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Rav Ovadia Yossef et le Shulhan Arukh

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Rafa2007
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Bonjour Rav

Vous en avez déjà parlé plusieurs fois mais quels sont svp les cas où ROY (et ses fils) tranche(nt) différemment du Shulhan Arukh ? Et surtout pourquoi ? Comment justifient-ils ça si il faut que tout les sefaradim suivent Maran en Israël ?

Merci beaucoup.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
Citation:
Bonjour Rav vous en avez déjà parlé plusieurs fois mais quels sont svp les cas où ROY (et ses fils) tranche(nt) différemment du Shulhan Arukh ? Et surtout pourquoi ?


Il y en a beaucoup, de nombreux cas où la Halakha n’est PAS comme Maran Ha-shoul’han Aroukh, même pour Rav Ovadia Yossef et famille.

Je ne suis pas un spécialiste des Psakim de la famille Yossef, mais je vous indique quand même quelques exemples.
Et ce, sans mentionner les très nombreux cas où l’on déroge à la loi du Shoul’han Aroukh qui dit qu’il faut faire une Brakha et qu’en raison de Sabal Negued Maran, on ne le suit pas, car vous risqueriez de me dire « ok, à part ces cas de Sabal » (car vous devez avoir déjà entendu Amrinan Sabal Negued Maran. Toutefois je vous suggère de penser plus sérieusement à ce que cela veut dire et vous verrez que ça aussi va à l’encontre de la compréhension très française de ce que dit ROY lorsqu’il dit Kibalnou Horaot Maran), voici donc une dizaine d’exemples non liés à Sabal (lorsque l'habitude répandue et différente du S.A. est connue, je ne le préciserai pas. Si c'est moins connu, j'expliquerai un peu):

1) Tout d’abord, probablement le plus connu de tous : Maran Ha-Shoul’han Aroukh retient l’opinion de Rabénou Tam concernant Tset Hakokhavim (cf. Shoul’han Aroukh o’’h §261,2 et Mishna Broura sk.20), c-à-d que le Shabbat entrerait beaucoup plus tard et sortirait aussi plus tard.
Ce n’est pas la Halakha et personne de nos jours vous dira de faire entrer le Shabbat bien après la Shkia. (Par contre, à l’époque du Rav Karo -et même plus proche de nous encore- il y avait des communautés qui faisaient entrer le Shabbat très tard, à un horaire qui serait unanimement condamné de nos jours.)

2) Un autre cas très connu : Le Shoul’han Aroukh (o’’h §605,1) interdit les Kaparot (d’avant Yom Kipour).

3) Idem, la Birkat Iroussin. D’après le Shoul’han Aroukh (E’’H §34,1) c’est le Mekadesh (le ‘Hatan) qui doit faire la Brakha. Les Sfaradim (dont ROY et RIY -Sova Sma’hot 1998, p.70) suivent la conduite indiquée par le Rama que ce soit un autre (le Messader Kidoushin).

4) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §7,3) écrit que celui a oublié de faire Asher Yatsar après un passage aux WC et s’en souvient après un second passage, devra faire la Brakha deux fois de suite.

5) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §8,9) écrit que l’on doit vérifier les Tsitsiot du Talit tous les matins avant la Brakha. Certains Sfaradim sont Meikilim là-dessus, ROY en fait partie (Ye’havé Daat VI, §1).

6) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §8,11) écrit qu’il faut porter le Talit Katan SUR ses habits.

7) Lorsqu’on met les Tfilines avant de se rendre à la synagogue, le Shoul’han Aroukh (o’’h §25,2) écrit qu’on mettra le Talit Katan puis les Tfilines, on ira à la synagogue, puis on mettra le Talit Gadol.

8) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §25,11) écrit de mettre les Tfilines shel Rosh AVANT d’enrouler les lanières du Yad sur le bras.

9) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §34,3) n’autorise de mettre les Tfilines de Rabénou Tam qu’à celui qui est réputé pour être un dévot (מוחזק ומפורסם בחסידות).

10) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §38,9) dispense des Tfilines le Mitstaer (et dispense le ‘Hatan dans séif 7).

11) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §46,6) s’oppose à la Brakha "Hanoten Layaef Koa’h" (qu’il ne faudra PAS réciter), pourtant ROY la récitait [cf. Yabia Omer (I, o’’h §28,5), (II, o’’h §25,12-13) et (VI, o’’h §8,1-2), et Ye’havé Daat (VII, §127,1)]. C’est l’inverse d’un Sabal !

12) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §47,13) interdit de réciter la Brakha "Hanoten Lassekhvi Bina" avant que le jour ne se lève, certains Sfaradim ne le suivent pas et autorisent la Brakha, ROY en fait partie (Ye’havé Daat IV, §4).

13) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §56,2) écrit de répondre Amen dans le Kadish après « Yitbarakh ».

14) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §59,3) écrit de ne pas dire la Kdousha du Yotser beya’hid sans les Teamim.

15) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §125,1) écrit que le Tsibour ne doit PAS dire Nakdishakh (lors de la Kdousha) que seul le Shalia’h Tsibour récite.

16) Certains Sfaradim en Israël (dont ROY) suivent l’opinion ashkenaze qui dit d’annoncer le mot Yevarékhékha aux cohanim lors de Birkat cohanim, contrairement au Shoul’han Aroukh (o’’h §128,13).

17) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §128,20) écrit que lorsque le Shats est le seul cohen, il devra être Oker Raglav et monter sur l’estrade etc. ROY (Ye’havé Daat II, §13, p.56 note 1) écrit l’inverse en suivant le Radbaz (I, §237).

18) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §131,1) écrit de se pencher sur le côté lors de Nefilat Apaïm.

19) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §150,2) écrit qu’il faut que le bâtiment de la synagogue soit plus haut que toutes les habitations de la ville.

[Ne parlons pas pour la France et ‘Houl, mais en Israël, et même à Bnei Brak et Jérusalem, ce n’est pas le cas. L’explication du Mishna Broura (sk.5) est surtout portée sur ‘Houts Laarets.
En réalité, pour Israël, on suit le Méiri (Meguila daf 11) pour qui le problème n’existe que si les habitations qui sont plus élevées que la synagogue sont construites hautes pour la magnificence, mais si c’est par nécessité, afin de créer plus d’appartements, il n’y a pas de problème.
Cette Svara du Méiri est compréhensible, mais le Shoul’han Aroukh n’est pas possek comme lui et interdit, et pourtant, on suit le Méiri.]

20) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §158,11) écrit que l’on fera la Brakha Al Netilat Yadayim dès qu’on a versé l’eau une première fois, AVANT de verser la seconde fois. Il me semble que tous les Sfaradim suivent le Rama qui considère que le Nigouv faisant aussi partie de la Mitsva (pour Netilat Yadayim avant de manger du pain), faire la Brakha après la Netila et avant le Nigouv entre encore dans ce qu’on appelle Over Leassiyatan.

21) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §233,1) considère qu’il faut prier Min’ha Ktana et non Gdola (ça ira quand même Bediavad). Le Minhag des Yeshivot, même sfarades, est de prier Min’ha Gdola et c’est validé par ROY (Ye’havé Daat IV, §19).

22) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §257,8) interdit (même en veille de shabbat) de couvrir la marmite qui est sur la Plata d’une couverture (Hatmana bedavar shéeino mossif hevel). ROY autorise. Voir Yabia Omer (IX, §108, remarque 119 sur le Or Letsion II, §17,10) (néanmoins il indique le Zakhor Leyist’hak (§74) qui propose de dire que c’était un Minhag précédent Maran).

23) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §302,3) interdit de plier le Talit à Shabbat sans respecter certaines conditions ou alors en le pliant ailleurs que sur ses plis. Mais ROY (Ye’havé Daat II, §40) autorise.

24) Le Shoul’han Aroukh (o’’h §555,1) écrit qu’on ne mettra pas les Tfilines le matin de Tisha Beav mais à Min’ha. C’est le Minhag répandu, mais ROY (Ye’havé Daat VII, §90) écrit que si une communauté veut changer cette habitude et suivre l’opinion qui autorise les Tfilines le matin (comme le font certaines communautés Sfarades à Jérusalem), elle le pourra.

25) D’après le Shoul’han Aroukh (o’’h §591-592), les Tkiot se font pendant la ‘Hazara et aucune pendant le La’hash. Malgré cela, ROY (Ye’havé Daat VI, §37) écrit que si une communauté veut changer ce point et répartir les Tkiot partiellement sur le La’hash, elle le peut.

Voilà, il y en a eu plus que 10 finalement, je pense qu’on pourrait apporter encore d’autres exemples, mais ceux-ci devraient suffire à prouver que les Sfaradim et même ROY et ses enfants ne suivent pas systématiquement Maran Ha-shoul’han Aroukh. (Sans parler, comme dit plus haut, des nombreux cas de Sabal et des directives du Arizal dans certains domaines, où ils ne suivent pas le Shoul’han Aroukh.)


Citation:
Comment justifient ils ça si il faut que tout les sefaradim suivent Maran en Israël ?

En fait, il est faux de dire que « tous les sfaradim doivent suivre Maran en Israël », c’est une approximation, mais ce n’est pas une vérité halakhique « scientifique » fiable.
En réalité, il y a des tas d’autres règles qui sont autant de dérogations et d’exceptions à cette pseudo-règle prônée par ROY (et fils) afin d’asseoir et d’imposer leur Psak (majoritairement compatible au S.A.) dans toutes les communautés Sfarades.

