On peut dire, avec Rachi et le Midrach tan‘houma, que le signe du serpent a été l’indication donnée par Hachem à Moïse qu’il avait calomnié Israël en affirmant que les enfants d’Israël ne le croiront pas (Chemoth 4, 1).
Il en est de même, toujours selon Rachi et le Midrach tan‘houma, pour le signe de la lèpre, « maladie » qui frappera plus tard Miryam pour avoir médit de Moïse.
J’ajoute, avec le rabbin Elie MUNK (La voix de la Torah, II, page 41), que si Moïse n’avait pas été sceptique, il aurait pu, grâce à l’inspiration prophétique et à sa force de conviction, enflammer le peuple pour la tâche idéale qui l’attendait, et il n’aurait pas eu besoin de se servir des « moyens accessoires » que représentent les signes. Ceux-ci ne lui furent donnés qu’en conséquence de « son opinion sceptique » (lefi chitatho –Rabba). Vu sous cet angle, le bâton miraculeux représente un double symbole (dont l’allusion est comprise dans la syncope du mot mazé) : Il est, en tant que l’instrument des miracles, le soutien sur lequel Moïse s’appuiera et il est, à la fois, la verge du châtiment pour l’incrédulité du prophète. Et bien plus tard, à l’occasion des eaux de Meriva, ce fut le bâton dont Moïse frappa le rocher à deux reprises, qui devint l’instrument de son péché et de son sévère châtiment (Bamidbar 20, 1).
En admettant que les nombreux signes accomplis par l’intermédiaire de Moïse en Egypte vont en s’aggravant progressivement, on conçoit que le premier signe se rapporte à l’art le plus répandu en Egypte, celui de la sorcellerie. Les Egyptiens y étaient déjà passés maîtres à l’époque d’Abraham, et les charmeurs de serpents y présentaient certainement en grand nombre leurs artifices relativement simples. Mais tandis qu’ils saisissent généralement le serpent à la nuque, pour l’empêcher de mordre, Moïse le saisit à la queue, ce qui était bien plus dangereux. Il révélait ainsi, dès le début, sa supériorité dans le domaine où les Egyptiens croyaient être imbattables.
Mais ce premier signe contenait également un symbole éloquent. L’emblème des Pharaons était le basilic ou le crocodile qui symbolisaient le pouvoir royal et divin. Sans doute cet emblème devait-il représenter le grand fleuve de l’Egypte, le Nil, auquel des pouvoirs divins étaient attribués et dont le cours sinueux rappelait les formes d’un serpent. Or, lorsque Moïse répète son signe devant Pharaon, le nom tanin (« crocodile »), se substitue à celui de na‘hach (« serpent »), employé ici. Il y a là une allusion assez nette à Pharaon lui-même, qui se glorifiait d’être ha-tanin ha-gadol (« le grand crocodile couché au milieu des fleuves » – Ezéchiel 29, 1) En saisissant le serpent à la queue, en le réduisant à un morceau de bois inanimé, et en agissant avec lui à son gré, il est révélé à Moïse que Pharaon n’est point invulnérable. En fait, l’impuissance du serpent entre les mains de Moïse est le signe annonciateur que la puissance égyptienne est déjà virtuellement brisée.