C’est en effet un Psik Reisha, et c’est en effet patour, MAIS Assour.
Voyez ici une intervention de
Rav Its’hak Yossef (qu’on m’a envoyée juste avant que je ne voie votre question !) au sujet de votre cas :
https://www.youtube.com/watch?v=4RixzCkIDks
Il n’accepte pas que l’on demande à l’enfant, il mentionne même un enfant de deux ans
(=qu’il serait déjà interdit de lui demander) alors que d’autres placent plutôt l’âge à 3 ans, mais de toute façon dans votre cas il s’agit d’une enfant de 3 ans
(=âge qui commence à poser problème selon tout le monde).
Il conseille donc de faire appel à un non-juif pour lui demander de l’aide, si lui qui est en Israël pense que l’on peut trouver un non-juif pour cela, que puis-je vous dire pour la France ?
Il y a quand même plus de non-juifs en France, non ?
Dans un cas hypothétique où il n’y aurait pas de non-juif dans la ville, demander à un enfant de deux ans d’ouvrir le frigo, ça peut aller
(et encore ça dépendra de sa maturité), mais pas à trois ans.
[L’idée de la maturité est dépendante de la conscience de l’enfant ; s’il sait que c’est un issour et qu’on l’utilise, il ne faut pas le faire.
Il y a longtemps, un de mes enfants avait éteint machinalement la lumière des toilettes en sortant.
Pour y remédier, j’ai tenté d’utiliser sa petite sœur qui n’avait que deux ans, sans lui demander d’allumer la lumière, uniquement en la portant et la plaçant face à l’interrupteur, dans ces cas, habituellement, elle s’amusait toujours à allumer et éteindre.
Ma mission consistait donc à la laisser allumer et à l’écarter de l’interrupteur avant qu’elle n’éteigne à nouveau.
Je suis resté avec elle dans les bras un bon moment, mais elle n’a pas touché l’interrupteur.
J’ai donc, dans l’espoir de déclencher sa passion pour l’allumage/extinction à laquelle elle était coutumière, commencé à lui demander si elle savait ce que c’était (en montrant l’interrupteur).
Elle m’a répondu « oui, c’est la lumière, mais il ne faut pas toucher quand c’est shabbat » .
Là, j’ai compris qu’il n’y avait rien à faire et qu’on resterait dans le noir aux toilettes.]
Si on n’a ni non-juif ni enfant, le
Shmirat Shabbat Kehilkhata (§10, 14) propose de débrancher la prise avec Shinouy lorsque le moteur du frigo est à l’arrêt
(et ce, à condition que ce soit une prise que l’on ait l’habitude de débrancher et rebrancher en semaine), mais d’une part il est fréquent que cette prise se trouve derrière le frigo et soit assez inaccessible et d’autre part surtout, il y a de moins en moins de frigo qui ne possèdent ni système de ventilation ni voyants ni rien, de telle sorte que si l’on débranche la prise même avec Shinouy, cela pourrait quand même éteindre des lumières ou arrêter le ventilateur ou je ne sais quoi.
Il y a tout de même des opinions favorables à l’utilisation d’un enfant, comme vous l’avez fait :
le
Rav Moshé Lévy (Menou’hat Ahava I, §XXIV, 20) l’autorise au nom de son maître
Rabbi Méir Mazouz.
L’idée est que sur un sujet qui est discuté par les poskim pour savoir s’il comporte ou non un interdit Miderabanan, on peut demander à un Katan de le faire si c’est Bimkom Tsorekh en se basant l’une des réponses du
Beit Yossef (O’’H §269) qui dit que les enfants ne sont pas concernés par les interdits discutés pour les majeurs, donc comme dans notre cas celui qui ouvre son frigo ne cherche pas à allumer la lumière et n’y a pas d’intérêt, c’est un cas de Psik Reisha autorisé selon le
Aroukh -même si la halakha n’est pas retenue comme lui, mais c’est tout de même une discussion quant à savoir si c’est interdit ou non
(et si oui, c’est miderabanan), donc un enfant n’a pas cet interdit.
[
Note : Je suis un peu dérangé par la nature du Heiter qui ne devrait pas être en mesure d’autoriser de demander au Katan, même si l’interdit n’existe pas pour lui, car nous n’avons pas le droit de demander à un Goy de faire une melakha non plus, bien que l’interdit n’existe pas pour lui.
Il y a une ma’hloket Rishonim sur la raison de l’interdit de Amira Leakoum, si c’est parce que Yesh Shli’hout Legoy Le’houmra, ou pour ne pas désacraliser le Shabbat, à cause de Dibour ‘Hol… On devrait donc aussi interdire Amira LeKatan.
Voyez aussi ce que j’ai écrit ici :
https://www.techouvot.com/_amira_leyid-vt13545.html?highlight= .
Mais il sera toujours possible -pour contourner ce problème, de demander au Katan par Rémez et pas de manière explicite.
Subsisterait tout de même le problème de Shvitat Bno, à moins de parler d’un enfant qui n’est pas le sien ? Mais pour notre cas, il ne s’agit pas de faire Amira Lekatan sur une Melakha, donc on peut éviter la problématique de Shvitat Bno.]
Ce Heiter devrait logiquement s’appliquer aussi à un enfant de 10 ou 12 ans, tant qu’il n’est pas bar mitsva.
Mais
Rav Mazouz (Mavo du Mishna Broura tome 3 éd. Ish Matslia’h) y voit une Zilouta DeShabbat et indique donc de n’utiliser, pour ce faire, qu’un enfant de moins de six ans.
Donc dans votre cas, vous êtes soutenu par
rav Mazouz et Rav Moshé Lévy.
Mais ce Psak ne fait pas l’unanimité.