Il suffit d’écouter Rav Its’hak Yossef et la manière qu’il a de parler de ceux qui ne suivent pas ses Psakim et ceux qui ne se sentent pas totalement inféodés au tout puissant Rav Ovadia, pour comprendre qu’il y a une volonté d’imposer et répandre les Psakim Yossef.
D’autres Rabanim présentent leur avis et laissent à chacun le choix de le suivre ou non. On peut considérer avoir raison, mais à quel titre imposer son opinion à autrui ?

Rav Ovadia זצ"ל lui-même avait commencé avec cette Shita visant à répandre avec insistance ses décisions halakhiques.
Son idée, je dirais même son objectif, était d’unifier le Psak Sfarade et arrêter avec toutes ces habitudes différentes d’une communauté à l’autre ; Marocains, Tunisiens, Djerbiens, Algériens de l’ouest, Algériens de l’est, Egyptiens, Syriens, Irakiens, Iraniens, Turcs, Grecs, Thessaloniciens, (etc.) devraient tous suivre une seule halakha et réunifier leurs psakim.

On peut dire qu’il y est un peu arrivé, seuls des marocains, des djerbiens et quelques tunisiens résistent encore.
Les autres avaient de toute façon un Psak très proche de celui de ROY (les ‘Halabim) ou n’avaient pas assez de Talmidei ‘Hakhamim pour les représenter et maintenir leurs psakim.

En réalité, il faudrait aspirer à unifier le psak chez tous les juifs, ashkenazim inclus. N’avons-nous pas tous la même Torah ? Parce que nos ancêtres ont habité différents pays pendant quelques siècles nous devrions avoir une Torah différente les uns des autres?

Mais c’est compliqué à changer.
ROY savait qu’il n’avait aucune chance de convaincre les ashkenazim, dont il s’est focalisé sur les Sfaradim et on peut dire qu’il a plus ou moins réussi. Il restera toujours des Minhaguim propres à chaque communauté, comme la Mimouna marocaine ou la Bilada tunisienne etc. mais au niveau du psak halakha c’est assez proche et beaucoup suivent les psakim de ROY, peu importe leur origine.

Aujourd’hui encore RIY insiste beaucoup pour répandre les Psakim de son père, je ne suis pas à l’aise avec cette méthode, l’idée d’unifier les Psakim est attrayante, mais de là à s’imposer aux autres...

Cette unification engendre aussi beaucoup de tensions et discordes (avec d’autres Rabanim attaqués de manière récurrente pour leurs psakim par Rav Its’hak Yossef, que ce soit Rav Méir Mazouz ou d’autres, jusqu’à l’affaire de la fameuse lettre de Rav Shloush et Rav Delouya mettant Rav Its’hak Yossef en garde, etc…), ce n’est pas le but.

A propos du concept de Mara Deatra et de l’idée selon laquelle R. Yossef Karo serait le Mara Deatra en Israël et que cela impliquerait l’obligation de suivre ses Psakim, j’ai déjà expliqué que cela ne tient pas trop la route mais voyez surtout ceci : https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=57971#57971
pour comprendre que même R. Its’hak Yossef n’en est pas réellement convaincu…

Voyez aussi le shout ‘Hemda Gnouza (Shloush) (fin de tome 1 dans le maftéa’h sur fin des tshouvot, dernière tshouva à la fin). Il dit que rav Yossef Karo n’était PAS le Mara Deatra, ni même le rabbin de Tsfat, et que ce n’est qu’après sa mort que ses psakim ont été acceptés car un rabbin a besoin de s’appuyer sur un livre qui présente tout etc. et qu’avant RY Karo on ne tranchait pas comme « 2 Migo 3 » (sur ce point, ce n’est pas si unanime, j’en ai déjà parlé ailleurs), et qu’un rav qui est Raouy peut trancher différemment de Maran, MAIS que de nos jours il ne faut pas le faire, MAIS qu’en tout cas ceux qui sont arrivés en erets avec un minhag (marocain) peuvent continuer etc.

Les règles les plus souvent mises en avant pour justifier un écart de ce que dit Rav Karo, sont Sabal Negued Maran, Arizal en matière de liturgie (et sujets voisins), ou encore Minhag Kadmon. Mais ce ne sont pas les seules. Il y a chez les A’haronim des tas de règles et de « cas particuliers » où « on ne suit pas Maran ».

Donc qu’on ne me dise pas après qu’on suit Maran à 100%. C’est faux, il y a beaucoup de cas où l’on s’écarte du Psak de Rav Karo.

Je ne me relis pas par manque de temps (et c'est dommage).
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