMOOS
Messages: 29
Selon le developpement cité, est-ce le din pour tout siman astreignant à être ma’hriz l’objet ? (et pas seulement le numéro). C-à-d, tous les dinim cités dans la guemara concernant la restitution d’objets concerneraient également le non-juif ?

Autre question : quel serait le din de toutes ces « mises en garde » envers le l'idolâtre moderne, qui croit fermement à la a’’z, mais qui est moral et civilisé ? Il ne rentrerait donc pas dans la catégorie «akoum» (ex, le curé, selon les chitot considérant la trinité comme étant interdite) ?
MenTem
Messages: 12
Bonjour, le Mishna Beroura (306:48) écrit : "ונהגו להכריז גם על אבדת א"י מפני דרכי שלום"

Certes, il ne parle pas exactement de "ashavat aveda" mais d'annoncer la perte d'un objet en public (à Shabbat, tout de même). Toutefois, il me semble que cela pourrait tendre dans le sens d'une ashavat aveda pour un non-juif.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6685
A MenTem :

Citation:
Bonjour, le Mishna Beroura (306:48) écrit : "ונהגו להכריז גם על אבדת א"י מפני דרכי שלום"
Certes, il ne parle pas exactement de "ashavat aveda" mais d'annoncer la perte d'un objet en public (à Shabbat, tout de même). Toutefois, il me semble que cela pourrait tendre dans le sens d'une ashavat aveda pour un non-juif.


Merci pour votre contribution.
(car je ne crois pas qu’il s’agisse d’une objection, is it ?)
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6685
A HIMOOS:

Citation:
Selon le developpement cité, est-ce le din pour tout siman astreignant à être ma’hriz l’objet ? (et pas seulement le numéro). C-à-d, tous les dinim cités dans la guemara concernant la restitution d’objets concerneraient également le non-juif ?

Tout Siman qui en est un.
Le numéro de téléphone n’a pas un statut particulier.

Citation:
Autre question : quel serait le din de toutes ces « mises en garde » envers le l'idolâtre moderne, qui croit fermement à la a’’z, mais qui est moral et civilisé ? Il ne rentrerait donc pas dans la catégorie «akoum» (ex, le curé, selon les chitot considérant la trinité comme étant interdite) ?

Votre question est purement théorique.
Il semblerait que cela soit discuté entre les commentateurs, d’après le Méiri (op cit) l’appellation « idolâtre » n’est pas le point déterminant, c’est une manière de dire « criminel » ou « terroriste » dans le langage de l’époque. D’autres pourraient ne pas être d’accord.
MenTem
Messages: 12
Il ne s'agit pas d'une objection - je ne me le serais pas permis :) - mais, au contraire, d'un élément supplémentaire qui semble aller dans le sens d'une mitsva (fusse-t-elle derabannan/darkei shalom etc.) de ashavat aveida à un goy.

Je m'étonne du fait que le monde orthodoxe "conventionnel" semble ignorer ce MB, qui, pourtant, considère que la ashavat aveida d'un goy peut permettre de contourner un potentiel problème de "daber davar" à Shabbat (c'est donc bien qu'il y aurait une mitsva).
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6685
Citation:
Il ne s'agit pas d'une objection - je ne me le serais pas permis :) - mais, au contraire, d'un élément supplémentaire qui semble aller dans le sens d'une mitsva (fusse-t-elle derabannan/darkei shalom etc.) de ashavat aveida à un goy.

Je m'étonne du fait que le monde orthodoxe "conventionnel" semble ignorer ce MB, qui, pourtant, considère que la ashavat aveida d'un goy peut permettre de contourner un potentiel problème de "daber davar" à Shabbat (c'est donc bien qu'il y aurait une mitsva).


1) ‘Hazak.

2) Votre remarque gagnerait en clarté si vous indiquiez la référence dont vous parlez. Je le fais à votre place : il s’agit du Mishna Broura (§306, sk.48).

3) Pour relativiser votre étonnement, je dirais que le « monde orthodoxe conventionnel » n’ignore pas ce texte, mais il faut savoir qu’on se contente de moins d’une Mistva pour -parfois- autoriser Vedaber Davar.
Voyez Aroukh Hashoul’han (o’’h §306,23) [et aussi Mishna Broura (§306, sk.49, et sk.55)] qui écrit qu’on profite du rassemblement shabbatique pour annoncer ce qui est lié à « takanat hatsibour ».
Ainsi, si l’on considère la notion de Darkhei Shalom telle que l’a comprise le Mishna Broura, il y a un enjeu « letovat hatsibour » qui autorise à profiter du rassemblement pour annoncer même quelque chose de « ‘hol » qui n’est pas intrinsèquement Dvar Mitsva/’Heftsei Shamayim.
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