Rav Ben Tsion Aba Shaoul (Or Letsion II, §41, 3) est Ma’hmir et interdit de demander au Katan car c’est un Psik Reisha Deni’ha Lei et donc Assour Min hatorah.
Idem Pour
ROY (Yabia Omer IX, o’’h §CVIII, 187) qui précise que
Rav Mazouz restreint (dans sa
Haskama au Menou’hat Ahava) le Heiter de son élève, à un enfant qui n’est pas arrivé à l’âge du ‘Hinoukh (~6ans)
(ne possédant pas ces Sfarim, je ne peux pas vérifier), mais
ROY n’est pas d’accord car il s’agirait d’un cas de Ni’ha lei.
C’est encore l’opinion de plusieurs Poskim pour qui il s’agit d’un Psik Reisha DeNi’ha Lei :
rav S.Z. Auerbach (Min’hat Shlomo I, §91, 9)
Igrot Moshé (O’’H II, §68)
Rivevot Ephraïm (II, §103) et (III, §244)
Beèr Moshé (VI, Kountras Elektrik §9 et 10)
Az Nidberou (III, §28).
Je suis quand même perplexe sur l’évidence qu’ils voient à attribuer un statut de Ni’ha Lei pour l’allumage de la lumière du frigo. Si la pièce est bien éclairée et qu’on ne cherche pas à laisser la lumière du frigo
même en semaine, a priori, on peut comprendre la position de
Rav Mazouz.
rav S.Z. Auerbach (Min’hat Shlomo I, §91, 9) explique que la Svara qui consiste à dire que cet éclairage n’est pas Ni’ha Lei car cette lumière lui interdit l’ouverture du frigo, n’est pas une bonne Svara.
Car en autorisant (via un Goy ou un Katan), ça redevient Ni’ha Lei automatiquement
(puisque ça ne l’est pas que dans la mesure où cela rend impossible l’ouverture, mais dès qu’on va dire que c’est Lo Ni’ha Lei et que ça rend possible l’ouverture, de nouveau ça redevient Ni’ha Lei).
On trouve une idée semblable dans le
Tosfot Baba Metsia (30a sv. Af) au sujet de la Para Adouma
(où la Aliyat Hazakhar n’est possélet que si c’est Ni’ha lei, or, si sa Para est nifsélet, il perd beaucoup plus que le gain de la Aliyat Hazakhar, puisqu’une Para Adouma valide se vend très cher. Mais comme en disant que cette Aliyat Hazakhar ne lui est pas Ni’ha elle devient Ksheira, il en résulte que c’est effectivement Ni’ha Lei…).
[J’avais parlé de cette Svara avec les Dayanim du Beit Din de
Rav Wozner, qui disaient que si la lumière s’allume à notre passage dans le couloir de notre immeuble et qu’il y a déjà un petit éclairage
(on n’a donc pas « besoin absolu » de cet ajout de lumière), on peut considérer cela comme un Psik Reisha Delo Ni’ha Lei car cet allumage rendrait interdit d’y passer si c’était Ni’ha lei
(donc, forcément, il n’est pas voulu).
Je préférais expliquer que cet allumage nous coûtant quand même quelques centimes alors que l’on n’en a pas vraiment besoin, pouvait ainsi être vu comme Lo Ni’ha lei
(-bien qu’en semaine, on accepte/apprécie cet allumage quelque peu superflu, sans se soucier des centimes perdus. Il ne s’agirait que d’une Svara à associer à l’autre Svara pour faire une différence avec le problème du Tosfot sur la Para Adouma).]
Mais je pense qu’une autre Svara peut permettre de dire que ce n’est pas Ni’ha Lei, dans le cas où la pièce est bien éclairée et qu’il ne cherche pas à laisser la lumière du frigo même en semaine
(il la neutralise habituellement même en semaine mais elle se serait malencontreusement activée juste avant shabbat par exemple).
A part tout ça,
Rav Elyashiv (Maor Hashabbat IV, p.224 et Ashrei Haïsh O’’H II, §VIII, 16) s’oppose au fait de demander au Katan d’ouvrir un frigo, car il considère l’allumage comme une action directe
(beyadaïm et « normale ») et non un Psik Reisha.
Je crois que le
Shmirat Shabbat Kehilkhata (§XXXI, 1, dans la note) mentionne aussi cette idée au nom de
rav S.Z. Auerbach, on considérerait qu’ouvrir la porte est la manière « normale » d’allumer cette lumière du frigo.
De plus,
Rav Elyashiv y voit aussi un problème de Amira Leakoum
(/Amira Lekatan) (selon la svara que j’écrivais plus haut).
Donc il interdira aussi de demander à un non-juif d’ouvrir le frigo puisque l’allumage se fait de la manière « normale »
(Ouvyom Hashabbat VII, p.80, note 27 et Ashrei Haïsh O’’H II, §VIII, 17).
Reste seulement l’option de dire au non-juif de débrancher le frigo lorsqu’il est au repos
(Maor Hashabbat IV, p.224 et Ashrei Haïsh O’’H II, §VIII, 17), pour peu qu’il s’agisse d’un frigo qui s’y prête halakhiquement, c-à-d qu’il ne comporte pas d’affichages, ni de voyants, ni de ventilation etc.
En résumé:
D’après les opinions les plus rigoureuses, si vous n’avez pas de non-juif qui pourrait vous aider
(en lui demandant indirectement pour certains) ou que votre frigo est assez moderne, vous devrez vous en passer jusqu’à Motsaé Shabbat.
Tandis que pour les opinions permissives
(Rav Mazouz et Rav Lévy), vous avez fait ce qu’il fallait faire.
Par manque de temps, je ne peux pas me relire. J'espère ne pas avoir fait trop de fautes.